La Fin de Pardaillan

Chapitre 2AUTOUR DU PILORI SAINT-HONORÉ

Cependant Brin de Muguet continuait son frais et délicat métier.Son éventaire était à peu près vide, il ne lui restait plus quequelques bottes de fleurs. Par contre, son petit sac de cuirs’enflait d’une manière imposante. Elle s’activait de son mieuxafin de placer ses dernières fleurs après quoi sa journée seraitachevée. Tout au moins en ce qui concernait la vente.

Ce fut à ce moment que, soudain, la vieille se dressa devantelle, les deux poings sur les hanches. Brin de Muguet pâlitaffreusement. Elle recula précipitamment, comme si elle avait mistout à coup le pied sur quelque bête venimeuse. Et ellecria :

– La Gorelle !…

Et il y avait un tel accent de frayeur dans sa voix étranglée,que l’amoureux, qui la suivait toujours, s’approcha vivement,fixant sur la vieille femme un regard menaçant qui lui eût donnéfort à réfléchir si elle y avait pris garde. Mais elle ne fit pasattention à ce jeune homme. Elle ricana :

– Mais oui, ma petite, c’est moi, Thomasse La Gorelle. Tune t’attendais pas à me rencontrer, hein ?

– La Gorelle ! répéta Brin de Muguet, comme si elle nepouvait en croire ses yeux.

La pauvre petite se tenait devant Thomasse La Gorelle –puisqu’il paraît que c’était son nom – tremblante et apeurée commele frêle oiselet qui voit fondre sur lui l’oiseau de proie prêt àle déchirer des serres et du bec.

– C’est bien moi, répéta la mégère avec son sourirevisqueux. Moi qui t’ai élevée, nourrie, soignée quand tu étaismalade, et que tu as carrément plantée là quand tu t’es sentie àmême de gagner ta pâtée. Ah ! on ne peut pas dire que lareconnaissance t’étouffe, toi ! Moi qui, durant près dequatorze ans, me suis dévouée et sacrifiée pour toi, comme eût pule faire une vraie mère !…

Il est probable qu’elle eût continué longtemps sur ce tondoucereux d’hypocrites doléances. Mais déjà la jeune fille s’étaitressaisie. Dans la rue, elle était chez elle. C’était son domaine,à elle, la rue. Elle savait bien qu’elle y trouverait toujours desdéfenseurs, hommes ou femmes. Pourquoi trembler alors ?N’avait-elle pas le bon droit pour elle ? Et elle seredressait, et d’une voix ferme elle interrompait :

– Que me voulez-vous ?… Prétendez-vous m’obliger àvous suivre dans votre taudis pour m’y astreindre à un labeurau-dessus de mes forces, m’y rouer de coups, m’y faire mourirlentement de misère et de mauvais traitements, comme vous l’avezfait autrefois ?… Dieu merci, je me suis tirée de vos griffes,où je serais morte depuis longtemps s’il n’avait tenu qu’à vous.Vous ne m’êtes rien, je ne vous dois rien, vous n’avez aucun droitsur moi ; passez votre chemin et laissez-moi tranquille.

Elle ne tremblait plus. Elle paraissait décidée à se défendreavec toute la vigueur dont elle était capable. Une lueur funestes’alluma dans les yeux torves de La Gorelle qui oublia lesrecommandations impérieuses de la dame inconnue. Par bonheur, lajeune fille, sans y songer, avait élevé la voix. Ses parolesavaient été entendues. Des curieux s’étaient arrêtés, tendaientl’oreille, considéraient la mégère avec des mines renfrognées quin’annonçaient pas précisément la sympathie. L’amoureux, au premierrang, avait passé son lis dans son pourpoint, dardait sur lavieille deux yeux étincelants, tortillait sa fine moustachenaissante de l’air nerveux d’un homme à qui la main démangefurieusement. Nul doute qu’il ne fût déjà intervenu si, au lieud’une femme, il avait eu un homme devant lui.

