La Revanche de Roger-La-Honte – T1

Chapitre 16

 

 

Les démentis donnés aux bruits de failliterencontrèrent d’abord des incrédules ; mais il fallut bien queles plus entêtés se rendissent à l’évidence quand on sut queTerrenoire avait payé ses différences dans la journée même de ladébâcle et que, le lendemain du jour où la justice avait fermé lesbureaux du boulevard Haussmann, tous les dépôts avaient étéremboursés.

En un mot, la banque faisait face partout àcette situation et sortait victorieuse d’une crise terrible quiavait un instant menacé de l’engloutir.

M. de Lignerolles apprit l’un despremiers ce revirement, et ce ne fut pas sans une certaineémotion.

Cela n’enlevait rien à la vérité, à toutes lescharges relevées contre Jean Guerrier, mais il n’était pluspossible de faire peser sur le caissier et sur le banquier unsoupçon de complicité.

C’était donc ailleurs qu’il fallait chercherun complice à Guerrier – ou plutôt, pensaitM. de Lignerolles, Guerrier a agi seul avec Béjaud pourson propre compte, sans doute à la suite de quelque querelleignoble où M. de Terrenoire aura repoussé une demanded’argent exorbitante.

Cependant l’enquête devenait, après cetteconstatation, plus difficile et surtout plus délicate. Béjaud,interrogé à plusieurs reprises, avait fini par dire, en jurant,qu’il ne répondrait plus. Guerrier était si accablé, si malade,qu’il ne se traînait qu’avec peine, tant le coup avait été rudepour lui ; il était vieilli, avait les traits fatigués, lesyeux enfoncés et brillants.

Aux questions réitérées du juge, il nerépliquait que par monosyllabes, prononcées sourdement, comme àregret, et qu’on avait peine à entendre.

– Je suis innocent… innocent de tout…Qu’on me mette en présence de ma femme, de monsieur de Terrenoireet de ceux qui m’ont fait du mal… C’est ce que jedemande !…

M. de Lignerolles, qui le lui avaitpromis, était fort embarrassé, à présent, de tenir sa promesse.

Terrenoire étant écarté de l’enquête, le jugen’avait plus de prétexte pour s’occuper de sa conduiteprivée : les amours du banquier et de Marie-Louise ne leregardaient pas ; ces hontes d’un ménage à trois ne pouvaientl’intéresser que comme observateur et non point commemagistrat.

Comment, dès lors, satisfaire au désir exprimépar Jean Guerrier ?

Heureusement, le hasard le servit.

Guerrier était au dépôt depuis quelques joursquand Marie-Louise et Margival se présentèrent au cabinet du juged’instruction.

M. de Lignerolles les fit introduiresur-le-champ.

Marie-Louise, pâle, les yeux rouges comme sielle avait passé les nuits à pleurer depuis l’arrestation de sonmari, entra, se tenant à peine debout, tant son émotion étaitgrande et tant elle était faible.

Le vieux Margival, aussi triste, mais plusénergique et plus résolu, la suivait.

Ce fut lui qui prit la parole.

– Monsieur, dit-il, nous vous remercionsde nous avoir reçus. Dans notre malheur, ce nous est uneconsolation, et nous n’espérions pas tant, ma fille et moi.

Sa longue figure ridée, encadrée de barbeblanche, son haut front qui se terminait sous une broussaille decheveux entièrement blancs, donnaient à sa physionomie un cachetd’honnêteté, de naïveté, de franchise, que le juge ne fut pointsans remarquer et qui fit impression sur lui.

Il reprit :

– Nous ne savons ce qui se passe,Monsieur ; tout le monde nous délaisse depuis quelque temps,depuis l’arrestation du mari de ma fille… Seul, monsieur deTerrenoire nous a gardé son amitié… Car il ne croit pas plus quenous à la culpabilité de mon gendre. Il cherche partout une preuvede son innocence, il la trouvera, j’en suis certain, etréhabilitera ainsi cepauvre garçon… Et voilà pourquoi je viens voustrouver, Monsieur, de notre part et de la part de notre amiTerrenoire.

– Pourquoi ?

– J’avais l’intention de vous demanders’il serait possible de remettre Guerrier en liberté…

– Impossible…

– Mais il est innocent, nous vous lejurons. Il faut, pour qu’on le croie coupable, un concours dehasards si extraordinaire que nous en sommes accablés, nous autres,et que nous ne pouvons que nous élever contre de toute notreindignation. Ayez pitié de nous, monsieur de Lignerolles. Voyez enquel état se trouve ma fille, à laquelle on enlève son mari quelquetemps après son mariage ; ma fille, malade en ce moment, quiréclame tous nos soins, et qui n’a même pas la force de vousadresser la parole.

En effet, Marie-Louise se contentait dejoindre les mains.

