Le Dernier mot de Rocambole – Tome IV

Chapitre 11

 

Nadir sauta alors de mes épaules sur lesol.

– Réfléchissons un moment, medit-il ; voilà une issue, c’est vrai. En montant de nouveausur tes épaules et en donnant une forte secousse, je soulèveraicertainement cette trappe.

Mais où donne-t-elle ?

Nous entendons des voix au-dessus de notretête et ces voix sont nombreuses.

Au milieu de qui allons-nousapparaître ?

– Voilà ce que je ne sais pas,répondis-je.

Cependant… Il me regarda.

– Parle, dit-il.

– Il n’y a pas un mois que le rajahOsmany est mort, lui dis-je.

– Bien.

– Jusqu’au dernier jour de sa puissance,se défiant toujours des Anglais, il a grossi ce trésor que nousavons découvert.

– Eh bien ! fit Nadir.

– Il est probable, continuai-je, en nousreportant à cette porte mystérieuse et à ce boyau souterrain quenous venons de suivre, que c’est par ici que les épargnes du rajahpassaient.

– Je le crois aussi.

– Par conséquent, les gens qui parlentau-dessus de nous sont des hommes dévoués au rajah.

– Je ne dis pas non, dit Nadir, maiscomment leur prouver que, nous aussi, nous étions investis de laconfiance d’Osmany ?

– Hélas ! murmurai-je, on m’a voléson anneau.

– D’un autre côté, poursuivit Nadir,as-tu réfléchi à une chose ?

– Laquelle ?

– C’est que nous pouvions être certains,il y a dix minutes, que les trésors du rajah avaient suivi la routeque nous parcourons.

– Ceci est hors de doute.

– Mais nous n’en sommes plus sûrs àprésent.

– Pourquoi ?

– Parce que le chemin s’estbifurqué ; et que ce peut-être aussi bien l’autre route quecelle-ci qu’on faisait prendre aux trésors du rajah.

– Vous avez raison, répondis-je. Ehbien ! que faire ?

Nadir réfléchit un moment encore :

– Je sais qui tu es, me dit-il, et tespreuves de bravoure sont faites, deux hommes comme nous doiventpouvoir tenir tête à des ennemis nombreux. Je suis décidé.

– À soulever la trappe ?

– Oui. Mais il me faut mon poignard, jevais le chercher.

Et Nadir regagna l’escalier, laissant à terrenotre fil conducteur.

Tandis que je l’attendais, les voix et les pascontinuaient à se faire entendre au-dessus de ma tête.

Quelques mots parvinrent même jusqu’à moi, àtravers l’épaisseur de la voûte.

Ces mots prononcés distinctement auraient dûéveiller en moi un sentiment d’intelligence.

Je sais l’anglais et toutes les langues del’Europe, je comprends parfaitement l’indien dans ses dialectes lesplus variés.

Cependant les mots qui me parvinrent furentinintelligibles pour moi.

Quand Nadir fut de retour, je lui fis part demon observation.

Nadir avait laissé la corde étendue sur lesol, dans toute sa longueur, se bornant à reprendre sonpoignard.

Nous n’avions donc, pour revenir sur nos pas,qu’à suivre cette corde.

– Oh ! me dit le chef des Filsde Sivah, tu ne comprends pas ce qu’on dit ?

– Non.

– Voyons, si je serai plus heureux quetoi.

Et de nouveau, il monta sur mes épaules.

Puis il appuya son oreille contre la trappe etattendit.

Au bout d’un moment il me dit avec un visagerayonnant.

– Ce sont des amis qui parlent.

– Et qui donc ?

– Des Fils de Sivah.

– Comment lesavez-vous ?

– Ils parlent notre langue mystique,celle que le vulgaire ne saurait comprendre.

– En vérité !

– Évidemment, continua Nadir, nous sommesau dessous d’un temple ou d’une pagode, et c’est l’heure de laprière.

– Alors nous pouvons soulever latrappe ?

– Non, pas encore.

– Pourquoi ?

– Parce qu’il vaut mieux attendre que lesprières soient finies, et que les adorateurs de Sivah soientpartis.

– Bien, répondis-je, attendons.

Et, pour la seconde fois, je le laissaiglisser à terre.

Nadir visita alors la lampe que nous avionsapportée avec nous.

Elle était pleine d’huile aux trois quarts etpromettait de brûler plus d’une heure encore.

L’Indien, qui trouvait inutile de se fatiguer,se coucha sur le sol.

Les voix étaient de plus en plus confuses, etbientôt ; il nous sembla qu’elles étaient moinsnombreuses.

– Les adorateurs de Sivah s’en vont, medit Nadir.

– Alors la prière est finie ?

– Oui. Tout à l’heure nous allonsentendre la voix du prêtre qui dit : – Allez-vous-en !Sivah est satisfait.

En effet, peu après, une voix plus forte, plusaccentuée, murmura quelques paroles qui arrivèrent distinctement àl’oreille de Nadir.

– C’est fini, me dit-il. Àl’œuvre !

Et, remontant sur moi, il s’arcbouta, et d’unviolent, coup d’épaule, il souleva la trappe.

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