La Gorelle coula un regard inquisiteur sur les curieux. Elleétait intelligente, la vieille sorcière ; elle se rendit fortbien compte des dispositions peu bienveillantes de ceux quil’entouraient. Elle comprit qu’elle allait se faire huer, écharperpeut-être, si elle se livrait à quelque violence intempestive. Ellefrémit de crainte pour sa précieuse carcasse. Les recommandationsde la dame invisible lui revinrent alors à la mémoire.Instantanément, son attitude se modifia. Elle devint tout miel. Etde son air doucereux, avec un sourire qu’elle s’efforçait de rendreengageant et affectueux, et qui ne réussissait qu’à la rendre plushideuse encore, elle protesta :

– Là ! là ! tu es bien toujours la même :vive et emportée comme une soupe au lait ! Rassure-toi, je neveux pas t’emmener. Je sais bien que je ne suis pas ta mère et queje n’ai aucun droit sur toi. Tu n’as donc rien à craindre demoi.

– Alors, laissez-moi passer. Je suis pressée de finir montravail, répliqua Brin de Muguet qui se tenait sur ses gardes.

– Toujours vive, donc ! plaisanta La Gorelle. Tu asbien une minute, une toute petite minute à m’accorder.

Et larmoyant :

– Sainte Thomasse me soit en aide, je ne suis pas ta mère,c’est vrai… Tout de même, je t’ai élevée… si tu l’oublies, toi, jene l’oublie pas, moi, et je t’aime, vois-tu, comme si tu étais mapropre fille.

– Enfin, que voulez-vous ?

– Mais rien… Rien de rien, douce vierge !… Je veuxseulement te dire que je suis heureuse de te voir si florissante,si richement nippée, en passe de faire fortune… Car tu fais desaffaires d’or, ma fille… En vends-tu des fleurs, envends-tu !… C’est justice d’ailleurs, car tu es bien la plusadroite, la plus habile bouquetière qu’on ait jamais vue !… Etpuis, je voudrais te demander une chose… une toute petite chose,sans conséquence pour toi…

Brin de Muguet, qui se tenait plus que jamais sur la défensive,en entendant ces derniers mots, porta d’instinct la main à sonpetit sac de cuir pour y puiser quelque menue monnaie trop heureusede se débarrasser de la mégère à si bon compte. Ce geste alluma uneflamme dans l’œil de La Gorelle qui, machinalement, tendit lagriffe. Elle se souvint à temps de ce que lui avait dit la dameinconnue. Elle n’acheva pas le geste et refusa :

– Mais non, mais non, ma petite, garde ton argent…, tu asassez de mal à le gagner… Dieu merci, j’ai hérité de quelque petitbien, et… sans être à mon aise… je n’ai besoin de rien.

Il semblait que les mots lui écorchaient les lèvres en passant.Son regret était déchirant. Et de l’effort qu’elle faisait pourrefuser cette pauvre petite somme d’argent qui la tentait, desgouttes de sueur perlaient à son front. Ce refus qui la désespéraitétait si extraordinaire, si imprévu de sa part, que la jeune filleen fut toute saisie et bégaya :

– Que voulez-vous donc ?

– Te demander un petit renseignement, pas plus, fit LaGorelle avec vivacité et en accentuant encore son airdoucereux.

Les curieux, qui s’étaient arrêtés, s’éloignèrent les uns aprèsles autres en voyant que la vieille ne paraissait pas animée demauvaises intentions. L’amoureux, lui-même, rassuré sur les suitesde cette entrevue qui avait débuté d’une manière inquiétante,s’éloigna à son tour. Il n’alla pas loin pourtant, il s’arrêtaquelques pas plus loin et reprit sa discrète surveillance.

Les deux femmes se trouvèrent seules, face à face. Elles étaientau milieu de la rue, entre la rue de Grenelle et la rue du Coq. Del’entrée de ces deux dernières rues on pouvait, sinon les entendre,du moins les voir aussi loin que le permettait le va-et-vient despassants. Et, en effet, la dame inconnue, toujours aux aguetsderrière les mantelets de sa litière, les voyait très bien. Brin deMuguet tournait le dos à la porte Saint-Honoré. À quelques pasderrière elle se dressait un pilori. Ce pilori était situé presquejuste à l’endroit où la rue des Petits-Champs, qui devait s’appelerplus tard rue Croix-des-Petits-Champs, aboutissait à la rueSaint-Honoré, par conséquent tout près de l’église Saint-Honoré.L’amoureux se trouvait derrière la jeune fille, entre elle et lepilori. Il se dissimulait derrière le pilier d’une maison.