Son regard suppliait.

M. de Lignerolles les examinait tousdeux d’un œil attentif.

Et sèchement, laissant voir malgré lui,l’antipathie que lui inspirait une pareille fourberie :

– Je voudrais vous être agréable. Je nele puis.

– Le rendrait-on à la liberté surcaution ?

– Non plus. Mais en tout cas la cautionserait trop forte et dépasserait assurément vos ressources.

– Les nôtres, certes, car elles sontminimes, et mon gendre et moi nous n’avions que nos appointementspour vivre. Mais vous savez, sans doute, combien monsieur deTerrenoire s’intéresse à Guerrier, à ma fille et à moi. C’est luiqui a fait le mariage de Marie-Louise…

– Ces détails me sont connus, dit lemagistrat d’un ton singulier, et je vous trouve audacieux d’oserfaire cette allusion devant moi.

– Cette caution, on peut l’exiger aussiforte qu’on le voudra. Monsieur de Terrenoire, qui semble né pournous rendre service et nous tirer de peine, se chargera de lapayer. J’ai sa promesse ; au besoin, du reste, il viendra voustrouver et renouvellera en personne la prière que je vous fais ence moment.

– C’est inutile, que monsieur deTerrenoire ne se dérange pas ! dit le juge. Je sais que votrecomplaisance coupable vous est grandement payée. Je sais qu’un motde votre fille est tout-puissant auprès de lui.

Marie-Louise s’était levée, dans une agitationextrême, l’œil brillant, les pommettes rouges.

– Monsieur, il m’a semblé voir dans vosparoles une intention qui serait pour mon père et pour moi uneinsulte mortelle… Je vous ordonne de vous expliquer…

Sa voix tremblait. Ses calmes traits de jolieblonde s’étaient transfigurés. Sa douleur avait fait place à sacolère.

Elle commandait, et comme le juge accueillaitavec ironie cette véhémente parole :

– Vous avez compris, dit-elle à son père.Mon mari nous accuse, et la justice ne voit pas que le malheureuxest fou. Oui, fou ! s’écria-t-elle, et c’est vous magistratqui êtes cause de sa folie !

M. de Lignerolles sonna, et au gardequi apparut sur le seuil de la porte, il ordonna d’aller chercherJean Guerrier et de l’amener dans son cabinet.

Il ne fut pas dit un mot jusqu’au moment où lecaissier entra.

Il resta debout devant le bureau du juge.

En le revoyant, Marie-Louise, d’instinct,avait tendu les bras vers lui, mais elle avait été effrayée par cetair d’abattement répandu sur toute la personne de Guerrier.

Un sanglot lui monta aux lèvres et ses larmesjaillirent.

Et Jean Guerrier, qui entendit ce sanglot,tressaillit, se retourna, aperçut sa femme et eut un geste derépulsion.

– Marie-Louise ! dit-il.

Tout à coup, voyant Margival :

– Vous, vous !

Et se précipitant vers eux, l’œil brillant decolère, les poings serrés :

– Vous voilà ! Je vousrevois !… Oh ! pour oser se présenter devant moi sanstomber à genoux, il faut que vous n’ayez plus ni honte nipudeur !…

– Jean !… dit Marie-Louise, effarée…que veux-tu dire ?… De quelle honte parles-tu ?… Pourquoirougirions-nous de te voir et quels reproches as-tu à nousadresser ?

Le juge souriait en les regardant.

Et il murmurait à part lui :

– Comédie ! Jusqu’où pousseront-ilsl’effronterie de se jouer ainsi de moi ?

– Infâmes tous les deux, infâmes !disait Jean Guerrier. Ah ! ne dissimulez plus je vous en prie…cela est inutile, et j’aime cent fois mieux vous voir tels que vousêtes… Ne dissimulez pas, je ne suis pas votre dupe !… Assezlongtemps vous avez abusé de mon honnêteté, de ma naïveté, jedevrais dire de ma sottise !… Assez longtemps vous avez faitde moi la risée de tous ceux qui me connaissent, vous avezempoisonné ma vie, vous avez attiré sur moi le méprisuniversel.

Margival écoutait ces sanglants reproches avecune stupéfaction douloureuse. Il prit Marie-Louise dans ses bras,l’attira contre son cœur comme pour la protéger de son affectionpaternelle.

Marie-Louise, dont les yeux s’étaient séchés,soudain, murmura :

– L’entendez-vous, mon père ?

– Ma pauvre fille, dit le vieillard, mapauvre enfant, qu’allons-nous devenir ? N’en doutonsplus : Jean est fou !

Il n’avait pas baissé la voix.

Guerrier l’entendit donc. Et il eut un éclatde rire strident.

– Ah ! vous allez me faire passerpour fou, à présent ? Je vous préviens que l’on ne vous croirapas. J’ai toute ma raison. Et c’est avec toute ma raison que jevous juge. Vous êtes deux misérables !

