La Loi de Lynch

Chapitre 17Mère et fils.

Aussitôt que le père Séraphin eut installé leCèdre-Rouge et Ellen dans le jacal et qu’il se fut ainsi assuré quela nouvelle existence qu’il leur avait faite sinon leur plaisait,du moins leur semblait supportable, il songea à tenir sa promesseenvers la mère de Valentin.

La digne femme, malgré tout son courage et sarésignation, sentait ses forces diminuer de jour en jour ;elle ne disait rien, ne se plaignait pas ; mais la certituded’être près de son fils et de ne pouvoir le voir, le serrer dansses bras après une si longue séparation, de si cruellesalternatives d’espoirs trompés et de déceptions affreuses, laplongeait dans une mélancolie sombre dont rien ne pouvait lasortir ; elle se sentait mourir peu à peu et en était arrivéeà ce point terrible de croire qu’elle ne reverrait jamais son fils,qu’il était mort, et que le missionnaire, de crainte de lui porterun coup terrible, la berçait d’un espoir qui ne devait jamais seréaliser.

L’amour maternel ne raisonne pas.

Tout ce que lui avait dit le père Séraphinpour lui faire prendre patience n’avait fait qu’endormir sadouleur, pour ensuite redoubler son impatience et ses craintes.

Ce qu’elle avait vu, ce qu’elle avait entenduraconter depuis son débarquement en Amérique, tout cela n’avaitfait qu’ajouter à son anxiété en lui montrant combien dans ce paysla vie ne tient souvent qu’a un fil. Aussi, lorsque le missionnairelui annonça que dans huit jours au plus tard elle embrasserait sonfils, son saisissement et sa joie furent tels qu’elle fut sur lepoint de s’évanouir et pensa mourir.

Elle ne crut pas d’abord à un tel bonheur.

À force d’espérer en vain, elle en étaitarrivée à un si grand degré de méfiance qu’elle supposa que le bonprêtre lui disait cela pour lui faire prendre patience encorequelque temps, et qu’il lui promettait cette réunion suprême commeon promet à des malades désespérés des choses qui jamais ne sedoivent réaliser.

Cependant le père Séraphin, bien qu’il futcertain que Valentin était en ce moment dans la prairie, ne savaitpas dans quel lieu il se trouvait.

Aussitôt arrivé dans la grotte qu’il habitaitprovisoirement, il expédia quatre de ses Indiens dans quatredirections différentes, afin de prendre des renseignements et delui rapporter des nouvelles positives du chasseur.

La mère de Valentin était présente lorsque lemissionnaire dépêcha ses courriers, elle entendit les instructionsqu’il leur donna, les vit partir, et alors elle se mit à compterles minutes jusqu’à leur retour, supputant dans son esprit le tempsqu’ils devaient employer pour rencontrer son fils, le temps qu’illeur faudrait pour revenir à la grotte, les incidents quipourraient les retarder, faisant enfin les mille suppositionsauxquelles se livrent les gens qui attendent impatiemment une chosequ’ils désirent avec ardeur.

Deux jours s’écoulèrent sans qu’aucun descourriers ne reparût.

La pauvre mère, assise sur un quartier de roc,les yeux fixés sur la plaine, attendait toujours, immobile etinfatigable.

Vers le soir du troisième jour, elle aperçut àune grande distance un point noir qui se rapprochait rapidement del’endroit où elle se tenait.

Peu à peu, ce point devint plusdistinct ; elle reconnut alors un cavalier qui galopait àtoute bride du côté du défilé.

Le cœur de la mère battait à se rompre dans sapoitrine.

Cet homme était évidemment un des courriers dumissionnaire ; mais de quelles nouvelles était-ilporteur ?

Enfin, l’Indien entra dans le défilé, mit piedà terre et commerça à gravir la montagne.

La vieille femme sembla retrouver les jambesde sa jeunesse, tant elle s’élança rapidement vers lui, et franchiten peu d’instants la distance qui le séparait d’elle.

Mais lorsqu’ils furent face à face, un autreobstacle se dressa devant elle.

Le Peau-Rouge ne comprenait et ne parlait pasun mot de français ; elle, de son côté, ne savait pas uneparole indienne.