À ce moment, une troupe assez nombreuse s’avançait de la rue duCoq (devenue rue Marengo) vers la rue Saint-Honoré. Avant longtempselle devait déboucher à l’endroit même où se trouvaient les deuxfemmes qui, au reste, ne s’en occupaient pas, ne la voyaient mêmepas.

À ce moment aussi, deux gentilshommes qui paraissaient venir dela porte Saint-Honoré, approchaient aussi de la jeune fille. Ilétait impossible d’avoir plus haute mine que celle de ces deuxgentilshommes. Pourtant ils étaient très simplement vêtus tous lesdeux. Même les habits de l’un d’eux étaient quelque peu râpés.Celui-là était un homme qui devait approcher de la soixantaine, quiparaissait solide comme un roc, qui se tenait droit comme un chênealtier. Il avait une façon de porter haut la tête, de regarderdroit en face d’un œil clair, singulièrement perçant, que, malgréla modestie – nous dirons presque la pauvreté de son costume –, ondevinait tout de suite en lui le grand seigneur habitué àcommander. Et, malgré soi, on se sentait pris de respect pour lui.Son compagnon pouvait avoir vingt-cinq ans. C’était,rajeunie, la vivante reproduction du vieux. Il n’était pas besoind’être un grand physionomiste pour comprendre qu’on voyait là lepère et le fils.

Ces deux gentilshommes s’avançaient vers Brin de Muguet quin’avait garde de les voir, attendu qu’elle leur tournait le dos. Enrevanche, derrière son pilier, notre amoureux inconnu les vit fortbien. Et, dès qu’il les vit, il rougit comme un écolier pris enfaute et masqua précipitamment son visage dans son manteau, engrommelant d’un air contrarié :

– Mon cousin Jehan de Pardaillan et son père !…Ho ! diable !…

Les deux Pardaillan – puisque c’étaient eux – passèrent sans levoir. Du moins, il le crut, et respira, soulagé. Seulement, deuxpas plus loin, celui qu’il venait d’appeler mon cousin Jehan – etque nous avons présenté autrefois sous le nom de Jehan le Brave –se pencha sur son père et lui glissa en souriant :

– Mon cousin Odet de Valvert !… Il veille… de loin…sur celle qu’il aime : la jolie Muguette, ici devant nous.

Le chevalier de Pardaillan posa sur celle qu’on lui désignait ceregard perçant qui n’avait rien perdu de sa vivacité et de sasûreté, que les ans, au contraire, semblaient avoir rendu plus sûret plus acéré que jamais. Il sourit doucement. Mais il bougonna enlevant les épaules :

– Que ne l’épouse-t-il, s’il est si féru !

– Comme vous y allez, monsieur ! se récria Jehan enriant. Tenez pour assuré que le pauvre Valvert n’a même pas encoreosé se déclarer. Et puis, avant de se marier, encore faudrait-ilqu’il ait trouvé cette fortune qu’il est venu chercher à Paris.

– C’est vrai qu’il est gueux comme le Job des SaintesÉcritures, mais si c’est ainsi qu’il la cherche, la fortune, ilverra la fin de ses quelques écus avant que de la trouver, bougonnaPardaillan.

Et avec le même sourire, qui avait on ne sait quoi de railleuret d’attendri tout à la fois :

– Vous verrez que je serai encore obligé de m’en mêler pourle tirer d’affaire, ajouta-t-il.

À ce moment, les deux Pardaillan étaient presque arrivés à lahauteur des deux femmes. La Gorelle, qui ne les avait pas vus,s’approchait de Brin de Muguet, presque jusqu’à la toucher, etbaissant la voix, disait :

– Écoute, quand tu m’as quittée, tu as emmené avec toi lapetite Loïse…

Les deux Pardaillan entendirent. Jehan, à ce nom de Loïsetombant à l’improviste, pâlit affreusement. Et serrant le bras deson père, dans un souffle :

– Loïse !… Pour Dieu, monsieur, écoutons.

Et tous s’immobilisèrent, tendant l’oreille.

Brin de Muguet interrompit vivement la vieille :

– Oui, je l’ai emmenée !… Je l’aimais, moi, cettepetite Loïse. Je savais bien que si je vous la laissais, vous laferiez mourir lentement, à petit feu, comme vous me faisiez mourirmoi-même. Vous la laisser !… Mais c’eût été un crimeabominable !… Je l’ai emmenée, je l’ai sauvée de vos griffes…Qu’avez-vous à dire à cela ?

