Joseph Balsamo – Tome II (Les Mémoires d’un médecin)

Chapitre 14Le retour de Saint-Denis

En s’éloignant de Philippe, Gilbert, comme nous l’avons dit,
était rentré dans la foule.

Mais cette fois ce n’était plus le cœur bondissant d’attente
et de joie qu’il se jetait dans le flot bruissant, c’était l’âme ulcérée par
une douleur que le bon accueil de Philippe et ses obligeantes offres de service
n’avaient pu adoucir.

Andrée ne se doutait pas qu’elle eût été cruelle pour Gilbert.
La belle et sereine jeune fille ignorait complètement qu’il pût y avoir entre
elle et le fils de sa nourrice aucun point de contact, ni pour la douleur ni
pour la joie. Elle passait au-dessus des sphères inférieures,jetant sur elles
son ombre ou sa lumière, selon qu’elle était elle-même souriante ou sombre.
Cette fois, l’ombre de son dédain avait glacé Gilbert ; et comme elle n’avait
fait que suivre l’impulsion de sa propre nature, elle ignorait elle-même qu’elle
avait été dédaigneuse.

Mais Gilbert, comme un athlète désarmé, avait tout reçu en
plein cœur, regards de mépris et paroles superbes ; et Gilbert n’avait pas
encore assez de philosophie pour ne pas se donner, tout saignant comme il l’était,
la consolation du désespoir.

Aussi, à partir du moment où il fut rentré dans la foule, ne
s’inquiéta-t-il plus ni des chevaux, ni des hommes. Rassemblant ses forces, au
risque de s’égarer ou de se faire broyer, il s’élança comme un sanglier blessé
à travers la multitude et se fit ouvrir un passage.

Lorsque les couches les plus épaisses du peuple eurent été
franchies, le jeune homme commença de respirer plus librement, et,jetant les
yeux autour de lui, il vit la verdure, la solitude et l’eau.

Sans savoir où il allait, il avait couru jusqu’à la Seine, et
se trouvait presque en face de l’île Saint-Denis. Alors, épuisé,non de la
fatigue du corps, mais des angoisses de l’esprit, il se laissa rouler sur le
gazon, et, enfermant sa tête dans ses deux mains, il se mit à rugir
frénétiquement comme si cette langue du lion rendait mieux ses douleurs que le
cri et la parole de l’homme.

En effet, tout cet espoir vague et indécis, qui jusque-là
avait laissé tomber quelques lueurs furtives sur ces désirs insensés dont il n’osait
pas même se rendre compte, tout cet espoir n’était-il pas éteint d’un coup ?
À quelque degré de l’échelle sociale qu’à force de génie, de science ou d’étude,
montât Gilbert, il restait toujours Gilbert pour Andrée,c’est-à-dire une chose
ou un homme (c’étaient ses propres expressions) dont son père avait eu tort de
prendre le moindre souci, et qui ne valait pas la peine qu’on abaissât les yeux
jusqu’à lui.

Un instant il avait cru qu’en le voyant à Paris, qu’en apprenant
qu’il y était venu à pied, qu’en connaissant cette résolution où il était de
lutter avec son obscurité, jusqu’à ce qu’il l’eût terrassée,Andrée
applaudirait à cet effort. Et voilà que non seulement le macteanimo
avait manqué au généreux enfant, mais encore il n’avait recueilli de tant de
fatigue et d’une si haute résolution que la dédaigneuse indifférence qu’Andrée
avait toujours eue pour le Gilbert de Taverney.

Bien plus, n’avait-elle pas failli se fâcher quand elle
avait su que ses yeux avaient eu l’audace de plonger dans son solfège ? Si
Gilbert eut touché seulement le solfège du bout du doigt, sans doute il n’eût
plus été bon qu’à être brûlé.

Dans les cœurs faibles, une déception, un mécompte, ne sont
rien autre chose qu’un coup sous lequel l’amour ploie pour se relever plus fort
et plus persévérant. Ils témoignent leurs souffrances par des plaintes, par des
larmes : ils ont la passivité du mouton sous le couteau. Il y a plus, l’amour
de ces martyrs s’accroît souvent des douleurs qui le devraient tuer ; ils
se disent que leur douceur aura sa récompense ; cette récompense, c’est le
but vers lequel ils marchent, que le chemin soit bon ou mauvais ; seulement,
si le chemin est mauvais, ils arriveront plus tard, voilà tout,mais ils
arriveront.