Mais il existe pour les mères une espèce delangage à part, franc-maçonnerie du cœur, qui se comprend dans tousles pays.

Le guerrier comanche s’arrêta devant elle,croisa les bras sur sa poitrine et la salua avec un doux sourire enprononçant ce seul mot :

– Koutonepi.

La mère de Valentin savait que c’était ainsique les Indiens avaient l’habitude de nommer son fils.

Elle se sentit soudainement rassurée par lesourire de cet homme et la façon dont il avait prononcé le nom deson fils.

Elle prit le bras du guerrier et l’entraînadans la grotte, à l’endroit où se tenait le père Séraphin occupé àlire son bréviaire.

– Eh bien, lui, demanda-t-il enl’apercevant, quelles nouvelles ?

– Cet homme n’a rien pu m’apprendre,répondit-elle, je ne comprends pas son langage, mais quelque choseme dit qu’il est chargé de bonnes nouvelles.

– Si vous le permettez jel’interrogerai.

– Faites, faites ; j’ai hâte desavoir à quoi m’en tenir.

Le missionnaire se tourna vers l’Indienimmobile à quelques pas, et qui avait écouté impassible le peu demots prononcés entre les interlocuteurs.

– Mon frère l’Araignée a le front couvertde sueur, dit-il ; qu’il prenne place à mes côtés et serepose ; sa course a été longue.

L’Indien sourit gravement en saluantrespectueusement le missionnaire.

– L’Araignée est un chef dans sa tribu,dit-il de sa voix gutturale et mélodieuse ; il sait bondircomme le jaguar et ramper comme le serpent ; rien ne lefatigue.

– Je sais que mon frère est un grandguerrier, reprit le prêtre ; ses coups sont nombreux, lesApaches fuient à son aspect. Mon frère a-t-il rencontré les jeuneshommes de sa tribu ?

– L’Araignée les a rencontrés ; ilschassaient le bison sur le Gila.

– Leur grand chef l’Unicorne était-ilavec eux ?

– L’Unicorne était avec lesguerriers.

– Bon ! Mon frère a l’œil duchat-tigre, rien ne lui échappe. A-t-il rencontré le grand chasseurpâle ?

– L’Araignée a fumé le calumet avecKoutonepi et plusieurs guerriers amis du chasseur pâle, accroupisautour de son foyer.

– Mon frère a parlé à Koutonepi ?reprit le missionnaire.

– Oui, Koutonepi se félicite du retour dupère de la prière qu’il n’espérait plus revoir. Lorsque le walkonaura chanté pour la deuxième fois, Koutonepi sera près de mon pèreavec ses compagnons.

– Mon frère est un guerrier sage etadroit ; je le remercie de la façon dont il a su remplir lamission dont il s’était chargé, mission dont aucun autre guerrierne se serait acquitté avec autant de prudence et de finesse.

À ce compliment mérité, un sourire de joie etd’orgueil plissa les lèvres de l’Indien, qui se retira après avoirrespectueusement baisé la main du missionnaire.

Le père Séraphin se tourna alors versMme Guillois, qui attendait anxieuse le résultat decette conversation, cherchant à lire dans les regards du prêtre cequ’elle devait craindre ou espérer. Il lui prit la main, la luiserra doucement, et lui dit avec cet accent sympathique qu’ilpossédait au suprême degré :

– Votre fils va venir, bientôt vous leverrez ; il sera ici cette nuit même, dans deux heures àpeine.

– Oh ! fit-elle avec un accentimpossible à rendre ; mon Dieu ! mon Dieu ! soyezbéni !

Et, tombant agenouillée sur le sol, elle fitune longue prière en fondant en larmes.

Le missionnaire l’examinait avec inquiétude,la surveillant avec soin, prêt à lui porter secours si son émotiontrop forte lui causait une défaillance.

Au bout de quelques instants, elle se relevariant à travers ses larmes, et reprit sa place aux côtés duprêtre.

– Du courage ! lui dit-il ;vous qui avez été si forte dans la douleur, faiblirez-vous devantla joie ?