– Rien, assurément, gémit La Gorelle, tu as bien fait… Jene te reproche rien… Mais les temps sont changés… Je ne suis plusla même… C’est la misère, vois-tu, qui me rendait mauvaise… Tu voisbien comme je te parle doucement. Je me suis réjouie sincèrement dete voir en si florissante santé et faisant de si bonnes affairesque c’en est une bénédiction… C’est pour te dire que je me réjouispareillement de savoir cette enfant heureuse et en bonnesanté !

– Si ce n’est que cela, réjouissez-vous : elle estheureuse et se porte bien.

– Et où l’as-tu mise, cette chère petite créature du bonDieu ?

– Ceci, vous ne le saurez pas, La Gorelle.

La réponse était péremptoire et le ton très résolu indiquaitqu’il était inutile d’insister. La Gorelle comprit à merveille. Unefois de plus, une lueur menaçante s’alluma dans ses prunelles.Malgré tout, comme elle n’était pas femme à renoncer si facilement,elle allait insister. À ce moment, elle aperçut les deux Pardaillanqui écoutaient. Ses yeux se mirent à papilloter éperdument comme unoiseau de ténèbres que la lumière du jour éblouit. Et ellebredouilla :

– Allons, je vois que tu continues à te méfier de moi. Tuas tort, ma petite, je ne te veux pas de mal, ni à toi ni àl’enfant. Adieu.

Et elle battit précipitamment en retraite vers la rue deGrenelle.

Un peu ébahie de ce départ si précipité qui ressemblait à unefuite, Brin de Muguet respira plus librement. À ce moment, lechevalier de Pardaillan s’approcha d’elle, rafla les quelquesfleurs qui lui restaient et posa une pièce d’or sur son éventaire.Et, comme elle faisait mine de fouiller dans son sac pour rendre lamonnaie, avec un geste large de grand seigneur :

– Gardez, ma belle enfant, gardez, fit-il avec douceur.

Brin de Muguet remercia par une gracieuse révérence quePardaillan et son fils admirèrent en connaisseurs qu’ils étaient.Et, voyant qu’elle allait s’éloigner, Pardaillan l’arrêta du gesteet reprit d’un air détaché :

– Vous parliez, je crois, d’une enfant que vous avezenlevée à cette vieille femme qui la maltraitait.

En disant ces mots, il l’étudiait, sans en avoir l’air, de sonregard clair. Et il faut croire que cet examen lui était favorablecar il gardait aux lèvres ce sourire très doux qu’il ne trouvaitque pour ceux qui étaient dignes de son amitié. Au reste, Brin deMuguet supportait cet examen sans manifester ni trouble, niinquiétude. Seulement, elle se fit très sérieuse, sérieuse jusqu’àla gravité pour répondre :

– En effet, monsieur.

– Une enfant qui s’appelle Loïse ?

– Oui, monsieur.

Pardaillan parut réfléchir une seconde, et, redoublant dedouceur :

– Excusez-moi, mon enfant, si je vous pose quelquesquestions qui vous paraîtront peut-être indiscrètes, mais qui mesont dictées par les raisons les plus sérieuses, et non point parune curiosité déplacée, comme vous seriez en droit de le supposer.Voulez-vous me faire la grâce d’y répondre ?

– Très volontiers, monsieur, fit-elle comme malgré elle,sans rien perdre de sa soudaine gravité.

Le père et le fils échangèrent un coup d’œil qui disait :« C’est une nature franche et loyale, Celle-là ne mentirapas. » Elle, elle attendait, toujours grave. Et maintenantc’était elle qui les fouillait de son regard lumineux.

– Savez-vous l’âge exact de cette petite Loïse ?reprit Pardaillan.

– Trois ans et demi.

La réponse – Pardaillan le remarqua – était brève comme toutescelles qu’elle avait faites jusque-là. Mais, comme les précédentesréponses, elle tombait aussitôt après la question, sans la moindrehésitation. Et les grands yeux lumineux, d’un beau bleu sombre,demeuraient sans ciller, franchement fixés sur les yeux dePardaillan. Telle qu’elle était, cette réponse, il faut croire,n’était pas du goût de Jehan qui ne put réprimer un geste decontrariété. Pardaillan, lui, ne sourcilla pas. Ilreprit :

– Cette enfant est une parente à vous ?