Il n’en est point ainsi des cœurs forts, des tempéraments
volontaires, des organisations puissantes. Ces cœurs-là s’irritent à la vue de
leur sang qui coule, et leur énergie s’en accroît si sauvagement,qu’on les
croirait dès lors plus haineux qu’aimants. Il ne faut pas les accuser ;
chez eux, l’amour et la haine se touchent de si près, qu’ils ne sentent point
le passage de l’un à l’autre.

Aussi, quand Gilbert se roulait ainsi, terrassé par sa douleur,
savait-il s’il aimait ou s’il haïssait Andrée ? Non, il souffrait, voilà
tout. Seulement, comme il n’était pas capable d’une longue patience, il se jeta
hors de son abattement, décidé à se mettre à la poursuite de quelque énergique
résolution.

– Elle ne m’aime pas, pensa-t-il, c’est vrai ; mais
aussi je ne pouvais point, je ne devais point espérer qu’elle m’aimât. Ce que j’avais
le droit d’exiger d’elle, c’était ce doux intérêt qui s’attache aux malheureux
qui ont l’énergie de lutter contre leur malheur. Ce qu’a compris son frère, elle
ne l’a pas compris, elle. Il m’a dit : « Qui sait ?peut-être
deviendras-tu un Colbert, un Vauban ! » Si je devenais l’un ou l’autre,
lui me rendrait justice et me donnerait sa sœur en récompense de ma gloire
acquise, comme il me l’eût donnée en échange de mon aristocratie native, si j’étais
venu au monde son égal. Mais pour elle ! oh ! oui, je le sens bien…
Oh ! Colbert, oh ! Vauban, seraient toujours Gilbert, car ce qu’elle
méprise en moi, c’est ce que rien ne peut effacer, ce que rien ne peut dorer, ce
que rien ne peut couvrir… c’est l’infirmité de ma naissance. Comme si, en
supposant que j’arrivasse à mon but, je n’avais pas eu plus à grandir pour arriver
jusqu’à elle que si j’étais né à côté d’elle ! Oh !créature folle !
être insensé ! Oh ! femme, femme ! c’est-à-dire imperfection.

« Fiez-vous à ce beau regard, à ce front développé, à
ce sourire intelligent, à ce port de reine ! voilà mademoiselle de Taverney,
c’est-à-dire une femme que sa beauté fait digne de gouverner le monde… Vous
vous trompez : c’est une provinciale guindée, gourmée,emmaillotée dans
les préjugés aristocratiques. Tous ces beaux jeunes gens au cerveau vide, à l’esprit
éventé, qui ont eu toutes les ressources pour tout apprendre et quine savent
rien, sont pour elle des égaux ; ceux-là, ce sont des choses et des hommes
auxquels elle doit faire attention… Gilbert c’est un chien, moins qu’un chien ;
elle a demandé, je crois, des nouvelles de Mahon, elle n’eût point demandé des
nouvelles de Gilbert !

« Oh ! elle ignore donc que je suis aussi fort qu’eux ;
que, lorsque je porterai des habits pareils aux leurs, je serai aussi beau qu’eux ;
que j’ai, de plus qu’eux, une volonté inflexible, et que si je veux… »

Un sourire terrible se dessina sur les lèvres de Gilbert, qui
laissa mourir la phrase inachevée.

Puis lentement, et en fronçant le sourcil, il abaissa sa
tête sur sa poitrine.

Que se passa-t-il en ce moment dans cette âme obscure ?
sous quelle terrible idée s’inclina ce front pâle, déjà jauni parles veilles, déjà
creusé par la pensée ? qui le dira ?

Est-ce le marinier qui descendait le fleuve sur sa toue, en
fredonnant la chanson de Henri IV ? Est-ce la joyeuse lavandière qui
revenait de Saint-Denis après avoir vu le cortège, et qui, se détournant de son
chemin pour passer à distance de lui, prit peut-être pour un voleur ce jeune
oisif étendu sur le gazon au milieu des perches chargées de linge ?

