La Fin de Pardaillan

Chapitre 33LE PÈRE ET LA FILLE

Laissons Odet de Valvert raconter à Pardaillan attentif commentil s’est fiancé avec Muguette, humble bouquetière des rues, quePardaillan sait être la fille de Concino Concini et de Marie deMédicis, et comment il a appris que Loïse, qu’il croyait être lafille de celle qu’il aimait, était en réalité la fille de Jehan dePardaillan, devenu son cousin par son mariage avec Bertille,marquise de Saugis et comtesse de Vaubrun, sa cousine et la seuleparente qu’il se connût.

Laissons Landry Coquenard, désespéré, courir à la recherche deson maître pour lui faire connaître l’effroyable menace suspenduesur sa fiancée. Laissons la dévouée Perrine se morfondre et sedésoler dans la mansarde de la rue de la Cossonnerie, où elleattend inutilement Valvert qui ne vient pas, et pour cause.Laissons Escargasse tuer agréablement le temps en vidant à petiteslampées un pot de vin épicé, sans trop se soucier de la commissiondont il s’est chargé, et revenons à Concini, à Léonora Galigaï, àStocco et à Rospignac, ce qui, par la même occasion, nous ramèneratout naturellement à Muguette.

Suivant l’ordre chronologique, nous nous occuperons d’abord deStocco et de sa maîtresse Léonora. Ce sera bref.

Stocco, on s’en souvient, était parti le premier, enlevant lapetite Loïse qu’il avait déposée dans la litière. Le palefrenierqui conduisait cette litière menait en main le cheval du bravo.Pendant un quart d’heure environ, Stocco était resté dans lalitière avec l’enfant. Loïse, enveloppée dans ses couvertures, necriait plus, ne pleurait plus, ne bougeait plus. Terrifiée par lamine effrayante de l’homme à tout faire et probablement aussi parses menaces, l’enfant avait perdu connaissance.

Au bout d’un quart d’heure, Stocco, qui sans doute était pressé,s’énerva de se voir enfermé dans cette lourde machine qui avançaitavec une lenteur désespérante à son gré. Il avait sauté en selle,s’était fait passer l’enfant que, pour plus de précaution, il avaitcachée sous mon manteau, et, piquant des deux, il était parti augalop, abandonnant sur la route le véhicule et son conducteur.

Il était allé ainsi rue Casset, à la petite maison de Concini.Là, il s’était débarrassé de l’enfant qu’il avait remise entre lesmains d’une femme qui devait avoir reçu ses instructions d’avance,car elle emporta l’enfant sans demander d’explications. Disons,sans plus tarder, que cette femme s’occupa séance tenante de donnerà l’enfant les soins que nécessitait son état, et, après l’avoirfait revenir à elle, s’ingénia de son mieux à la rassurer.

Débarrassé de la petite Loïse, Stocco était reparti à fond detrain et s’en était allé tout droit au petit hôtel Concini, près duLouvre. Il avait été reçu aussitôt par Léonora qui l’attendait, etrépondant à une question muette de celle-ci, avait faitconnaître :

– L’enfant est rue Casset. Monseigneur doit être maintenanten route pour sa petite maison.

Léonora avait accueilli la nouvelle avec une impassibilité decommande. Avec un calme apparent, elle interrogea :

– Et tu es sûr, Stocco, que cette jeune fille se rendravolontairement à la maison de Concino ?

– Sûr ! répliqua Stocco avec sa familiarité narquoise,qui peut être sûr de quelque chose avec les femmes ?… Tout ceque je peux dire, c’est que je gagerais volontiers les millepistoles que monseigneur m’a promises contre mille écus qu’elleviendra.

– Ce qui veut dire qu’en résumé, tu es bien sûr qu’elleviendra, traduisit froidement Léonora.

Elle prit une bourse qu’elle lui tendit en disant :

– Prends ceci qui n’est qu’un acompte, et attends-moi icijusqu’à mon retour.

Stocco empocha avec une grimace de jubilation et s’éclipsa.

