La Revanche de Roger-La-Honte – T1

Chapitre 12

 

 

Terrenoire, Margival et Guerrier s’en étaientallés d’un autre côté et Mme de Terrenoireétait restée seule, une minute, avec le comte, dans la serre.

Le comte ne paraissait point s’apercevoir decette solitude. Il rêvait, les yeux baissés, toujours sombre.

Andréa lui toucha l’épaule du bout dudoigt.

Il releva la tête.

– Quelle mouche vous pique, fit-elle avecdureté, de parler comme vous l’avez fait tout à l’heure ?

– J’ai dit ce que je ressentais. Je suisjaloux !

Elle haussa les épaules… Son regard étaitcruel.

– Vous avez failli me perdre de gaieté decœur. Je ne vous reconnais plus. Un mot encore, et les soupçonssurgissaient à l’esprit de mon mari ! Il apprenait que Dianen’est point sa fille !… Quelle révélation ! J’étaisperdue ! Et pourquoi, s’il vous plaît ?

– Vous avez raison. Pardonnez-moi !Mais est-ce bien ma faute, et ne suis-je pas le seul àplaindre ? Non. Je ne mentais pas en disant que je suis jalouxde Terrenoire, jaloux à en être malade, jaloux à concevoir et àdésirer une catastrophe qui me rende mon libre arbitre et ladisposition de ma volonté !… et d’avoir au moins le droitd’occuper une petite place dans le cœur de ma fille !…

– Vous souffrez, je le vois, dit Andréa.Vous ne m’aviez jamais ouvert aussi franchement votre âme… Jecomprends vos tristesses, mais je ne vous plains pas et faut-ilvous rappeler cette histoire d’il y a dix-huit ans ?Auriez-vous la mémoire si courte, Grégoire ? Dix-huit ans,après un tel drame, qu’est-ce donc dans une vie que ce drame afailli briser ?

– Je sais que j’ai été coupable,Andréa.

– Oui, de nous deux, c’est vous qui êtesobligé de rougir devant moi. J’avais seize ans quand je vousconnus. Vous étiez séduisant et dangereux. Je ne vis pas le dangeret je fus séduite. Quand je m’aperçus que j’étais enceinte, je vousle dis. Le lendemain, lâche, vous aviez quitté la France !…Quand vous revîntes, j’étais mariée à monsieur de Terrenoire – quiavait demandé ma main avant votre départ – et qui ne sut jamaisrien de notre secret. Vous êtes devenu son ami et son associé. J’aisouffert votre présence, parce que j’ai eu pitié de votre repentir– et parce que j’ai vu votre cœur se fondre devant la fillette quivous apparut sur les bras de sa nourrice – et que vous saviez bienêtre votre fille. Vous l’avez vue grandir, cette enfant, engentillesse, en esprit, en grâces. Et votre supplice a été de nepouvoir lui révéler que vous êtes son père ! Je ne vous plainspas, je le répète. C’est le châtiment de votre lâcheté.

– Tout ce que vous dites est vrai…,fit-il d’une voix étouffée ; mais je souffre, jesouffre !

Elle le considéra silencieusement, puis, sansajouter un mot, elle le laissa – brisé et pâle.

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