– Jean !… cria Marie-Louise ens’élançant vers lui, ne pouvant plus se contenir. Elle voulaitl’enlacer de ses bras.

Il la repoussa brutalement. Il avait lesourcil froncé, l’œil dur et mauvais, et ses lèvres laissaientpasser péniblement son haleine oppressée.

Marie-Louise chancela, en reculant sous lapoussée.

– Jean, dit Margival, avec une tristessenavrante, s’il est vrai que vous n’êtes point fou, si vous pouveznous comprendre… ayez pitié de votre femme… Regardez-la, elle esttoute faible et toute malade, regardez-la !… Et le médecin quej’ai consulté, s’il nous a rassurés sur son indisposition, nous acependant conseillé de prendre grand soin d’elle… Regardez-la,Jean, et dites-moi si vous comprenez ?…

– Qu’y a-t-il ?… bégaya Jean,livide…

– Elle vous rendra père, monami !…

Guerrier passa la main sur son front…

Ses yeux étaient égarés. Toute sa figure étaitcrispée. On eût dit vraiment à le voir, qu’il était fou !…

– Ah ! dit-il d’une voix basse, maisoù l’on sentait l’effort suprême pour rester calme… quelle joyeusenouvelle vous m’annoncez là !… Que je suis content !… Mafemme enceinte ! Quelle joie dans la maison ! Et qued’honneur pour moi, pensez donc, de donner mon nom, mon pauvre nommodeste, que ne rehaussent ni fortune ni particule, à l’enfant dema femme et de monsieur de Terrenoire !

– Mon Dieu ! fit Marie-Louise,épouvantée.

– En quel vilain moment vous m’apprenezcette heureuse nouvelle !… Il fallait attendre ma mise enliberté ! Alors, en compagnie de monsieur de Terrenoire, tousles quatre, nous aurions fait la fête… Ma femme porte l’enfant deTerrenoire, quelle aubaine ! Songez donc !… Fort honorée,ma femme, ma foi, et moi aussi, en vérité ! Merci,Marie-Louise, merci, Margival !…

Et il riait et parfois, à travers son rire,ses dents se rencontraient et grinçaient avec une furieuse rage demordre et de broyer.

Margival était allé à lui et essayait, enemployant toutes ses forces, de lui étreindre les bras.

Mais Guerrier se débattait, le repoussait avecdureté.

Alors, le vieillard s’approcha du juged’instruction, qui était resté calme pendant cette étrangescène.

– Monsieur de Lignerolles, si vous avezquelque pitié pour nous, dites-nous ce qui s’est passé… dites-nouscomment est survenue l’effroyable folie de cet homme.

Mais Jean Guerrier intervenait :

– Je ne suis pas fou, monsieur deLignerolles, ne les croyez pas. Vous le savez, du reste. Ah !je comprends que leur intérêt, en ce moment, serait de me fairepasser pour un insensé…

Margival sentait ses idées s’en aller.

Il ne possédait plus son sang-froid, et,hébété par tout ce qu’il entendait, il essayait de recouvrer saprésence d’esprit.

Ce fut Marie-Louise qui fit acted’énergie.

– Jean, dit-elle, de grâce, unmot !

– Aurais-tu l’audace de vouloir tedéfendre ?

– Certes, non, je ne me défendrai pas.Après quelques semaines de mariage, entendre, dans la bouche de sonmari, une pareille accusation est assez pénible. Me défendre, ceserait donner prise à cette accusation. Me défendre, Jean, et dequoi, s’il vous plaît ? Ai-je bien compris ? Vous avezsur moi, sur mon honneur, sur mon amour un doute qui me faitinjure… Et ce doute répond à l’insulte que me lançait tout àl’heure monsieur de Lignerolles. Non, vous n’êtes point fou, ce quevous avez dit, ce que disait monsieur de Lignerolles est raisonné.Qui vous a inspiré à tous deux pareils soupçons ? Je l’ignore,mais je veux le savoir. Mon Dieu, faut-il que, vous aimant ainsique je vous aime, je sois obligée de relever cette horriblecalomnie, et faut-il que ce soit vous, Jean, toi, pauvre Jean, sicalomnié toi-même, qui me renvoies semblable insulte !

– Plût au ciel que ce ne fût qu’uneinsulte !

– Jean, il est impossible que tu ajoutesfoi à ce mensonge. Réfléchis un peu, mon ami. Cela n’a pas le senscommun. Quels sont les semblants de raisons qui ont pu donnernaissance à ces bruits ?… Je te le demande, à toi, et je suissûre que tu ne sais rien… C’est vous, monsieur de Lignerolles, queje devrais interroger, car c’est assurément de vous que partent cesaccusations.