Quant à Léonora, elle sortit aussitôt. Elle n’alla pas loind’ailleurs. Elle alla au Louvre, voir celle qu’elle appelaitfamilièrement Maria : Marie de Médicis, reine régente… la mèrede celle que les Parisiens appelaient Brin de Muguet, et à quiLandry Coquenard, autrefois, en la faisant baptiser, avait donné lenom de Florence.

Revenons maintenant à Concini et à ses ordinaires. Il avait prisles devants, signifiant ainsi sa volonté de s’isoler. Il allaitsans se presser, au petit trot. Il souriait, très satisfait delui-même. Il n’éprouvait ni remords ni inquiétude. Il était sûr,tout à fait sûr, que la petite bouquetière viendrait d’elle-même selivrer à lui. Ce résultat primait tout à ses yeux et lui faisaitoublier à quels lâches et odieux procédés il lui avait fallurecourir pour l’atteindre.

Derrière lui, marchaient ses gentilshommes. Roquetaille,Longval, Eynaus et Louvignac qui connaissaient la passion farouchede leur chef, Rospignac, pour la jolie bouquetière, seréjouissaient férocement de l’abominable situation dans laquelle ilse trouvait, et se le montraient du coin de l’œil avec des souriresmoqueurs.

Rospignac ne s’occupait guère d’eux. Il n’avait d’yeux que pourConcini, qu’il poignardait du regard dans le dos, et, secoué par unaccès de frénésie jalouse, il écumait intérieurement :

« Ah çà ! est-ce que ce ruffian d’Italie s’imagine queje vais le laisser faire, par hasard ?… Qu’elle vienne rueCasset, la petite… J’y serai aussi, que le signor Concini leveuille ou non… Et par l’enfer, s’il s’avise de la toucherseulement du bout du doigt, je lui mets les tripes auvent !… »

Concini arriva chez lui, rue Casset. D’autorité, Rospignac, quela jalousie affolait littéralement, le suivit. Ses quatrelieutenants lui emboîtèrent le pas en riant sous cape. Et Concini,soit distraction de sa part, soit qu’il ne fût pas fâché de lesavoir sous la main, les laissa faire. Concini monta les marchesd’un large escalier couvert de tapis épais. Rospignac, cette fois,fit attention à eux. Ils pouvaient le gêner pour ce qu’il voulaitfaire. Il se retourna et d’une voix sèche, sur un ton impérieux, ilcommanda :

– Entrez au corps de garde, messieurs, et n’en bougez quesur mon ordre exprès.

Du doigt, il désignait une porte qui donnait sur le vestibule.Roquetaille, Eynaus, Louvignac et Longval étaient à mille lieues desoupçonner les intentions réelles de Rospignac. Jamais la pensée neleur serait venue qu’il pouvait être résolu à poignarder Concini,plutôt que de lui céder celle qu’il aimait. Ils pensaient qu’iln’aurait pas manqué de s’effacer devant le maître, tout comme ill’avait laissé faire à Fontenay-aux-Roses. Mais ils pensaient bienaussi que le sacrifice serait particulièrement pénible pour lui.S’ils avaient voulu suivre, c’était pour voir, pour se réjouirextérieurement de la tête qu’il ne manquerait pas de faire. Ilsfurent désappointés. Mais l’ordre étant formel et, dressés à unestricte discipline, ils obéirent en faisant la lippe, mais sans sepermettre de discuter.

Écumant, plus furieux que jamais, et plus que jamais résolu aumeurtre, si Concini essayait seulement d’embrasser la jeune fille,Rospignac suivit son maître, sans que celui-ci y fît attention. Ilne devait plus le lâcher.

Parvenu au premier étage, Concini ouvrit une porte et entra.Dans la pièce, meublée avec le même luxe effréné qui s’étalaitinsolemment dans tout cet intérieur louche, se tenait la petiteLoïse en compagnie de la femme à qui Stocco l’avait confiée.Concini donna quelques ordres brefs à cette femme et se retiraaussitôt, sans avoir jeté un coup d’œil à l’enfant.

Il passa dans une autre pièce, une chambre à coucher où un litmonumental se dressait sur une estrade surélevée de deuxmarches : l’autel des sacrifices dans ce temple de l’amour. Cefut dans cette pièce qu’il attendit, tantôt rêvant, nonchalammentétendu dans un fauteuil, tantôt foulant d’un pied nerveux l’épaistapis qui recouvrait le parquet. Son attente fut longue, trèslongue. Elle dura deux heures, trois heures peut-être. Au bout dece temps, la porte s’ouvrit, une femme introduisit Muguette et seretira discrètement en fermant soigneusement la porte derrièreelle.

