La Revanche de Roger-La-Honte – T1

Chapitre 8

 

 

Trois heures après, à la tombée du jour,Roger, dont le cœur se remplissait d’angoisse, vit arriver de loinle cortège qui ramenait sa fille. Il reconnut le cheval et devinaqu’un accident était arrivé à Suzanne.

Il s’élança vers la carriole, comme un fou. Safille ! On la rapportait morte, peut-être ! Suzanne,elle-même, l’avait aperçu et de très loin lui tendait les bras.

– Mon enfant ! mon enfant !Qu’est-il arrivé ?

Et ce fut lui-même qui la descendit et quil’emporta vers le château.

– Presque rien, dit-elle… Ne vouseffrayez pas, mon père… Je peignais les ruines de l’abbaye, vous lesavez, quand un pan de mur s’est écroulé et une pierre m’aatteinte, là, dans les cheveux… Ce n’est rien…

Laroque l’avait déposée sur un canapé.

– Quelle peur tu m’as faite ! ditLaroque. Et il essuya son front ruisselant de sueur.

Alors Suzanne lui conta plus longuement ce quis’était passé, sans omettre les soins empressés dont elle avait étél’objet, aussi bien de la part des deux frères, que de la part dePetit-Louis et de Catherine.

Laroque courut tout de suite remercier legarde et sa femme, qui se mettaient en route pour regagner les Vauxde Cernay.

Puis revenu auprès de sa fille :

– Et ces deux jeunes gens, connais-tuleur nom ?…

– Ils sont frères et habitent, pas trèsloin d’ici, paraît-il, une ferme qu’on appelle Méridon… L’aînés’appelle Pierre, l’autre… autant que je me souviens… Raymond, ilme semble…

– Mais leur nom de famille ?

– De Noirville…

Roger Laroque fit un brusque mouvement. Ilétait devenu tout à coup, et par le seul fait d’une émotion subite,presque aussi blanc que sa fille.

– Tu as dit ? demanda-t-il troublé,comme s’il n’avait pas entendu.

Elle répéta le nom.

Laroque tomba dans une profonde rêverie.

« Évidemment, se disait-il, il n’y avaitlà qu’une rencontre du hasard, les jeunes gens portaient le mêmenom que Lucien, son ami, voilà tout. Il y a bien des Noirville enFrance et rien ne prouvait qu’ils appartinssent à la famille decelui qui l’avait jadis défendu ! Pourtant les deuxprénoms : Raymond et Pierre ? Lucien de Noirville, il serappelait, avait deux enfants, deux fils. »

Et il lui semblait se souvenir encore quec’était bien ainsi qu’ils se nommaient : Raymond et Pierre. Sic’étaient eux, pourquoi le hasard les jetait-il ainsi sur saroute ? Dans quel but ?

Et leur mère ?… Et Julia ?…Qu’était-elle devenue ? Autant de ténèbres qu’il se promettaitd’éclairer.

Le médecin de Chevreuse, que Roger envoyachercher le soir – car il voulait être complètement rassuré –trouva Suzanne toujours faible, mais ne fit prévoir aucunecomplication.

Le lendemain, elle eut une forte fièvre quidura cinq jours ; le huitième jour elle se leva.

Le lendemain de l’accident, vers deux heuresde l’après-midi, Catherine Louis avait vu arriver Pierre deNoirville.

– Ma bonne Catherine, avait dit le jeunehomme avec embarras, nous avons raconté à notre mère ce qui s’estpassé, et de sa part je viens vous prier, si vous avez le temps,d’aller vous informer à Maison-Blanche de la santé de mademoiselleFarney ?…

– J’irai donc, de la part de votre mère…,fit la paysanne avec un sourire.

Pierre partit. Une heure après, ce fut le tourde Raymond. Catherine se préparait justement à atteler le cheval àla carriole.

– Catherine, dit Raymond, voulez-vous merendre un service ?

– Deux, si vous voulez… monsieurRaymond.

– Vous allez à Chevreuse ?

– Je vais de ce côté-là, oui, monsieurRaymond.

– Vous ne passerez pas loin deMaison-Blanche ?

– Je passerai devant.

– Eh bien, voulez-vous vous y arrêtercinq minutes… le temps de demander comment va mademoiselleFarney ?

– Avec plaisir… Et de la part de qui,monsieur Raymond, voulez-vous que je fasse cettecommission-là ?

Le jeune homme rougit, balbutia :

– Mais, Catherine… de la part de ma mère,bien entendu… Et il s’éloigna, sans comprendre pourquoi la paysanneriait.

– Eh ! eh ! elle fait du ravagela demoiselle d’Amérique, fit-elle. Et dire que moi aussi, dans letemps, je n’avais qu’à regarder les jeunes gens pour leur fairetourner la tête… Seulement, les deux frères amoureux, ça ne ditrien de bon… Souvent, ça finit mal, ces histoires-là… Et ce seraitdommage, ils sont si gentils !…

Elle grimpa dans la carriole et, un instantaprès elle disparaissait au tournant de la route.

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