Au bout d’une demi-heure de méditation profonde, Gilbert se
releva froid et résolu ; il descendit à la Seine, but un large coup d’eau,
regarda autour de lui, et vit à sa gauche les flots lointains du peuple au
sortir de Saint-Denis.

Au milieu de cette foule, on distinguait les premiers carrosses,
marchant au pas, pressés qu’ils étaient par la cohue ; ils suivaient la
route de Saint-Ouen.

La dauphine avait voulu que son entrée fût une fête de famille.
Aussi, la famille usa-t-elle du privilège ; on la vit se placer tellement
près du spectacle royal, que bon nombre de Parisiens montèrent sur les sièges
de la livrée et se pendirent, sans être inquiétés, aux lourdes soupentes des
voitures.

Gilbert eut bien vite reconnu le carrosse d’Andrée, Philippe
galopait ou plutôt piaffait à la portière de la voiture.

– C’est bien, dit-il. Il faut que je sache où elle va ;
et, pour que je sache où elle va, il faut que je la suive.

Gilbert suivit.

La dauphine devait aller souper à la Muette, en petit comité,
avec le roi, le dauphin, M. le comte de Provence, M. le comte d’Artois ;
et, il faut le dire, Louis XV avait poussé l’oubli des convenances jusque-là :
à Saint-Denis, le roi avait invité madame la dauphine, et lui avait donné la
liste des convives en lui présentant un crayon et en l’invitant à rayer ceux de
ces convives qui ne lui conviendraient pas.

Arrivée au nom de madame du Barry, placé le dernier, la
dauphine avait senti ses lèvres blêmir et trembler ; mais,soutenue par
les instructions de l’impératrice sa mère, elle avait appelé toutes ses forces
à son secours, et, avec un charmant sourire, elle avait rendu la liste et le
crayon au roi, en lui disant qu’elle était bien heureuse d’être admise du
premier coup dans l’intimité de sa famille.

Gilbert ignorait cela, et ce ne fut qu’à la Muette qu’il
reconnut les équipages de madame du Barry et Zamore, hissé sur son grand cheval
blanc.

Heureusement, il faisait déjà sombre ; Gilbert se jeta
dans un massif, se coucha ventre à terre, et attendit.

Le roi fit souper sa bru avec sa maîtresse, et se montra d’une
gaieté charmante, surtout lorsqu’il eut vu madame la dauphine accueillir madame
du Barry mieux encore qu’elle ne l’avait fait à Compiègne.

Mais M. le dauphin, sombre et soucieux, prétexta un grand
mal de tête et se retira avant qu’on se mît à table.

Le souper se prolongea jusqu’à onze heures.

Cependant, les gens de la suite, et force était à la fière Andrée
d’avouer qu’elle était de ces gens là, cependant les gens de la suite soupèrent
aux pavillons, au son de la musique que leur envoya le roi. En outre, comme les
pavillons étaient trop petits, cinquante maîtres soupèrent à des tables
dressées sur le gazon, servis par cinquante valets à la livrée royale.

Gilbert, toujours dans son taillis, ne perdit rien de ce
coup d’œil. Il tira de sa poche un morceau de pain qu’il avait acheté à
Clichy-la-Garenne et soupa comme les autres, tout en surveillant ceux qui
partaient.

Madame la dauphine, après le souper, parut sur le balcon :
elle venait prendre congé de ses hôtes. Le roi se tenait près d’elle ;
madame du Barry, avec le tact que ses ennemis même admiraient en elle, se tint
au fond de la chambre et demeura hors de vue.

Chacun passa au pied du balcon pour saluer le roi, et Son
Altesse royale madame la dauphine connaissant déjà beaucoup de ceux qui l’avaient
accompagnée, le roi lui nommait ceux qu’elle ne connaissait pas. De temps en
temps un mot gracieux, un heureux à-propos tombait de ses lèvres et faisait la
joie de ceux auxquels il était adressé.