La jeune fille était très pâle. Cependant sa démarche étaitassurée, elle paraissait très calme, très résolue. Elle tenaitobstinément les mains croisées sur son sein comme pour en comprimerles battements tumultueux. En réalité, son poing se crispaitnerveusement sur le manche du petit poignard qu’elle avait cachélà.

Était-elle résignée à l’abominable sacrifice ? À cettequestion, nous pouvons répondre hardiment : non. Quevoulait-elle faire ? Elle n’en savait rien. Depuisl’enlèvement de la petite Loïse, depuis que Concini lui avait faitla hideuse menace et proposé cyniquement le honteux marché, elles’était creusé le cerveau à chercher la solution du redoutableproblème : sauver l’enfant en évitant le déshonneur. Et ellen’avait rien trouvé. Rien que ce moyen extrême, terrible : seplonger elle-même, dans le cœur, ce petit poignard sur lequel samain se crispait.

Cette résolution suprême, elle l’avait adoptée intrépidement.Quand même, ce n’était là qu’un pis aller effrayant, auquel elle nepouvait pas songer sans déchirement. Et c’était très naturel, ensomme : on a toutes sortes de raisons de tenir à la vie quandon en est à son aurore, que le cœur vient, pour la première fois,de gazouiller la chanson d’amour, et que l’avenir s’ouvre devantvous, rose et radieux.

Au fond, Muguette, qui ne savait pas ce qu’elle ferait, Muguettequi était venue quand même, malgré l’affreux déchirement qu’elleéprouvait à se dire que c’était à la mort qu’elle marchait,Muguette espérait malgré tout. Quoi ? Est-ce qu’ellesavait !… Peut-être qu’un miracle se produirait au derniermoment.

En la voyant paraître, Concini s’était levé vivement. Ils’inclina galamment devant elle et, souriant, très sûr de luimaintenant, les yeux brillants, sentant déjà le désir se déchaîneren lui :

– Je vous l’avais bien dit que vous viendriez !fit-il.

Et déjà, haletant sous le coup de fouet de la passion, ildardait sur elle deux yeux ardents qui la déshabillaient avec unecynique impudeur, qui semblaient déjà prendre possession de cecorps de vierge et le violenter brutalement. Et pas une fibresecrète ne vibra en lui, ne vint l’avertir que la pure enfant qu’ilsalissait ainsi de son regard lubrique, en attendant qu’il pût lasouiller de son baiser monstrueux, était sa propre fille.

Elle, elle ferma les yeux, toute secouée par un long frisson dedégoût.

Alors seulement, et trop tard, elle comprit quelle irréparablefaute elle avait commise en venant dans son antre, se placerd’elle-même entre les griffes du fauve en rut. Elle sentit,toujours trop tard, qu’elle était irrémédiablement perdue. Etl’épouvante s’abattit sur elle en rafale irrésistible. Toute sarésolution, toute son assurance, tout son sang-froid tombèrentlamentablement, d’un seul coup. Et elle n’eut plus qu’une seulepensée lucide dans son cerveau vide de toute autre pensée :tuer, tuer impitoyablement, vite, au plus vite, le monstre hideuxqui la tenait qu’elle méprisait profondément depuis qu’il lapoursuivait, et pour lequel elle éprouvait maintenant une hainefarouche, mortelle.

Et en elle, rien non plus ne vint lui faire pressentir quel’homme méprisé, haï, qu’elle voulait abattre de sa faible maincomme une bête malfaisante, cet homme était son père.

Cependant, Concini ajoutait aussitôt :

– Vous êtes venue. C’est donc que vous consentez à faire cequ’il faut pour que votre fille vous soit rendue saine etsauve ?

– Et quand je me serai exécutée, moi, qui me dit que voustiendrez votre parole, vous ?

