Le Dernier mot de Rocambole – Tome IV

Chapitre 7

 

Deux jours après nous étions à Calcutta. Entraitant son baume de merveilleux, Nadir n’avait point menti.

Mes blessures étaient cicatrisées et je nesouffrais presque plus.

Le sentiment du devoir à remplir avaitpeut-être aussi, en me rendant toute mon énergie, hâté maguérison.

Nadir me dit, comme nous franchissions lesportes de la ville :

– Je ne te quitterai pas ; et tupeux être certain que, moi à tes côtés, Tippo-Runo, si puissantqu’il soit, ne pourra rien contre toi.

– Je te crois, lui dis-je ; carj’avais en lui une confiance sans bornes.

– Où veux-tu aller ? me dit-ilencore.

– Chez Hassan le tailleur.

– Bien, me dit-il, allons !

Et nous nous dirigeâmes vers la villenoire.

Bientôt nous arrivâmes dans la rue habitée parle vieux tailleur et j’eus un frisson d’espoir en le voyant assiscomme à l’ordinaire, sur le seuil de la porte.

On lui aura présenté la bague d’Osmany, medis-je, mais il avait compris mon signe, et il n’aura rien voulurévéler.

Je m’approchai.

Hassan leva la tête et me regarda d’un airindifférent.

– Ne me reconnais-tu donc pas ? luidis-je.

Il secoua la tête et continua à me regarderavec une sorte d’hébétement.

– C’est moi qui suis déjà venu,continuai-je.

– Je ne sais pas, fit-il.

– De la part d’Osmany.

Ce nom le fit tressaillir.

Puis un large sourire épanouit ses lèvres etil leva une main vers le ciel. Ceci voulait dire :

– Osmany est mort… il est làhaut !

– Cet homme est fou, me dit Nadir.

Une jeune fille qui était au seuil de lamaison voisine s’approcha de nous.

– Est-ce que vous êtes les parents ou lesamis de ce pauvre homme ? nous demanda-t-elle.

– Oui, répondit Nadir.

– Vous ne savez donc pas ce qui lui estarrivé ?

– Hélas ! non, dis-je à montour.

– Je vais vous le dire, moi, reprit lajeune fille.

Avant-hier soir, comme la nuit était venue,une troupe de soldats a cerné la maison.

Hassan étonné est sorti.

Les soldats se sont emparés de lui. En mêmetemps celui qui les commandait lui a montré une bague qu’il avaitau doigt.

Hassan a regardé la bague avec étonnement et adit qu’il ne savait pas ce que cela signifiait.

Alors les soldats sont entrés dans la maisonet s’y sont enfermés avec lui.

Hassan s’est mis à crier.

Nous tous, les voisins, accourus au seuil denos portes, nous l’entendions qui disait :

– « Je suis un pauvre tailleur… jen’ai jamais eu de trésors… je ne sais pas ce que vous voulezdire…

Et les soldats répondaient :

– Si tu ne parles pas, tumourras !

– Tuez-moi donc tout de suite, au lieu deme faire souffrir, disait-il d’une voix lamentable. Mahomet, quandje serai mort, m’ouvrira les portes du paradis, car je suis unfidèle croyant.

Mais au lieu de le tuer, les soldats ontallumé un si grand feu que la maison flamboyait par toutes lesouvertures.

Alors Hassan a crié plus fort, puis il s’estmis à chanter, preuve que le délire s’était emparé de lui.

Les soldats, sur l’ordre de leur chef, avaientmis ses jambes à nu et exposé ses pieds à la flamme du brasierqu’ils venaient d’allumer.

Quand il a été à demi mort, ils ont fouillé lamaison de fond en comble, poursuivit la jeune fille.

Mais il paraît qu’ils n’ont pas trouvé detrésors.

À ces derniers mots de la jeune fille, jerespirai bruyamment.

– Mais, lui dis-je, Hassan avait unfils.

– Oui.

– Qu’est-il devenu ?

– Les soldats l’ont emmené, et personnene l’a revu depuis lors.

– Misérable Tippo-Runo ! murmurai-jeà l’oreille de Nadir.

– À moins qu’il ne l’ait tué, me ditNadir, nous le retrouverons.

Nous remerciâmes la jeune fille ; puis jepénétrai dans la maison en faisant signe à Nadir de me suivre.

Hassan, nous voyant entrer, témoigna unegrande inquiétude.

Il se leva pour nous barrer le passage.

Mais il retomba presque aussitôt en poussantun cri de douleur.

Ses pieds brûlés n’étaient plus qu’une plaieet refusaient de supporter le poids de son corps.

Je le pris dans mes bras et je l’emportai.

Puis, sur un nouveau signe de moi, Nadir fermala porte.

Hassan nous contemplait avec effroi.

On descendait dans la cave où se trouvait lacachette mystérieuse, en soulevant une trappe.

J’introduisis mon poignard dans la fente quiexistait entre cette trappe et le plancher, et je la soulevai.

Alors Hassan se mit à rire, passant subitementde l’effroi à une hilarité bruyante.

Nadir alluma une lampe, et nous nousengageâmes dans l’escalier souterrain.

Hassan s’était traîné au bord de la trappe etcontinuait à rire.

Nous descendîmes dans la cave.

Là, une rapide inspection me donna la preuveque la pierre qui cachait la serrure du coffre de fer n’avait pasété déplacée.

Les soldats de Tippo n’avaient point découvertle coffre.

Alors je remontai, et comme Hassan riaittoujours, je me jetai sur lui, lui arrachai son cafetan, et visavec joie que la clef était toujours suspendue à son cou.

Il se débattit, mais je lui arrachai cetteclef et je rejoignis Nadir.

Alors nous descellâmes la pierre et nous mîmesle secret à découvert.

Puis j’introduisis la clef dedans.

Mais j’eus beau la tourner et la retournerdans tous les sens.

La serrure ne s’ouvrit pas…

Hassan seul en connaissait le secret, – etHassan était fou !

Je regardai Nadir d’un air désespéré.

– Aie confiance ! me dit-il, onm’appelle Nadir le Trouveur !

Et il eut un sourire qui ranima mon espoirébranlé.

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