La Revanche de Roger-La-Honte – T1

Chapitre 15

 

 

Durant la courte maladie de son père, Suzannene revit pas Raymond, qui était à Paris ; mais, le dimanchesuivant, le jeune homme revenait à Maison-Blanche. Suzanne ne lesavait pas et pourtant elle l’attendait. Plus d’une fois, depuis lematin, son regard avait erré au loin sur la longue route blanchebordée de peupliers, qui filait toute droite vers Chevreuse.

Elle était seule au château. Et elle avaithâte de revoir Raymond, parce qu’elle était bien résolue à tout luidire…

Elle l’aperçut, marchant très vite.

Elle courut au-devant de lui, son impatienceétait si grande qu’elle ne pouvait l’attendre. Elle le rejoignitdans le parc.

– Oh ! Raymond, dit-elle, Raymond,que je suis heureuse !…

Et, en effet, son visage était radieux. Sesyeux brillaient, ses joues étaient roses et tout en elle exprimaitl’animation et la joie.

Elle était si différente de ce qu’elle étaitl’autre jour, qu’il crut à un accès de folie et qu’ilmurmura :

– Suzanne ! Suzanne !qu’avez-vous ? au nom du ciel !

– Oh ! Raymond, venez vite, je vousdirai tout… Ici, je ne puis parler… Des domestiques, des paysanspeuvent passer dans le parc derrière les broussailles et lesarbres… Ils nous entendraient… Venez vite, j’ai hâte de vousapprendre… C’est de lui qu’il s’agit… de mon père…

Quand ils furent au château, qu’elle eut ferméles portes, elle lui raconta tout ce que son père lui avait dit.Elle n’omit rien de l’histoire où cette femme inconnue avait jouéun rôle néfaste.

Roger Laroque n’avait pas nommé Julia. Raymondne pouvait se douter qu’il s’agissait de sa mère ! Il avaitpour elle le plus profond respect, un respect qu’égalait seule satendresse, et un soupçon ne lui pouvait venir. Il lui ditseulement :

– Roger Laroque n’avait-il pas reconnu mamère ?

– Il a dû la reconnaître, à coup sûr, etje me rappelle maintenant quelques hésitations qui m’avaientfrappée au début de nos relations.

– C’est juste. Sa sécurité et le soin devotre bonheur réclamaient les plus grandes précautions.

Raymond devint pensif.

– Ainsi, dit-il, c’est une femme qui atenu dans ses mains l’honneur, presque la vie de votre père… Etelle n’a rien dit. Qu’est-elle donc, pour avoir tant delâcheté !

– Songez, Raymond, au déshonneur… pourelle, si elle avait parlé !… Songez qu’elle avait un mari…Songez qu’elle avait peut-être des enfants !…

– Qui est-elle ? Vous a-t-il dit sonnom ?

– Oh ! Raymond ! Le pouvait-ilsans renier le passé ? lui qui a tout sacrifié à cesecret !… Ce nom, il ne le révélera jamais !

– Laroque est un homme. Mon père avaitraison de l’aimer, moi, je ne l’en estime que davantage…

Raymond retomba dans son silence et dans sarêverie.

– À quoi réfléchissez-vous, monami ?

– À une chose bien simple, Suzanne.Puisque votre père est innocent, il y a un coupable… l’homme quevous avez aperçu dans la maison de Larouette… Ce coupable, votrepère le cherche, je le chercherai aussi… Je suis avocat… j’ai denombreux amis au Palais et à la préfecture. Je serai puissammentaidé… Oh ! ne craignez rien, je serai prudent… je penserai àvous… Puis, ce n’est pas tout Suzanne… quelque chose me dit quecette femme, ancienne maîtresse de votre père, a été mêlée de prèsà cette intrigue… quelque chose me dit qu’elle est complice ducrime… Il y a eu là peut-être une vengeance… Cette femme, il faut àtout prix la connaître…

– Raymond, dit-elle, avec une terreurinstinctive, épargnez cette femme, si vous la rencontrez sur votrechemin… Songez que si elle est mère… cela serait effroyable… de lalivrer ainsi aux juges… de la couvrir de honte, à la face detous ! Mon père ne voudrait pas, j’en suis sûre !…Épargnez-la !…

– Nous verrons, quand l’heure sera venue.Tout à l’heure, vous m’avez accueilli en me disant que vous étiezheureuse… Eh bien, moi aussi, Suzanne, je suis heureux… carbientôt, je vous le jure, vous serez ma femme !

– Que Dieu vous entende, monami !

– Au revoir, Suzanne… Nous ne nousreverrons pas avant des semaines, peut-être, car je ne veux pasrevenir sans vous apporter une bonne nouvelle… Ayez confiance…Aimez-moi… Je vous aime… Mon père, qui était l’ami du vôtre, aéchoué lorsqu’il a voulu prouver l’innocence de Laroque… mais ilest mort… Là où le père n’a pas réussi, le fils réussira peut-être…Lucien de Noirville n’avait que l’amitié… moi, j’ai l’amour… Et jemourrai, s’il le faut, comme est mort mon père !…

Sur ce mot, il partit.

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