Elle posait cette question d’une voix blanche, comme lointaine,que nul de ceux qui la connaissaient n’eût reconnue. Et elleparaissait calme, étrangement calme. Pour Concini, qui en somme, nela connaissait pas, elle discutait froidement les clauses d’unmarché. Et c’était très naturel qu’elle ne voulût pas être dupe.Elle paraissait avoir complètement oublié ce que ce marché avait dehonteux. Ou si elle ne l’oubliait pas, il semblait qu’elle en eûtpris son parti.

S’il avait été plus observateur, Concini n’eût pas manqué des’inquiéter. En effet, la rigidité de l’attitude, la fixité étrangede ce regard hagard, la crispation aiguë de ces traits fins etdélicats, tout cela, joint à d’autres symptômes, indiquait qu’elleétait sous le coup d’une crise violente, arrivée à son pointculminant. Il était clair qu’elle ne pouvait tendre ses forces plusloin, ni plus longtemps. Elle était à bout. Le moindre choc moraldevait la faire tomber foudroyée. Une seule chose pouvaitétonner : c’est que ce ne fût pas déjà fait.

Et si ce n’était pas déjà fait, c’est que, dans l’anéantissementtotal de ses facultés, la pensée du meurtre qui devait lasoustraire au déshonneur la soutenait encore, en lui laissant unevague lueur d’espoir. Et le peu de forces physiques etintellectuelles qui lui restait tendait uniquement àl’accomplissement du geste mortel qui devait la sauver. Et sanssavoir, sans réfléchir, d’instinct, ses yeux exorbités, desquelstoute lueur d’intelligence était momentanément abolie, guettaientConcini avec une attention suraiguë, tandis que la main crispée surle manche du poignard se tenait prête à profiter de la premièreoccasion qui se présenterait à elle.

Concini n’observa pas tout cela. Concini ne vit que son calmeapparent. Et il se félicita :

« Per Bacco ! elle prend son parti mieux queje n’aurais jamais osé l’espérer ! C’est une filleintelligente, décidément… À moins que… pourquoi diable tient-elleobstinément sa main dans son sein ?… Enfin, efforçons-nous dela rassurer. »

Il frappa sur un timbre. La femme qui gardait Loïse parut, ilcommanda :

– Tout à l’heure, quand Madame sortira de cette chambre,vous lui remettrez l’enfant dont vous avez la garde et vous luiobéirez comme à moi-même, dans tout ce qu’elle voudra vouscommander, pendant tout le temps qu’il lui plaira de rester ici.Allez.

La femme plongea dans une révérence en murmurant un :« Bien, monseigneur », et disparut.

– Êtes-vous satisfaite ? s’informa Concini. Etconciliant :

– Réfléchissez que je n’ai aucune raison de manquer à maparole, si vous tenez la vôtre. Je n’en veux pas à cette enfant etje ne suis pas un ogre, que diable ! Toutefois, s’il vous fautune garantie, parlez. Je suis prêt à faire ce que vous voudrez.

Avait-elle compris ? Avait-elle entendu seulement ?Nous ne saurions dire. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle fitnon de la tête.

Concini se rapprocha doucement d’elle et, de sa voix la plusenveloppante avec ses inflexions les plus câlines :

– Écoutez, dit-il, j’ai usé de violence, une violencehideuse, pour vous amener ici. La faute en est à vous qui m’avezinspiré une passion insensée, et qui m’avez poussé à bout par vosimplacables rigueurs. Mais, puisque vous êtes venue résolue à subirmes conditions, il ne sera pas dit que Concini aura dû recourir àla violence pour vous imposer ses baisers. J’ai confiance en vous,moi. Donnez-moi votre parole que vous reviendrez ici de votre pleingré, et je vous laisse aller avec l’enfant. J’attendrai patiemmentqu’il vous plaise de revenir. Vous voyez que je ne menace plus, jevous implore ardemment, humblement. Je ne vous demande qu’une chosecomme gage de votre bonne foi : accordez-moi un baiser de voslèvres, un seul baiser. Voulez-vous ?

Elle ne répondit pas. Il avait son idée de derrière latête : l’attitude de la jeune fille lui paraissaitsingulièrement équivoque. Il feignit de prendre son silence pour unconsentement. Il s’avança, confiant, en apparence, souriant, l’œilallumé, les bras vaguement tendus.

