Le Dernier mot de Rocambole – Tome IV

Chapitre 23

 

J’étais tellement atterré que je me laissaientraîner par Nadir hors de cette maison, comme un homme qui aperdu conscience de ce qui se passe autour de lui.

Depuis le jour où il m’avait sauvé des griffesde la panthère, l’Indien ne m’avait pas quitté une minute.

– Ta vie est menacée par Tippo-Runo,m’avait-il dit, et mon devoir est de te protéger.

La surprise que j’éprouvai de le voir me tenirtout à coup un langage contraire fut assez puissante pour meramener au sentiment de la réalité.

Quand nous fûmes hors de la maison d’Hassan oùnous laissâmes le vieux prêtre dormant toujours, Nadir medit :

– Tu connais parfaitementCalcutta ?

– Oui, répondis-je.

– Tu t’en iras tout droit à mon hôtel,dans la ville blanche ?

– Mais… vous ?… balbutiai-je.

– Moi, fit-il en souriant, j’ai autrechose à faire.

Et comme je paraissais de plus en plus étonné,il ajouta :

– Je t’avais dit que tant que tu seraisen danger, je ne te quitterais pas.

– Eh bien ?

– Tu n’es plus en danger…

– Ah !

– Sans doute, reprit Nadir. QuandTippo-Runo en voulait à ta vie, c’était d’abord à l’époque où ilcraignait ton influence auprès du rajah.

– Mais le rajah est mort.

– D’accord. Tippo-Runo avait ensuiteintérêt à se défaire de toi, alors qu’il cherchait le trésor.

– Bon.

– Maintenant, il a le trésor, et ne sesoucie plus de toi.

– Vous croyez ?

– Oh ! certainement, acheva Nadir.Il a bien autre chose à faire.

Je regardais toujours Nadir d’un airsurpris.

– Tu sais bien, continua-t-il, queTippo-Runo songe depuis longtemps à quitter son rôle d’Indien pourrentrer dans sa peau d’Anglais.

– C’est vrai.

– Et à s’en retourner en Europe, où lestrésors qu’il a ramassés, joints à ceux qu’il vient de voler, luipermettraient une existence vraiment princière.

Eh bien ! acheva Nadir, en ce moment sonunique préoccupation est d’embarquer l’or du rajah.

– Et il ne songe plus à moi ?

– J’en suis sûr. Je vais donc te laisser.Tu iras chez moi et tu m’attendras…

– Mais… vous ?…

– Moi je vais retrouver la trace deTippo, ce qui me sera beaucoup plus facile quand je serai seul.

– Pourquoi ?

– Parce qu’il y a une foule d’Indiens àCalcutta qui me sont dévoués, qui m’obéissent aveuglément et que taprésence intimiderait au point de leur clore la bouche.

En parlant ainsi, Nadir dénoua la ceinturequ’il avait autour des reins et qui lui servait de bourse.

Dans cette bourse il y avait, parmi des piècesde monnaie d’or, d’argent et de cuivre, un souverain casséen deux morceaux.

Il prit une des deux moitiés et me latendit.

– Qu’est-ce que cela ? luidemandai-je.

– Tu montreras ce fragment de monnaie àmes gens, me répondit-il, et ils te serviront comme si tu étaismoi-même.

Et sur ces mots, Nadir me quitta.

Un moment immobile au milieu d’une ruetortueuse, je le vis s’éloigner, puis s’arrêter et frapper dans sesdeux mains trois coups inégalement espacés.

À ce bruit, deux hommes qui dormaient au borddes maisons se levèrent et s’approchèrent de lui.

Nadir échangea quelques mots avec eux ;puis il se remit en route et tous trois disparurent au détour d’unerue transversale.

Alors je me dirigeai vers la villeblanche.

Et moins d’une heure après, je sonnais à lagrille de la magnifique demeure où Nadir était connu sous le nom desir Arthur Goldery.

La pièce brisée fut pour moi un véritablesésame.

Les gens, de sir Arthur s’inclinèrent en medisant :

– Parlez, Votre Honneur, vous êtes icichez vous.

**

*

 

Or, je passai quarante-huit heures dans lamaison de Nadir sans entendre parler de lui et je commençais àm’inquiéter quelque peu, lorsque dans le fond de la chambre àcoucher qu’on m’avait donnée, une porte masquée par une tentures’ouvrit tout à coup.

Nadir, qui avait conservé ses habits d’Indien,m’apparut alors, un doigt sur les lèvres.

– J’ai retrouvé ce que nous cherchions,me dit-il.

– Le trésor ?

– Le trésor et l’enfant. Seulement, ilfaut conquérir l’un et l’autre.

Et me prenant par la main :

– Viens, me dit-il.

Puis il m’entraîna dans le passage mystérieuxqu’il avait suivi pour arriver jusqu’à moi.

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