– C’est ma fille.

– Votre fille ! sursauta Pardaillan.

– Oui, monsieur.

Malgré eux, les deux Pardaillan lancèrent un coup d’œil furtifdu côté du pilier derrière lequel se cachait toujours Odet deValvert qui sans la comprendre, assistait de loin à cette scène. Etils ramenèrent leurs regards sur Brin de Muguet, qui attendait trèscalme. Pardaillan ne doutait pas de la sincérité de cette jeunefille ; ses réponses étaient si nettes, si précises, sonattitude si tranquille. Mais il s’étonnait :

– La vieille femme que vous avez appelée La Gorelle neparaissait pas soupçonner que cette petite Loïse est votre filledit-il.

– Elle l’ignore en effet. Et je me garderai bien de le luifaire savoir.

– Vous êtes bien jeune, il me semble, pour avoir un enfantde trois ans et demi.

– Je parais plus jeune que je ne suis. Je vais avoirdix-neuf ans, monsieur.

– Vous m’en direz tant ! Je vous rends mille grâces,madame, de l’obligeance avec laquelle vous avez bien voulu merépondre. Quand vous passerez rue Saint-Denis, entrez de temps entemps à l’auberge du Grand Passe-Partout. C’est là que jeloge. Vous demanderez le chevalier de Pardaillan et, que j’y soisou que je n’y sois pas, vous laisserez quelques-unes de vos fleursqui embaument, en échange desquelles on vous remettra une pièced’or.

– Je n’y manquerai pas, monsieur le chevalier, promit Brinde Muguet en répondant par une révérence au large coup de chapeauque lui donnaient très poliment les deux Pardaillan.

Le père et le fils, se tenant par le bras, s’éloignèrent.Quelques pas plus loin, d’un même mouvement ils s’arrêtèrent et seretournèrent. Brin de Muguet était toujours à la même place où ilsl’avaient laissée. Elle les regardait d’un air profondément rêveur.Ils ne la virent pas. Ils cherchaient plus loin. Ils cherchaientOdet de Valvert qui, les voyant toujours là, n’osait pas sortir dederrière son pilier.

– Pauvre Odet, murmura Jehan, le coup sera dur pour luiquand il saura.

– Oui, dit Pardaillan assombri, et c’est grand dommage… caril est capable d’en mourir. Corbleu ! qui aurait dit cela decette petite à qui on donnerait l’absolution sansconfession !

– Elle est peut-être mariée, monsieur. Elle ne paraissaitni honteuse ni gênée.

– J’ai remarqué, en effet, qu’elle n’avait pas l’air d’unecoupable. Il n’en est pas moins vrai que la voilà perdue pourValvert et que cela me chagrine pour lui, qui est un brave et digneenfant que j’aime.

Ils reprirent leur marche et tournèrent à gauche dans la rued’Orléans (absorbée par l’actuelle rue du Louvre). Au bout dequelques pas, Jehan soupira :

– Encore une fausse émotion. Ah ! monsieur, jecommence à croire que jamais je ne retrouverai ma pauvre petiteLoïsette.

– Et moi, chevalier, je te dis que nous la retrouverons. Jene suis venu ici que pour cela, corbleu ! Et puis, je ne laconnais pas, moi, cette petite Loïsette, et je veux la connaîtreavant de partir pour le grand voyage dont on ne revient jamais. ParPilate, il ferait beau voir qu’un grand-père s’en aille sans avoirembrassé sa petite-fille. Nous la retrouverons, te dis-je.

– Dieu vous entende, monsieur.

– Bon, dit Pardaillan de son air railleur, nous nousremuerons tant, nous ferons un tel bruit qu’il faudra bien qu’ilfinisse par nous entendre. Dieu, vois-tu, et c’est assez naturelétant donné son grand âge, est un peu dur d’oreille. Mais j’aitoujours vu qu’il entendait ceux qui savent se remuer pour se faireentendre de lui. Nous nous remuerons, chevalier, et je te répondsqu’il nous entendra.

Ils tournèrent encore une fois à gauche, dans la rue desDeux-Écus, ce qui devait les ramener forcément rue de Grenelle.

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