Gilbert voyait de loin toute cette bassesse, et se disait :

– Je suis plus grand que tous ces gens-là, car, pour tout l’or
du monde, je ne ferais pas ce qu’ils font.

Le tour vint de M. de Taverney et de sa famille. Gilbert se
souleva sur un genou.

– Monsieur Philippe, dit la dauphine, je vous donne congé
pour conduire monsieur votre père et mademoiselle votre sœur à Paris.

Gilbert entendit ces paroles, qui, dans le silence de la
nuit et au milieu du recueillement de ceux qui écoutaient etre gardaient, vinrent
vibrer à ses oreilles.

Madame la dauphine ajouta :

– Monsieur de Taverney, je ne puis vous loger encore ;
partez donc avec mademoiselle pour Paris, jusqu’à ce que j’aie installé ma
maison à Versailles ; mademoiselle, pensez un peu à moi.

Gilbert vit la blanche figure d’Andrée s’incliner sous ces paroles
avec un respect mêlé d’attendrissement.

– Bon, murmura Gilbert, elle retourne à Paris où je demeure
aussi, moi.

Le baron passa avec son fils et sa fille. Beaucoup d’autres
venaient après eux, à qui la dauphine avait encore de pareilles choses à dire, mais
peu importait à Gilbert.

Il se glissa hors du taillis et suivit le baron au milieu
des cris confus de deux cents laquais courant après leurs maîtres,de cinquante
cochers répondant aux laquais, et de soixante voitures roulant sur le pavé
comme autant de tonnerres.

Comme M. de Taverney avait un carrosse de la cour, ce carrosse
attendait à part. Il y monta avec Andrée et Philippe, puis la portière se
referma sur eux.

– Mon ami, dit Philippe au laquais qui refermait la portière,
montez sur le siège avec le cocher.

– Pourquoi donc ? pourquoi donc ? demanda le
baron.

– Parce que le pauvre diable se tient debout depuis le matin
et doit être fatigué, dit Philippe.

Le baron grommela quelques paroles que Gilbert ne put
entendre. Le laquais monta près du cocher.

Gilbert s’approcha.

Au moment où la voiture allait se mettre en route, on s’aperçut
qu’un des traits était détaché.

Le cocher descendit, et la voiture demeura un instant encore
stationnaire.

– Il est bien tard, dit le baron.

– Je suis horriblement fatiguée, murmura Andrée ;trouverons-nous
à coucher, au moins ?

– Je l’espère, dit Philippe. J’ai envoyé directement La Brie
et Nicole de Soissons à Paris. Je leur ai donné une lettre pour un de mes amis,
le chargeant de retenir un petit pavillon que sa mère et sa sœur ont habité l’année
passée. Ce n’est pas un logement de luxe, mais c’est une demeure commode. Vous
ne cherchez point à paraître, vous ne demandez qu’à attendre.

– Ma foi, dit le baron, cela vaudra toujours bien Taverney.

– Malheureusement, oui, mon père, dit Philippe en souriant
avec mélancolie.

– Aurai-je des arbres ? demanda Andrée.

– Oui, et de fort beaux. Seulement, selon toute probabilité,
vous n’en jouirez pas longtemps ; car, aussitôt le mariage fait, vous
serez présentée.

– Allons, nous faisons un beau rêve : tâchons de ne pas
nous réveiller trop tôt. Philippe, as-tu donné l’adresse au cocher ?

Gilbert écouta avec anxiété.

– Oui, mon père, dit Philippe.

Gilbert, qui avait tout entendu, avait eu un instant l’espoir
d’entendre l’adresse.

– N’importe, dit-il, je les suivrai. Il n’y a qu’une lieue d’ici
à Paris.

Le trait était rattaché, le cocher remonté sur son siège, le
carrosse se mit à rouler.

Mais les chevaux du roi vont vite, quand la file ne les force
point à aller doucement ; si vite, qu’ils rappelèrent au pauvre Gilbert la
route de la Chaussée, son évanouissement, son impuissance.

Il fit un effort, atteignit le marchepied de derrière, laissé
vacant par le laquais. Fatigué, Gilbert s’y cramponna, s’y assit et roula.