Le juge restait silencieux, incrédule à cesmanifestations d’angoisse et de désespoir. Alors elle se tournavers son mari :

– Puisqu’il ne veut rien dire,éclairez-moi, Jean ! Il est horrible pour moi d’avoir àdiscuter ces choses ; pourtant, puisqu’il le faut, je m’yrésigne !

Guerrier, devant cette douleur franchementexprimée, se reprenait à douter et tourna ses regards vers le juged’instruction.

Celui-ci, froid et sarcastique, écoutait.

– Jean, reprit Marie-Louise, votreaccusation repose sur des preuves, sans doute, ou du moins sur desindices qui vous semblent probants, sur des observations que vousavez faites vous-mêmes ou que l’on vous a suggérées. Je suiscertaine que l’on vous a trompé, mon pauvre ami, que l’on a abuséde la surexcitation d’esprit ou vous étiez après votre arrestationpour vous raconter je ne sais quelle histoire que je vous prie deme dire. Je suis certaine, aussi, qu’un mot de moi suffira pourvous persuader.

– J’en doute ; mais dans tous lescas, je ne veux rien dire tant que monsieur de Terrenoire ne serapas ici. C’est en sa présence qu’il faut que cette explication aitlieu. Monsieur de Lignerolles, ne me refusez pas cette grâce !Ces tristes antécédents que vous croyez avoir relevés contre moiconstituent une sorte de preuve morale de culpabilité dans lemeurtre de Brignolet et le vol de la caisse. Je reconnais, commevous, que ces antécédents prouveraient, sinon le crime, du moinsque j’étais capable de le concevoir et de le commettre. J’ai donchâte de vous montrer que je ne suis pas l’homme que vous croyez. Ils’est passé dans mon ménage, avant que je fusse marié, uneabominable intrigue. Je n’en suis pas responsable, puisque je l’aitoujours ignorée, voilà ce qu’il faut que vous sachiez, monsieur deLignerolles. Quand votre conviction sera formée sur ce point, lereste de l’accusation tombera, de lui-même. Veuillez écouter maprière, Monsieur. C’est peut-être le seul moyen qui soit en monpouvoir de prouver mon innocence.

– Parlez, Guerrier.

– Ce ne serait pas outrepasser vos droitsque d’envoyer prier monsieur de Terrenoire de venir en votrecabinet. Il se peut que vous ayez besoin de renseignementscomplémentaires ; le prétexte à cette convocation est donctrouvé…

– Soit, demain donc…, fit le juge.

Guerrier eut un geste pour l’arrêter.

– Demain, il sera peut-être trop tard.Monsieur de Terrenoire sera prévenu et aura le temps d’inventerquelque histoire… Monsieur de Lignerolles, je vous en supplie, quene l’envoyez-vous chercher tout de suite ?…

Marie-Louise s’avança, et avec une grandedignité :

– Je joins mes prières à celles de monmari, dit-elle, et mon père se joint à moi pour vous supplier, luiaussi. Que monsieur de Terrenoire paraisse et que je sache au moinspourquoi l’on m’accuse.

M. de Lignerolles réfléchit uneseconde, griffonna quelques lignes et les tendit à son greffier,après lui avoir parlé à voix basse.

Le greffier sortit aussitôt.

Margival et Marie-Louise rentrèrent dans lecouloir qui précède les cabinets des juges d’instruction.

Une heure se passa.

M. de Terrenoire, qu’on n’avaitpoint trouvé chez lui, mais que l’on était allé rejoindre à laBourse, arriva enfin.

Quand il aperçut Marie-Louise et Margival, ilfit un geste d’étonnement et parut inquiet.

– Qu’y a-t-il et que faites-vouslà ? Marie-Louise, en le voyant, s’était mise à pleurer.

– Ah ! mon ami, mon bon ami,dit-elle si vous saviez ce dont on nous accuse… ce que prétendGuerrier !…

– Quoi donc ? De quoi peut-on vousaccuser ?

Mais ils n’eurent pas le temps d’en diredavantage. On les introduisit chez M. de Lignerolles.

En se trouvant en face de Guerrier, lebanquier eut une exclamation joyeuse et s’avançacordialement :

– Bonjour, cher enfant… Patience et nevous découragez pas… Nous finirons par montrer votre innocence. Etce sera bientôt, j’en suis certain.

Il restait les mains tendues.

Guerrier s’était reculé et détournait lesyeux.

– Qu’avez-vous ? Vous refusez de meserrer la main, à moi qui vous aime tant ?… Vous pouvezprendre cette main, mon ami, car je n’ai pas cru un seul instantque vous pouviez être coupable de ce meurtre et de ce vol…

La porte du cabinet était fermée ; lesgardes étaient sortis.

Il n’y avait plus là queM. de Lignerolles, Marie-Louise, le banquier, Margival etGuerrier.