– Oh ! fit-elle avec âme, c’est monfils, c’est-à-dire le seul être que j’aie jamais aimé, l’enfant quej’ai nourri de mon lait, que je vais revoir ! Hélas !voilà dix ans que nous sommes séparés, voilà dix ans que, sur sonfront, la trace de mes baisers s’est effacée ! Mon Dieu !mon Dieu ! vous ne pouvez comprendre ce que j’éprouve, monpère, cela ne se dit pas : pour une mère, son enfant esttout.

– Ne vous laissez pas ainsi maîtriser parvotre émotion.

– Ainsi, il va venir ?demanda-t-elle avec insistance.

– Dans deux heures au plus.

– Que c’est long, deux heures !fit-elle avec un soupir.

– Oh ! que c’est bien ainsi que sonttoutes les créatures humaines ! s’écria le missionnaire. Vous,qui avez attendu tant d’années sans vous plaindre, vous trouvezmaintenant deux heures trop longues…

– Mais c’est mon fils, mon enfantbien-aimé que j’attends : jamais je ne le reverrai asseztôt.

– Allons, calmez-vous ; voyez, vousavez la fièvre.

– Oh ! ne craignez rien, mon père,la joie ne tue pas, allez ! La vue de mon fils me rendra lasanté, j’en suis sûre.

– Pauvre mère ! ne put s’empêcher dedire le prêtre.

– N’est-ce pas ? fit-elle. C’est unechose bien terrible, si vous saviez, de vivre dans des transescontinuelles, de n’avoir qu’un fils qui est sa joie, son bonheur,et de ne pas savoir où il est, ni ce qu’il fait, s’il est mort ous’il existe. La plus cruelle torture pour une mère, c’est cetteincertitude continuelle, cette alternative de bien et de mal,d’espoir et de désappointement. Vous ne comprenez pas cela, vous nepourrez jamais le comprendre, vous autres hommes ; c’est unsens qui vous manque, et que nous, les mères, nous possédonsseules, l’amour de nos enfants !…

Il y eut quelques minutes de silence, puiselle reprit :

– Mon Dieu ! comme le temps s’écoulelentement ! Le soleil ne se couchera-t-il donc pasbientôt ? De quel côté croyez-vous que mon fils vienne, monpère ? Je veux le voir arriver. Quoiqu’il y ait bien longtempsque je ne l’aie vu, je suis certaine que je le reconnaîtrai tout desuite ; une mère ne se trompe pas, voyez-vous, car elle nevoit pas son enfant avec les yeux, elle le sent avec lecœur !…

Le missionnaire la conduisit à l’entrée de lagrotte, la fit asseoir, se plaça auprès d’elle, et lui dit enétendant le bras dans la direction du sud-ouest :

– Regardez par là, c’est de ce côté qu’ildoit venir.

– Merci ! répondit-elle aveceffusion. Oh ! vous avez toutes les délicatesses comme vousavez toutes les vertus. Vous êtes saintement bon, mon père ;Dieu vous récompensera ; moi je ne puis que vous diremerci !

Le missionnaire sourit doucement.

– Je suis heureux de vous voir heureuse,fit-il avec bonhomie.

Ils regardèrent.

Cependant le soleil s’abaissait rapidement àl’horizon ; peu à peu l’obscurité envahit la terre ; lesobjets se confondaient ; il fut impossible de rien apercevoirmême à une courte distance.

– Rentrons, dit le père Séraphin, lefroid de la nuit pourrait vous saisir.

– Bah ! fit-elle en haussant lesépaules, je ne sens rien.

– D’ailleurs, reprit-il, les ténèbressont si épaisses que vous ne pourrez pas le voir.

– C’est vrai, répondit-elle avec âme,mais je l’entendrai !

Il n’y avait rien à répondre. Le père Séraphinle comprit ; il baissa la tête et reprit sa place auprès deMme Guillois.

– Pardonnez-moi, mon père, dit-elle, maisla joie me rend folle !

– Vous avez assez souffert, pauvremère ! répondit-il avec bonté, pour avoir enfin aujourd’hui ledroit de jouir d’un bonheur sans mélange. Faites donc à votre guisesans craindre de me causer de la peine.

Une heure environ s’écoula ainsi sans qu’uneparole fût prononcée entre eux. Ils écoutaient.

Cependant la nuit se faisait de plus en plussombre, les bruits du désert plus imposants.

