Le Dernier mot de Rocambole – Tome IV

Chapitre 24

 

Le chemin que me fit prendre Nadir était unétroit corridor pratiqué dans l’épaisseur du mur et qui aboutissaità un escalier tournant.

Tandis que nous marchions, Nadir medit :

– Je n’ai pas eu le temps de redevenirsir Arthur Goldery, c’est pour cela que tu me vois revenir par cepassage que mes gens ne connaissent pas, et dont j’ai seul laclé.

Au bas de l’escalier nous trouvâmes le jardinet une allée de magnolias et de lotus gigantesques qui conduisait àune petite porte pratiquée dans le mur de clôture.

Nadir ouvrit cette porte et nous noustrouvâmes dans une rue de la ville blanche.

Là, Nadir s’arrêta un moment.

– Tippo s’embarque demain, me dit-il.

Je ne pus me défendre d’un tressaillement.

– Te rappelles-tu, poursuivit l’Indien,que la route souterraine qui conduit de la maison d’Hassan à lapagode se bifurque à un certain endroit ?

– Certainement, répondis-je.

– Celle que nous n’avons pas suivieaboutit au bassin de carénage, et se termine par une ouverturepercée à fleur d’eau.

C’est par là que les trésors du rajah Osmanysont sortis.

– Et où sont-ils maintenant ?

– À bord d’un brick de commerce qui alongtemps fait la contrebande et dont la cale a un double fond.

– Et c’est demain qu’il part ?

– Oui, mais d’ici à demain…

Un sourire vint aux lèvres de Nadir.

– Viens toujours, me dit-il, tuverras…

Et il m’emmena vers la ville noire, dans leschoultry où, d’ordinaire, il quittait ses habits de gentleman pourredevenir Indien.

Là, il donna quelques ordres mystérieux et lemaître du schoultry me fit signe de le suivre.

Il me conduisit dans la pièce la plus sombrede sa maison et étala devant moi des vêtements que je reconnussur-le-champ pour être ceux d’un matelot malais.

Les Malais sont d’excellents marins et lesbâtiments de commerce les emploient de préférence aux matelotsindiens.

Seulement, et en dépit du soleil de l’Inde quim’avait bruni, j’étais trop blanc encore pour pouvoir passer pourun Malais.

Mais l’hôte du schoultry m’apporta un petitbassin de cuivre dans lequel se trouvait un liquide noirâtre.

Et lorsque je fus tout nu, il se mit àm’éponger avec ce liquide, et soudain ma peau prit une belle teinted’un brun acajou et devint luisante et lustrée comme une vraie peaude Malais.

Moins d’un quart d’heure après, revêtu dupantalon rayé, de la veste brune et du large chapeau de paille quele maître du schoultry m’avait donnés, je redescendais avec luidans la grande salle, en plein air, où se réunissaient les buveursde thé et les fumeurs d’opium.

Quand je l’avais quittée, elle était presquevide.

Maintenant, il s’y trouvait bien une trentained’hommes, parmi lesquels une demi-douzaine de Malais vêtus commemoi.

D’abord, je ne vis pas Nadir et je crus qu’ilétait parti. Mais un des Malais se mit à rire en me regardant, etje tressaillis sur-le-champ.

Ce Malais, c’était lui.

La même métamorphose s’était opérée chezNadir.

J’allai m’asseoir auprès de lui, et-il sepencha à mon oreille :

– Tout cela t’étonne beaucoup, n’est-cepas ? me dit-il.

– En effet, répondis-je. Et je ne saispourquoi…

– Nous sommes vêtus tous deux enMalais ?

– Précisément.

– Je vais te le dire. L’équipage dunavire de commerce sur lequel Tippo va s’embarquer, n’est pascomplet.

– Ah !

– Le capitaine, qui est un vieil Anglaistrès dur au service et très âpre à l’argent, ne dédaigne point lesMalais, parce qu’ils sont meilleurs matelots que les Indiens etqu’on les paye moins cher.

– Fort bien.

– Il va venir ici et nous embaucheratous.

– Comment, tous ?

Nadir me montra tous ceux qui étaient vêtuscomme nous.

– Eh bien ? demandai-je, qu’est-ceque ces hommes ?

– Des gens qui me sont dévoués.

– Et qui se laisseront embaucher avecnous ?

– Oui.

– Je comprends…

Je n’eus pas le temps de demander à Nadir denouvelles explications.

La porte du schoultry s’ouvrit et un hommeentra.

C’était le capitaine anglais qui venaitrecruter sa bordée de bâbord.

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