Celui-ci, qui paraissait n’avoir pas saisi unmot de ce que venait de dire M. de Terrenoire, s’avançavers lui tout à coup, pâle, résolu :

– Monsieur, je suis heureux de vousentendre dire que vous êtes convaincu de mon innocence. Votreconviction pèsera d’un grand poids dans l’esprit de monsieur deLignerolles, je n’en doute pas. Mais il est en votre pouvoir deprouver ma probité en levant les doutes qu’a fait naître l’histoirede votre intimité avec monsieur Margival et sa fille.

– Que voulez-vous dire, mon cherenfant ?…

– Je veux dire, fit Guerrier avec force,que vous avez lâchement abusé de votre situation et de madépendance pour vous jouer de ma crédulité et de mon honnêteté…

– Jean ! que signifie…

– Je veux dire que vous étiez l’amant deMarie-Louise avant mon mariage… comme vous êtes demeuré son amantdepuis que je suis devenu son mari…

– Moi ! moi ! disait Terrenoireeffaré, ne trouvant pas un mot pour se défendre, tant l’émotionl’étranglait.

– Je veux dire que vous étiez son amant,et que pour assurer votre tranquillité, celle de votre maîtresse,pour sauver les apparences, pour éviter un scandale, peut-être pourassurer aussi la paix de votre ménage, vous me l’avez donnée pourfemme…

– Malheureux ! criait Margival en seprécipitant sur lui, les poings en avant comme pour lui fermer labouche, oses-tu avancer contre moi pareille calomnie !

– Contre vous, contre Marie-Louise,contre monsieur de Terrenoire, contre vous trois, car vous êtes desmisérables… Vous vous entendiez de longue date. Il vous fallait unedupe, une victime. C’est moi que vous avez choisi !…

Terrenoire disait à Marie-Louise :

– Pauvre chère enfant, pauvre doucecréature, qu’a-t-on pu lui dire pour qu’il nous croie aussiinfâmes !

– Oui, infâmes, répétait Jean Guerrierdans une exaltation si grande qu’elle touchait à la folie…Ah ! ne niez pas, je vous en préviens, ce seraitinutile !… Je sais tout !

« Vos relations avec Marie-Louise datentde plusieurs années déjà, et de tous ceux qui vous entourent, moiseul peut-être les ignorais.

Au lieu de se défendre, Terrenoire ne songeaitqu’à Marie-Louise.

– Ma pauvre enfant ! disait-il, dequelle odieuse duplicité il vous juge capable !…

– Trêve à vos hypocrisies !… Vous neconnaissiez pas Margival, vous ne connaissiez pas Marie-Louise.Tout à coup, cet homme et cette fille se trouvent sur votre chemin.La fille vous plaît : vous l’aimez. Le père s’en aperçoit etne vous éloigne pas. Il sait que vous êtes marié, et cependant ilne semble pas redouter cet amour. Il voit sa fortune faite. Vousêtes riche. Il est pauvre. Vous aimez sa fille. Ce n’est plus qu’unmarché. Les conditions de ce marché, sans doute, ont été vitedébattues. L’horrible chose ! Un père vendant safille !

– Qu’est-ce qu’il dit ? faisaitMargival, hébété.

Jean Guerrier reprenait, avec une violencecroissante :

– Ce marché conclu, il fallait conserverles apparences. Que fîtes-vous ? Vous auriez pu vousdébarrasser de Margival en le payant tout de suite, et d’un seulcoup. Margival accepta une place dans vos bureaux et sans aucunmotif reçut une augmentation rapide. Margival ne pouvait s’étonnerd’une pareille protection dont il connaissait le motif. Enfin,lorsqu’on jugea que le scandale allait devenir public – peut-êtrelorsqu’on s’aperçut – ô honte abominable ! – que Marie-Louiseétait enceinte, il fallait songer à lui chercher un mari !… Ilfallut cacher la faute ! !… Et ce fut sur moi que lechoix tomba ! Pourquoi ?… Parce que j’étais jeune, sansdéfiance, tout à mon travail, sans expérience de la vie. Ah !les lettres anonymes avaient raison, vous auriez pu, tous lestrois, m’expliquer pourquoi l’on me fuyait comme la peste. Jecomprends maintenant pourquoi vous paraissiez étonnés, à la lecturede ces lettres, misérables que vous êtes et sot que jesuis !

Une accusation de ce genre, arrivant àl’improviste, avait surpris à tel point M. de Terrenoire,l’avait si fort effrayé et bouleversé que, dans les premiersmoments, il écoutait sans rien trouver pour sa défense. Une anxiététerrible était peinte sur son visage.

– Mais défendez-vous ! défendez-vousdonc ! criait Jean, exaspéré, que la fureur aveuglait.

Et, en effet, cette attitude du banquier étaitbizarre.