La brise du soir s’était levée ; ellemugissait sourdement à travers les quebradas avec des sifflementsmélancoliques et prolongés.

Soudain Mme Guillois seredressa, son œil lança un éclair ; elle saisit fortement lamain du missionnaire :

– Le voilà ! dit-elle d’une voixrauque.

Le père Séraphin releva la tête.

– Je n’entends rien, dit-il.

– Ah ! fit la mère avec un accentqui venait du cœur, je ne me trompe pas cependant, c’est lui ;écoutez, écoutez encore.

Le père Séraphin prêta l’oreille avec la plusgrande attention.

En effet un bruit à peine perceptible sefaisait entendre dans la prairie, assez semblable aux grondementsprolongés d’un tonnerre lointain.

– Oh ! reprit-elle, c’est lui, ilarrive ; écoutez !

Ce bruit devenait de plus en plus fort,bientôt il fut facile de distinguer le galop de plusieurs chevauxqui accouraient à toute bride.

– Eh bien ! s’écria-t-elle, est-ceune illusion ? Oh ! le cœur d’une mère ne se fourvoie pasainsi.

– Vous avez raison, madame, dans quelquesminutes il sera près de vous.

– Oui, oui ! murmura-t-elle d’unevoix haletante.

C’est tout ce qu’elle put dire. La joiel’étouffait.

– Au nom du ciel ! s’écria lemissionnaire avec inquiétude, prenez garde, cette émotion est tropforte pour vous, vous vous tuez.

Elle secoua la tête avec un mouvementd’insouciance et de béatitude inexprimable.

– Qu’importe, fit-elle, je suis heureuse,oh ! bien heureuse en ce moment.

Les cavaliers étaient entrés dans le défilé,le galop de leurs chevaux retentissait avec un bruit extrême.

– Pied à terre, messieurs ! cria unevoix forte, pied à terre ! nous sommes arrivés.

– C’est lui ! c’est lui !fit-elle, avec un mouvement comme pour s’élancer en avant ;c’est lui qui a parlé, j’ai reconnu sa voix.

Le missionnaire la retint entre ses bras.

– Que faites-vous ? s’écria-t-il,vous allez vous briser.

– Pardon, mon père, pardon ; mais enl’entendant parler, je ne sais quelle émotion j’ai éprouvée, quellecommotion j’ai reçue au cœur, je n’ai plus été maîtresse de moi etje me suis élancée.

– Un peu de patience, le voilà quimonte ; dans cinq minutes il sera dans vos bras.

Elle se rejeta vivement en arrière.

– Non, dit-elle, pas ainsi, pas ainsi, lareconnaissance serait trop brusque ; laissez-moi savourer monbonheur sans en perdre une parcelle, je veux qu’il me devine commeje l’ai deviné, moi !

Et elle entraîna rapidement le père Séraphindans la grotte.

– C’est Dieu qui vous inspire,dit-il ; oui, cette reconnaissance serait trop brusque, ellevous tuerait tous deux.

– N’est-ce pas, fit-elle avec joie,n’est-ce pas, mon père, que j’ai raison ? Oh vous verrez, vousverrez. Cachez-moi dans un endroit où je puisse tout voir et toutentendre sans être vue ; hâtez-vous, hâtez-vous, le voilà.

La caverne, ainsi que nous l’avons dit, étaitimmense, elle se divisait en une infinité de compartiments quicommuniquaient tous les uns aux autres ; le père Séraphincacha Mme Guillois dans un de ces compartimentsdont les murs à jour étaient formés par une réunion de stalactitesqui affectaient les formes les plus bizarres.

Après avoir entravé leurs chevaux, leschasseurs gravissaient la montagne. Tout en montant on lesentendait causer entre eux ; le bruit de leur voix arrivaitdistinctement jusqu’aux habitants de la grotte, qui écoutaientavidement les paroles qu’ils prononçaient.

– Ce pauvre père Séraphin, disaitValentin, je ne sais si vous êtes comme moi, caballeros, mais jesuis tout heureux de le voir ; je craignais qu’il ne nous eûtabandonnés sans retour.

– C’est une grande consolation pour moidans ma douleur, répondu don Miguel, de le savoir aussi près denous ; cet homme est un véritable apôtre.

