La Revanche de Roger-La-Honte – T1

Chapitre 7

 

 

À Maison-Blanche, Laroque attendait Suzanne etcommençait à s’inquiéter.

Il ne se trouvait pas seul. Un ancien amiétait venu voir cet homme qui vivait en proscrit dans son proprepays. On a deviné qui : Jean Guerrier.

L’excellent garçon, étonné de ne pas recevoirde nouvelles de son ancien patron, n’avait pu y tenir. Sansattendre la permission, il accourait à Maison-Blanche. Ses premiersmots furent :

– Y a-t-il du nouveau ?

Laroque répondit par un signe de tête où sevoyait la désespérance.

– Avez-vous fait des démarches ?demanda le jeune homme.

– Plus que tu ne saurais croire. Je nepuis malheureusement m’adjoindre encore aucun de ces policiershabiles qui, étant bien payés, savent débrouiller les mystères.J’aurais peur d’être dénoncé et de retomber dans les griffes d’unejustice qu’il ne m’est pas permis d’éclairer davantage qu’aupremier jour. On ne verrait en moi qu’un forçat évadé, un audacieuxfaussaire. Sous le masque de William Farney, on se refuserait àvoir la victime d’une erreur judiciaire, l’homme qui n’a voulu etatteint la fortune que pour être en mesure de se disculper.

– Pourquoi ne m’employez-vouspas ?

– Cela viendra. Commence d’abord parassurer ton bonheur. Où en es-tu de tes amours ?

– Je touche au port.

– Ah ! tant mieux, mon enfant !Il n’y a de bonheur réel que dans une union bien consentie de partet d’autre.

Guerrier rougit.

Laroque mit un doigt sur les lèvres, et d’unton rempli de tendresse inquiète se permit cettequestion :

– Et la comtesse ?

– La comtesse ?… fit-il ; jen’y pense plus.

– Oui, mais es-tu bien sûr qu’elle nepense plus à toi ?

– Oh ! cela, je n’en répondrais pas.J’ai surpris dans ses yeux des éclairs…

– Qui annoncent l’orage. Je connais cela,ajouta Laroque, sans songer qu’il trahissait une pensée intime.

Guerrier le remarqua ; mais il avaitl’esprit trop préoccupé pour s’arrêter à une impression aussifugitive.

– Monsieur Laroque, dit Guerrier,apprenez que monsieur Margival, le père de Marie-Louise, mabien-aimée, vient de m’annoncer que son bienfaiteur, le comte deTerrenoire, aurait à me faire une communication intéressant monavenir. Cette nouvelle coïncide d’ailleurs avec une autre qu’unheureux hasard a portée à ma connaissance : mademoiselle Dianeva enfin épouser monsieur Robert de Vaunoise.

– Ton entrevue avec le comte, quandespères-tu l’avoir ?

– Demain, sans doute. Demain, mardi. Lecomte donne, samedi, une grande soirée dans son hôtel de la rue deChanaleilles, je danserai avec Marie-Louise qui sera ma fiancée. Jeverrai bien si madame de Terrenoire, avertie de mon prochainmariage, aura oublié ses menaces.

– Tu verras bien… tu ne verras rien.Est-ce qu’on voit quelque chose quand on aime ? Un seul hommepourrait apprécier sûrement l’état d’esprit de cette folle.

– Qui ?

– Moi.

– Vous ! Vous viendriez à cettesoirée ! Si on allait vous reconnaître !

– On ne me reconnaîtra pas. Regarde moibien : ne suis-je pas méconnaissable ? Tu ne remarquesmême pas avec quel art je me suis débarrassé des gestes quim’étaient familiers et qui t’ont fait dire à première vue :« Voici Roger Laroque ! »

Jean dut constater la vérité de cetteassertion. Il n’y avait plus rien de Roger Laroque en WilliamFarney.

– Mais comment vous faire assister àcette soirée ? demanda Guerrier avec embarras.

– La belle difficulté ! En m’yfaisant inviter. Qui dressera la liste des invitations, qui enverrales lettres ? Toi, sans doute ?

– En effet, j’ai rendez-vous demain matinavec le comte à ce sujet. Nous devrons prendre toutes lesmesures.

– Demain, à une heure de l’après-midi, jeserai chez toi. Tu me feras voir la liste.

– Pourquoi ?

– J’ai mon idée. Je te la dirai demain.Sur ce, je te remercie d’être venu jusqu’ici, mais je préfère quetu ne t’attardes pas davantage…

– Cependant…

– Oui, je comprends, tu aurais bien voulurevoir Suzanne. Eh bien, je préfère que nous attendions. Qui saitsi ta vue ne réveillerait pas en elle les souvenirs endormis ?Soyons prudents, tant que nous serons encore aussi loin du but.

Jean Guerrier poussa un gros soupir, serraavec effusion les mains de son vieil ami et se retira en luidisant :

– À demain.

– À demain, heureux gaillard, répétaLaroque.

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