Pourquoi ne lui répondait-il pas ?

Margival intervint, s’efforçant d’être desang-froid.

– Monsieur de Terrenoire se défendra,dit-il au juge, car il est des infamies contre lesquelles toute unevie de probité proteste : et celle que vous lui attribuez,comme à moi, est du nombre. Mais, puisque vous accusez, il faut quevous prouviez… Nous écoutons…

– Jean ! soupira Marie-Louise, jet’en supplie, reviens à toi, approche-toi de moi… viens mettre tesmains dans les miennes pour que je t’empêche de fuir et regarde-moide tout près dans les yeux afin d’y lire à ton aise le fond de mapensée. Viens, Jean, avant de parler… Oh ! nous verrons,ensuite, si tu oses m’accuser toujours !…

– Taisez-vous, dit Jean, etécoutez ! Vous avez payé au père le déshonneur de sa fille, enlui donnant dans votre banque un poste sans importance, dont vousavez plus que triplé les appointements. D’où venait donc cetintérêt manifesté, tout d’un coup, à un homme que vous neconnaissiez pas quelques jours auparavant ?…Répondez !…

Le banquier, de plus en plus pâle, setaisait.

– Ce n’est pas tout !… Margivalétait inscrit, pour ne pas exciter les soupçons, comme percevantles appointements de son prédécesseur. Je payais le surplus, quemonsieur de Terrenoire remboursait à la caisse.

Marie-Louise sanglotait.

Margival vint à Guerrier, troublé,tremblant :

– Cela est vrai, dit-il, mais pourquoi nepas attribuer à la générosité, au bon cœur de monsieur deTerrenoire ce que tu mets sur le compte d’une ignominie ?…

– Il est possible que, dans les premiersjours, vous ayez agi de bonne foi, mais par la suite ! D’oùvient l’intimité entre vous et monsieur de Terrenoire ? D’oùvient l’intimité de monsieur de Terrenoire et de votrefille ?… Il néglige son intérieur, il néglige ses amis, lecercle, le monde pour passer les soirées entre vous etMarie-Louise… Et vous estimez que cela est naturel ?… Lescadeaux commencent à affluer ; des bijoux, des bibelotsprécieux… dont la vente générale constituerait une fortune… Vous nevous y opposez pas, loin de là !… C’est un prix convenu, sansdoute !… Mais alors, vous vous apercevez que j’aimeMarie-Louise. Au lieu de me faire congédier par votre fille, voussemblez autoriser mon amour. Votre plan était conçu. Si quelquemalheur arrivait, si une grossesse se manifestait, on m’accorderaitla main de cette fille. Le mariage se bâclerait en quelques jours,avant que le scandale fût public. Et c’est bien ainsi, en effet,que les choses se sont passées !… Et je me croyais au combledu bonheur quand je roulais dans un abîme de boue !…Allez-vous affirmer encore que vous ignoriez ce qui s’estpassé ? que vous n’êtes pour rien, ni vous, ni votre fille,dans ces achats de bijoux que je croyais, que vous me disiez faux,pour la plupart ? dans ces achats de meubles, prétendusd’occasion, dont je ne payais pas le sixième de la valeur, et quemonsieur de Terrenoire allait acquitter derrière moi ?… Vousvoyez que je n’ignore plus rien ! Il est un peu tard,vraiment, pour être aussi bien renseigné !… Mais je ne trouvepas qu’il soit trop tard pour vous cracher au visage la colère etle dégoût que vous m’inspirez tous les trois !…

Quand il eut ainsi parlé, ce fut un silence.Une épouvante régnait là.

Seul, le juge, appuyé nonchalamment contre lefond de son fauteuil, les yeux demi-clos, gardait sa présenced’esprit, écoutait, regardait, ne perdant ni un mot, ni ungeste.

– Monsieur de Terrenoire, dit Margivald’une voix altérée, il y a dans les sanglantes injures de JeanGuerrier quelque chose que je ne comprends pas très bien et surquoi il est besoin que vous vous expliquiez ! Il y a là unmystère qui va nous paraître très simple, sans doute, après quenous aurons entendu monsieur de Terrenoire. Veuillez me répondre,Monsieur… Vous voyez en quelle angoisse nous sommes.

Le banquier gardait les yeux baissés. Il étaitsi pâle qu’on eût dit qu’il allait s’évanouir. Des frissons lesecouaient violemment.

– Que puis-je vous dire ?… Nevoyez-vous pas combien je suis attristé que de pareilles atrocitésaient pu trouver créance auprès de Jean Guerrier ?…

Et se tournant vers le caissier :

– Jean, vous que j’aime tant, que jedéfends depuis qu’on vous accuse !… Moi qui n’ai rien voulucroire de ce qu’on dit contre vous !… Comment avez-vous pucroire ce qu’on vous a dit contre moi !… Jean, que vous mefaites de peine !