Mais presque aussitôt la pensée lui vint qu’il était monté
derrière la voiture d’Andrée, c’est-à-dire à la place d’un laquais.

– Eh bien, non ! murmura l’inflexible jeune homme, il
ne sera pas dit que je n’ai point lutté jusqu’au dernier moment ; mes jambes
sont fatiguées, mais mes bras ne le sont point.

Et, saisissant de ses deux mains le marchepied, sur lequel
il avait posé la pointe de ses souliers, il se fit traîner au-dessous du siège,
et, malgré les cahots, les secousses, il se maintint par la vigueur de ses bras
dans cette position difficile, plutôt que de capituler avec sa conscience.

– Je saurai son adresse, murmura-t-il, je la saurai. Encore
une mauvaise nuit à passer ; mais demain je me reposerai sur mon siège, en
copiant de la musique. Il me reste de l’argent, d’ailleurs, et je puis m’accorder
deux heures de sommeil si je veux.

Puis il pensait que Paris était bien grand, et qu’il allait
être perdu, lui qui ne le connaissait pas, quand le baron, son fils et sa fille
seraient rentrés dans la maison que leur avait choisie Philippe.

Heureusement qu’il était près de minuit et que le jour venait
à trois heures et demie du matin.

Comme il réfléchissait à tout cela, Gilbert remarqua qu’il
traversait une grande place au milieu de laquelle s’élevait une statue
équestre.

– Tiens, l’on dirait la place des Victoires, fit-il joyeux
et surpris à la fois.

La voiture tourna, Andrée mit sa tête à la portière.

Philippe dit :

– C’est la statue du feu roi. Nous arrivons.

On descendit par une pente assez rapide ; Gilbert
faillit rouler sous les roues.

– Nous voici arrivés, dit Philippe.

Gilbert laissa ses pieds toucher la terre et s’élança de l’autre
côté de la rue, où il se tapit derrière une borne.

Philippe sauta le premier hors de la voiture, sonna, et, se
retournant, reçut Andrée dans ses bras.

Le baron descendit le dernier.

– Eh bien ! dit-il, ces marauds-là vont-ils nous faire
passer la nuit ici ?

En ce moment les voix de La Brie et de Nicole résonnèrent, et
une porte s’ouvrit.

Les trois voyageurs s’engloutirent dans une sombre cour dont
la porte se referma sur eux.

La voiture et les laquais partirent ; ils retournaient
aux écuries du roi.

La maison dans laquelle venaient de disparaître les trois
voyageurs n’avait rien de remarquable ; mais la voiture, en passant, éclaira
la maison voisine, et Gilbert put lire :

Hôtel d’ Armenonville.

Il lui restait à connaître la rue.

Il gagna l’extrémité la plus voisine, celle d’ailleurs par laquelle
s’était éloigné le carrosse, et, à son grand étonnement, à cette extrémité il
rencontra la fontaine à laquelle il avait l’habitude de boire.

Il fit dix pas dans une rue en retour parallèle à celle qu’il
quittait, et reconnut le boulanger qui lui vendait son pain.

Il doutait encore et revint jusqu’à l’angle de la rue. À la
lueur lointaine d’un réverbère, il put lire alors sur un fond de pierre blanche
les deux mots qu’il avait lus trois jours auparavant en revenant d’herboriser
avec Rousseau dans les bois de Meudon :

« Rue Plâtrière. »

Ainsi Andrée était à cent pas de lui, moins loin qu’il n’y
avait, à Taverney, de sa petite chambre près de la grille au château.

Alors, il regagna sa porte, espérant que le bienheureux bout
de ficelle qui soulevait le loquet intérieur ne serait point tiré en dedans.

Gilbert était dans son jour de chance. Il en passait
quelques fils ; à l’aide de ces fils, il attira le tout à lui : la
porte céda.

Le jeune homme trouva l’escalier à tâtons, monta marche à
marche, sans faire de bruit, et finit par toucher des doigts le cadenas de sa
chambre, auquel Rousseau, par complaisance, avait laissé la clef.

Au bout de dix minutes, la fatigue l’avait emporté sur la
préoccupation, et Gilbert s’endormait dans l’impatience du lendemain.

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