Le Dernier mot de Rocambole – Tome IV

Chapitre 10

 

Partout où les Anglais sont, on retrouve lesmœurs anglaises, les usages anglais et jusques aux constructionsanglaises.

Calcutta a de certains quartiers quirappellent Londres, et, jusque dans la ville noire, c’est-à-dire laville indigène, le génie britannique a posé sa large griffe.

Ainsi, on a creusé des égouts sous les rues,et un large bassin de carénage traverse la ville du sud au nord,formant comme un port intérieur.

Ce bassin reçoit en même temps les immondicesdes égouts par des canaux souterrains qui viennent aboutir à fleurd’eau pendant la marée basse et dont la haute mer recouvrel’orifice.

Nadir savait cela sans doute.

Il marchait le premier dans ce souterrain quis’ouvrait devant nous, et il m’avait pris des mains la lampe qu’ilportait en avant de façon à éclairer notre route.

Le souterrain était assez haut de voûte pourque nous ne fussions pas obligés de nous baisser, mais trop étroitpour que nous puissions marcher tous les deux de front.

Nadir me dit :

– Je parie que nous allons trouver unégout.

– Comment, lui dis-je, il y en a sous laville noire ?

– Sans doute.

– Où aboutissent-ils ?

– Au bassin de carénage.

Le souterrain suivait un plan incliné ettournait légèrement sur lui-même.

Au bout d’une vingtaine de pas, Nadir s’arrêtaet posa la lampe à terre.

– Que faites-vous ? lui dis-je.

– Tu vas voir.

Nadir, comme tous les Indiens, avait toujourssur lui un lasso.

Les Fils de Sivah ne dédaignent pasd’étrangler, à leur heure, ni plus ni moins que les Thugs, leursennemis.

Le lasso de Nadir, qu’il portait roulé autourde sa poitrine, était long d’une quarantaine de mètres et composéde trois cordes superposées et tressées ensemble.

Ces cordes, dédoublées, donnaient donc unelongueur d’environ cent vingt pieds.

Nadir se mit à les défaire et de son lasso,qui avait l’épaisseur du doigt, il fit une corde aussi mince qu’unemèche de fouet.

Après quoi, il en fixa une extrémité au manchede son poignard.

– Les égouts, me dit-il, ont desramifications infinies et il se peut faire que nous rencontrionsplusieurs voies.

Force nous est donc d’avoir un filconducteur.

– Vous avez raison, répondis-je.

Nous nous remîmes en route, et bientôt nousatteignîmes un escalier qui s’enfonçait sous terre.

Nadir portait toujours sa corde enroulée aubout de son poignard.

– Tant que nous ne trouverons pas debifurcation, me dit-il, le fil conducteur nous sera inutile.

L’escalier avait une trentaine de marches.

Lorsque nous eûmes atteint la dernière, nousnous retrouvâmes à l’entrée d’un nouveau boyau souterrain.

Alors, prêtant l’oreille, nous entendîmes unmurmure sourd au-dessus de nos têtes.

– Sais-tu où nous sommes ? me ditNadir.

– Non.

– Nous sommes sous le bassin decarénage.

Nous avançâmes encore, et bientôt, nous vîmesque le chemin se bifurquait.

Alors, Nadir planta son poignard en terre etil se mit à dérouler sa corde et nous nous engageâmes dans l’unedes deux voies nouvelles qui s’ouvraient devant nous.

La corde se déroulait lentement et nousavancions toujours.

Le bruit devenait plus strident au-dessus denos têtes et une légère humidité régnait sous nos pieds, en mêmetemps que les parois du souterrain laissaient suinter quelquesgouttes d’eau.

Je passai mon doigt dessus et je le portaiensuite à mes lèvres.

Cette eau était salée.

– Tu as raison, dis-je à Nadir.

Déjà la corde était usée aux trois quarts,lorsque nous trouvâmes un nouvel escalier.

Celui-là ne descendait pas ; ilremontait.

En même temps, le bruit sourd, qui n’étaitautre que celui des vagues et qui, tout à l’heure, était au-dessusde nos têtes, se faisait maintenant entendre derrière nous.

Évidemment, nous étions parvenus sous la riveopposée.

Nous gravîmes l’escalier.

La corde nous accompagna jusqu’à la dernièremarche.

Là, nous nous trouvâmes dans une sorte dechambre assez spacieuse, mais dont nous touchions la voûte avec lamain.

Un autre bruit se fit au-dessus de nostêtes.

C’était celui d’un pas humain.

Cependant, la chambre était sans issue.

– Il est impossible que le chemin quenous avons suivi, me dit Nadir, ne mène pas plus loin.

Et il se prit à écouter.

Au bruit de pas se mêlait un bruit confus devoix qui nous arrivait à travers la voûte.

Alors Nadir me dit :

– Je vais monter sur tes épaules,prête-moi ton poignard.

Je le lui donnai et, me courbant, je le prissur mon dos.

Nadir, avec le manche du poignard, attaqua lavoûte qui était en maçonnerie et scellée au ciment.

Le ciment se détacha par fragments, et bientôtNadir poussa un soupir de satisfaction.

Au lieu de la pierre, son poignard avaitrencontré du bois et le ciment en tombant avait découvert unetrappe hermétiquement fermée.

– Voilà le passage que nous cherchions,me dit-il.

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