Mais Guerrier restait sombre. Il n’écoutaitque sa jalousie, sa colère, sa rancune !…

Alors, s’adressant à Margival plusparticulièrement :

– Interrogez !… Que voulez-voussavoir ?

– N’avez-vous pas entendu ?… Est-ilvrai que vous ayez pris avec les fournisseurs de Guerrier lessinguliers arrangements dont il parlait ?

– Avec qui donc ? balbutiaTerrenoire, comme pour gagner du temps ; et regardantMarie-Louise avec désespoir.

– Je vais préciser, dit Guerrier. Avecmonsieur Bontemps, le bijoutier auquel vous avez payé plus dequarante mille francs de bijoux destinés à Marie-Louise… Avecmonsieur Letelliez, l’horloger, auquel vous avez payé huit cents etdouze cents francs des pendules que j’avais achetées deux et troiscents francs !… Avec monsieur Cormatin, le tapissier, auquelj’achetais, pour quatre à cinq mille francs, des meubles qui envalaient trente mille et dont vous soldiez la facture quelquesjours après. Les factures sont là, sur le bureau de monsieur deLignerolles. Elles ont été saisies chez moi, dans une perquisition.Et des experts ayant indiqué la véritable valeur de ce qui setrouvait à mon domicile – valeur que j’ignorais moi-même dans masimplicité – les marchands ont été consultés. Ce sont eux qui ontrévélé la vérité. Ne niez donc pas !

– Je ne nierai pas ! fit Terrenoire,accablé.

– Ainsi, tout cela est vrai ?

– C’est vrai !

Margival fit un brusque mouvement de stupeur.Quant à Guerrier, il semblait triompher.

– Ah ! vous avouez ! vousavouez enfin ! Achevez donc, puisque vous avez commencé, etfaites-nous l’histoire de vos amours… Tenez, je suis tout prêt à enrire, parole d’honneur ! Car j’ai été si bien trompé, quej’aurais, ma foi, mauvaise grâce à me fâcher !… Allons,monsieur de Terrenoire, contez-nous comment vous devîntes l’amantde ma fiancée et comment l’idée vous prit de me choisir pour sonmari.

Et il riait d’un rire éclatant où il y avaitquelque chose de funèbre.

Terrenoire avait entouré Marie-Louise de sesbras.

– Ne l’accusez pas, dit-il avecégarement, ne l’accusez pas, cette chaste et innocente enfant… Enl’accusant, c’est plus qu’un sacrilège que vouscommettez !

– De quel droit ladéfendez-vous ?

– Du droit qu’a tout honnête homme des’opposer à une injustice.

– Disculpez-vous donc et disculpez-la enmême temps.

Marie-Louise se dégagea de l’étreinte dubanquier.

– Mon mari a raison, dit-elle. Tout nousaccuse. J’ai accepté trop facilement vos cadeaux !… Voussembliez tant m’aimer et tant aimer mon père… Et ces cadeaux, vousétiez si joyeux de me les offrir !… Mais il y a dans votreconduite un mystère que je vous demande d’éclaircir… comme ledemandent mon père et mon mari… Pourquoi cette entente avec letapissier et les autres ?… Pourquoi avoir trompé mon mari surle prix de ces meubles, de ces bibelots, de ces œuvresd’art ?… Pourquoi ?…

Terrenoire ne répondit point.

– Vous vous taisez ? Vous ne trouvezpas un mot ?

Guerrier riait toujours.

Marie-Louise, tout près de Terrenoire, leregardait avec horreur.

Quant à Margival, comme si la lumière s’étaitfaite dans son esprit, il s’était approché de Guerrier,et :

– Mon pauvre enfant, murmurait-il, toutce que tu as dit est peut-être vrai – excepté cependant macomplicité dans cette honte !… J’ai été victime… comme toi…trompé, abusé, dupé, comme toi !… Aie pitié de moi !…Regarde-moi, et vois si je te mens !…

Guerrier détourna les yeux pour ne pointvoir !…

Cependant, Terrenoire balbutiait :

– Oui, je l’avoue, j’ai fait ce qu’on mereproche. J’ai eu tort. J’aurais dû agir avec franchise. Je n’aipas osé. J’aime Marie-Louise d’une affection pure où n’entre pasl’amour. J’ai été séduit par les grâces de cette enfant, par lecharme qui se dégage de sa personne. Mais m’accuser de l’avoirvoulu séduire ! De l’avoir achetée, elle, à son père, commeune vile marchandise !… M’accuser de l’avoir fait servir à mesplaisirs, elle !… C’est horrible, entendez-vous, horrible… Ilfaut que vous ayez l’âme bien perverse pour imaginer pareillemonstruosité !… Qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’on se prenned’amitié pour une fille comme Marie-Louise ?… Et pouvais-jelui témoigner mon amitié autrement que je l’ai fait ?…Margival était pauvre… il n’eût rien accepté de moi directement.J’ai eu recours à la ruse. Je voulais peu à peu, et sans quepersonne s’en doutât, constituer une petite fortune à Marie-Louise.Et mon entente avec Bontemps, Cormatin et les autres n’a pasd’autre raison ! J’ai eu tort, je le vois, puisque tous cesactes ont pu donner naissance à ces bruits injurieux… j’ai eutort…

