Le Dernier mot de Rocambole – Tome IV

Chapitre 22

 

Le premier moment de stupeur passé, Nadir etmoi nous nous regardâmes, cherchant à nous rendre compte de ce quiétait arrivé.

La cachette était entièrement vide.

Mais qui donc avait volé le trésor ?

Nadir me disait :

– Je suis sûr de la fidélité deKoureb : or, Koureb a disparu. Comment a-t-on deviné sonsecret ?

Voilà ce que nous ne saurons que lorsque nousapprendrons ce qu’il est devenu.

La porte de fer était fermée.

L’ouvrir ou la briser était choseimpossible.

Nous revînmes donc sur nos pas ; et aubout d’une demi-heure de marche nous remontions dans la pagode.

La lampe à la main, Nadir en fit le tour.

Il sonda les coins et les recoins et acquit laconviction que Koureb n’y était pas.

Nous sortîmes.

La pagode était située dans un endroit assezisolé. Les quelques maisons qui l’entouraient étaient des cabanesde bambous habitées par des Indiens, la plupart Mahométans et ne sesouciant point par conséquent du culte de Sivah.

L’Indien dort une partie du jour : aussila nuit veille-t-il volontiers.

Nadir frappa à la porte de la maison qui setrouvait juste vis-à-vis de celle de la pagode, et elle s’ouvritpresque aussitôt.

Un vieillard parut et demanda ce qu’on luivoulait.

– De quelle religion es-tu ? luidemanda Nadir.

– Je crois à Dieu et à son prophète,répondit-il.

– Mais tu connais Koureb ?

– Voici vingt ans que nous noussouhaitons longue vie tous les jours. Les hommes doivent s’aimerentre eux.

– Eh bien ! sais-tu où ilest ?

– Je l’ai vu aujourd’hui pour la dernièrefois avant le coucher du soleil.

– Ah !

– Il était entré dans la pagode avec unhomme aussi vieux que moi et que j’ai parfaitement reconnu pour letailleur Hassan.

Je l’ai vu ressortir seul…

– Hassan est donc resté dans lapagode ?

– Oui.

– Et où est allé Koureb ?

– Je ne sais pas, mais il paraissait trèsagité.

Nadir me regarda :

– Il est évident, me dit-il, que Koureb,en ce moment-là, accourait chez moi me dire qu’il avait perdu monamulette.

– Je le crois, comme vous.

– Et, continua Nadir, s’adressant auvieillard, n’as-tu vu personne entrer dans la pagode ?

– Oh ! si, vers les dix heures dusoir, plusieurs hommes qui m’ont paru être des sectateurs de Sivahsont venus et sont entrés.

Puis ils ont refermé la porte, et puis après,ils ont éteint la lampe.

– Et combien de temps ces hommes sont-ilsrestés ?

– Mais, fit le vieillard avec étonnement,ils doivent y être encore.

– Tu ne les as pas vu sortir ?

– Non.

– C’est bizarre ! me dit Nadir.Cependant, je crois deviner.

– Ah !

– Tu sais que le souterrain se bifurquede l’autre côté du canal ?

– Oui.

– Eh bien ! les ravisseurs sontentrés par la pagode et s’en sont allés par l’autre voiesouterraine.

– Tout cela, observai-je, ne nous dit pasce que sont devenus Hassan et Koureb ?

– Hassan devait être ivre encore. Ilsl’auront emporté sur leurs épaules.

– Et Koureb ?

– Nous retrouverons certainement sestraces dans la maison de Hassan.

Et, quittant le vieillard après lui avoir misune pièce de monnaie dans la main, Nadir m’entraîna loin de lapagode.

Nous repassâmes le bassin de carénage et nousnous dirigeâmes vers la maison du tailleur.

Le jour commençait à poindre et la populationde la ville noire se répandait dans les rues.

Nous retrouvâmes la jeune fille à qui,l’avant-veille, nous avions confié la clef de la maison.

– Je n’ai plus cette clef, nousdit-elle.

– À qui l’avez-vous remise ?

– À un vieillard qui est venu de votrepart.

– Il est entré dans la maison ?

– Oui.

– En est-il ressorti ?

– Non.

Le mystère se compliquait.

– Mais, ajouta la jeune fille, plusieurshommes sont venus peu après ?

– Et ces hommes ?

– Il m’a semblé reconnaître parmi euxcelui qui commandait aux soldats qui ont emmené le fils deHassan.

– Bon ! fit Nadir. Tippo-Runo, sansdoute.

– Ils ont frappé à la porte et levieillard leur a ouvert.

Un peu plus d’une heure après, acheva la jeunefille, ils sont ressortis et ont pris le chemin du canal.

– Et le vieillard ?

– Il est toujours dans la maison.

Nous frappâmes, la porte demeura close, maisnous entendîmes derrière, un ronflement sonore.

Nadir, je l’ai dit, était d’une forceherculéenne. D’un coup d’épaule, il jeta cette porte par terre.

Nous aperçûmes alors Koureb étendu sur le solet dormant.

Auprès de lui était la tasse qui avait contenule breuvage que Nadir avait composé pour arracher à Hassan sonsecret.

Cette tasse dont Hassan n’avait bu qu’unepartie du contenu était vide maintenant.

Et nous comprîmes tout, dès lors, Nadir etmoi.

Tandis qu’il cherchait son amulette, Koureb,tourmenté par la soif, avait vidé la tasse et subi tout aussitôt lapernicieuse influence du breuvage.

Les gens de Tippo-Runo et Tippo peut-êtrelui-même, qui surveillaient activement la maison du tailleur, s’yétaient alors introduits et Koureb, qui n’était plus maître de saraison, leur avait livré son secret.

Nadir me dit :

– Rien n’est désespéré encore. Et, àmoins que Tippo-Runo n’ait quitté l’Inde, il rendra letrésor !

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