Elle crut tenir l’occasion espérée. Elle le laissa approchersans faire un mouvement pour se dérober. Et, quand elle le vit bienà sa portée, elle sortit brusquement de son sein le poing armé dupoignard, le leva et l’abattit, en pleine poitrine, en un gestefoudroyant.

Un éclat de rire ironique, qui résonna comme un glas funèbre àson oreille, salua ce geste qu’elle avait voulu faire mortel. Et lavoix railleuse de Concini, avec son accent italien revenu du coup,gouailla :

– Oibo, tou voulais touer sou poveroConcino !

Concini se méfiait. Il la surveillait du coin de l’œil, sans enavoir l’air. Il vit venir le coup, et il l’esquiva d’un simplemouvement du torse. Emprisonner le frêle poignet entre ses mainsrobustes, lui arracher l’arme et la lancer à l’autre extrémité dela pièce, cela ne fut qu’un jeu pour lui et s’accomplit avec unerapidité inconcevable. Puis, lui lâchant le poignet, il abattitbrutalement ses mains sur les fragiles épaules qui plièrent. Ethaletant, une flamme aux yeux, la voix rauque, il gronda :

– Je te tiens !… Maintenant, de gré ou de force, tu esà moi !…

Il la tenait bien, en effet. Il ne fallait pas qu’elle espérâtse dégager de la puissante étreinte. Il la tenait, et il pencha surelle un visage hideux défiguré par la luxure, pour lui ravir, parla force, ce baiser qu’elle n’avait pas voulu lui accorder.

L’horrible souillure était inévitable. Elle sentit que toutcroulait en elle. Et, le cerveau chaviré dans l’horreur, elle jetales mains en avant dans un geste de suprême défense, pendant qu’uneclameur qui n’avait plus rien d’humain – si effrayante et sidéchirante à la fois qu’il s’arrêta net, relâcha son étreinte –jaillissait de ses lèvres contractées. Et, tout de suite, aprèscette clameur de bête qu’on égorge, cet appel inconscient, dans uncri suraigu :

– Odet !… Odet !…

Concini la sentit vaciller. Stupide, il ouvrit les mains tout àfait. Elle tomba comme une masse, à la renverse, sur le tapismoelleux qui amortit sa chute. Effaré de la voir toute raide, pâlecomme une morte, sans un mouvement, sans un souffle, ilbégaya :

– Oh ! diable !… Serait-elle morte ?

Il la considéra un moment, hébété, n’osant pas bouger. Il seressaisit vite, pourtant. Il s’agenouilla près d’elle, mitdoucement la main sur son sein. Il se rassura en sentant le cœurqui battait faiblement.

« Elle est seulement évanouie ! »songea-t-il.

Alors, le beau garçon, l’homme à bonnes fortunes qu’il avaittoujours été, se sentit profondément humilié. Dans une révolte desa vanité blessée, il grinça, pris d’un accès de rage :

– Quoi ! je lui fais horreur à ce point !…Quoi ! mon contact lui répugne tant, qu’il n’en faut pas pluspour que cette fille tombe raide, foudroyée par le dégoût !…O Christaccio maladetto !…

Cette pensée qui l’enrageait, loin de le refroidir, déchaîna denouveau en lui le désir brutal un instant assoupi. Il la contemplalonguement, réfléchissant. Tout à coup, il redressa sa têteflamboyante et, les yeux luisants, les lèvres retroussées par unrictus affreux, il hoqueta :

– Tout est pour le mieux ainsi !… et j’aurais bientort de ne pas profiter de l’occasion !…

Il saisit le corps inerte de la jeune fille dans ses brasvigoureux, l’enleva comme une plume. Et la tenant étroitementserrée contre sa poitrine, il marcha vers le lit… le litmonstrueux, dressé sur son estrade surélevée, comme l’autel dessacrifices dans ce temple de l’amour.

À ce moment une porte s’ouvrit avec fracas. Rospignac, hérissé,convulsé, échevelé, le poignard au poing, bondit dans la pièce et,le bras levé, sauta sur Concini qui n’entendait rien…

Et derrière Rospignac, quelque chose comme un bolide, l’ouragan,la tempête, fit irruption…

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