– Certes, dit Margival, j’étais trahi parvous, qui, sous prétexte de me rendre service, abusiez de maconfiance. J’étais trahi par ma fille… ma fille que j’avais élevéeavec tant de soin… et qui est tombée si bas !… Quelle épreuvepour ma vieillesse ! Et combien peu je la méritais !

– Mon père, dit Marie-Louise, je vous enconjure, si vous ne voulez pas me faire mourir de douleur, sous vosyeux, ne me croyez pas coupable !

– Hélas ! murmura Margival, jevoudrais bien ne pas croire !… Le puis-je ?…

Marie-Louise voyant qu’elle ne convaincraitpas son père, voyant que Jean Guerrier, blême, l’œil brillant defièvre l’accusait encore, Marie-Louise, dans un élan de colère etde douleur, se précipita vers M. de Terrenoire :

– Mais parlez, vous, Monsieur, parlezdonc ! Puisque c’est vous et moi que l’on accuse… Vous savezmieux que tous, que je suis innocente… Moi, je proclame que vousn’êtes pas coupable, que ma confiance n’a pas diminué… que jamaisvous ne m’avez témoigné qu’une affection dont je pouvais être etdont je suis encore fière !… Mais défendez-moi donc !…Vous vous taisez, comme si vous ne trouviez rien… comme si toutcela était vrai !…

Et Terrenoire, la tête basse :

– J’ai dit tout ce que je pouvais…Pourquoi ne pas me croire ?… Je n’ai pas d’autres explicationsà donner !

Marie-Louise se fit plus pressante ; sacolère augmentait avec ses instances, en même temps que larésistance inattendue de Terrenoire l’effrayait :

– Nous devinons tous, d’instinct, qu’il ya un secret que vous nous cachez – et comment ne ledevinerait-on ? Votre trouble, votre pâleur, vous trahissent.C’est ce secret qu’il importe à notre honneur que vous nous fassiezconnaître sur-le-champ.

Le banquier, obstinément,balbutiait :

– Il n’y a d’autre secret que celui de matrop grande affection pour vous.

Marie-Louise se mit à genoux.

– Monsieur de Terrenoire, en voustaisant, vous nous déshonorez. C’est notre malheur que vousconsommez ! Qu’avons-nous fait, de quoi sommes-nous coupables,pour que vous laissiez retomber sur nous cette honte ?

Le banquier détourna les yeux. Mais ses lèvresrestèrent closes, comme si quelque secret mortel les eûtcadenassées.

Margival mêlait ses prières à celles de safille. Seul Guerrier, comme le juge, souriait ironiquement nevoulant pas prier. Et le banquier s’entêtait dans son silence.

Margival s’approcha deM. de Lignerolles.

– Monsieur, dit-il, nous vous demandonsla permission de nous retirer. Nous n’avons plus rien à faire ici.Demeurer plus longtemps serait nous infliger un suppliceinutile.

Le juge d’instruction inclina la tête en signed’adhésion.

Margival et Marie-Louise partirent.

Terrenoire, abîmé dans ses réflexions, lesyeux obstinément fixés à terre, ne s’était même pas aperçu qu’ilrestait seul avec Guerrier et le juge.

Ce fut celui-ci qui le tira de ce rêve.

– Monsieur de Terrenoire, vous êteslibre ! dit-il.

Le banquier releva les yeux, et soudain, avecchaleur :

– Ah ! Monsieur, je vous jure qu’ilssont innocents et moi aussi des infamies qu’on nousreproche !… Jean, mon fils, croyez-vous vraiment que je suisl’amant de votre femme ? vous que j’aime autantqu’elle ?

Et Guerrier, sombre, haineux :

– Je le crois !

Terrenoire semblait hésiter. On eût dit qu’ilallait parler, avouer enfin un secret qu’il cachait, le secret desa conduite, sans doute… Mais il se tut et, sans saluer, sortitlentement.

Cinq minutes après, deux gardes de Parisemmenaient Jean Guerrier au dépôt.

Et, seul dans son cabinet, le juged’instruction resta pensif et soucieux. Des réflexions, graves,traversaient son esprit. Et ces réflexions, il les traduisit d’unmot, qu’il laissa échapper tout haut, malgré lui :

– Où est la vérité ?

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