– Qu’avez-vous donc, Valentin ? dittout à coup le général Ibañez ; pourquoi vousarrêtez-vous ?

– Je ne sais, répondit celui-ci d’unevoix peu assurée, il se passe en moi quelque chose que je ne puism’expliquer. Aujourd’hui, lorsque l’Araignée m’a annonce l’arrivéedu père, j’ai éprouvé un serrement de cœur indéfinissable ;maintenant, voilà que cela me reprend ; pourquoi ? je nesaurais le dire.

– Mon ami, c’est la joie de revoir lepère Séraphin qui vous cause cette émotion, voilà tout.

Le chasseur secoua la tête.

– Non, dit il, ce n’est pas cela, il y aautre chose ; ce que j’éprouve n’est pas naturel ; j’aila poitrine oppressée, j’étouffe. Mon Dieu ! mon Dieu !que se passe-t-il donc ?

Ses amis se groupèrent autour de lui avecinquiétude.

– Laissez-moi monter, dit-il avecrésolution ; si j’ai une mauvaise nouvelle à apprendre, ilvaut mieux que ce soit tout de suite.

Et, malgré les exhortations de ses amisinquiets de le voir en cet état, il recommença à monter, mais encourant cette fois.

Il arriva bientôt sur la plate-forme ;là, il s’arrêta un moment pour reprendre haleine.

– Allons, dit-il.

Il entra résolument dans la grotte suivi deses amis.

À l’instant où il mettait le pied sur le seuilde la caverne, il s’entendit appeler par son nom.

Au son de cette voix le chasseur tressaillit,il devint pâle et tremblant, une sueur froide inonda sonvisage.

– Oh ! murmura-t-il, qui doncm’appelle ainsi ?

– Valentin ! Valentin ! repritla voix plus douce et plus caressante.

Le chasseur hésita et pencha le corps enavant ; son visage prit une expression de bonheur etd’inquiétude inexprimable.

– Encore ! encore ! fit-ild’une voix inarticulée, en mettant la main sur son cœur pour encomprimer les battements.

– Valentin ! répéta la voix.

Cette fois, le chasseur bondit en avant commeun lion, en poussant un rugissement terrible.

– Ma mère ! s’écria-t-il d’une voixéclatante, ma mère, me voilà !

– Ah ! je savais bien qu’il mereconnaîtrait, s’écria-t-elle en se précipitant dans ses bras.

Le chasseur la serra sur sa poitrine avec uneespèce de frénésie furieuse.

La pauvre femme lui prodiguait ses caresses enpleurant, à demi folle de joie et de terreur de le voir en cetétat.

Elle se repentait de l’épreuve qu’elle avaitvoulu tenter.

Lui, il baisait son visage, ses cheveuxblancs, sans pouvoir prononcer une parole.

Enfin, un rauquement sourd s’échappa de sapoitrine, il respira avec force, un sanglot déchira sa gorge et ilfondit en larmes en s’écriant avec un accent de tendresseinexprimable :

– Ma mère ! ma mère ! oh !ma mère !

Ces paroles furent les seules qu’iltrouva.

Valentin riait et pleurait à la fois, assissur un quartier de roc, tenant sa mère sur ses genoux ; ill’embrassait avec une joie délirante, la dévorait des yeux et ne serassasiait pas de baiser ses cheveux blancs, ses joues pâlies etses yeux qui avaient versé tant de larmes.

Les spectateurs de cette scène, émus par cetamour si vrai et si naïf, pleuraient silencieusement autour de lamère et du fils.

Curumilla, accroupi dans un coin de la grotte,regardait fixement le chasseur, pendant que deux larmes coulaientlentement sur ses joues brunies.

Lorsque la première émotion fut un peu calmée,le père Séraphin, qui jusqu’alors s’était tenu à l’écart afin de nepas troubler les doux épanchements de cette entrevue suprême, fitun pas en avant, et se plaçant au milieu des assistants :

– Mes enfants, dit-il d’un ton doucementimpérieux, en montrant le simple crucifix de cuivre qu’il élevaitde la main droite, rendons grâce au Seigneur pour sa bontéinfinie.

Les chasseurs s’agenouillèrent etprièrent.

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