Le Dernier mot de Rocambole – Tome IV

Chapitre 13

 

Le poignard de Nadir n’effraya point Koureboutre mesure.

– Maître, dit-il, un homme aussi sage quetoi ne saurait refuser à un autre de s’expliquer.

– Parle.

– Comme prêtre de Sivah, je suis tonesclave, toi qui es notre chef à tous, dit Koureb. Comme homme,j’ai mes amitiés et j’ai fait des serments de fidélité.

Tu peux commander au prêtre, mais si tudemandes à l’homme un secret qui ne lui appartiendra pas, tufrapperas inutilement. Sa langue ne parlera point.

Nadir ne se montra point irrité de cettehardiesse de langage :

– À ton tour, écoute-moi, dit-il.

– Parlez, maître.

– Le rajah Osmany était l’ami de l’hommeque tu vois là.

Et Nadir jeta une main sur mon épaule.

Koureb me regardait avec défiance.

– Osmany, poursuivit Nadir, lui a donnéson anneau.

– Où est cet anneau ? demandaKoureb.

– Je ne l’ai plus, répondis-je.

Un sourire d’incrédulité vint aux lèvres deKoureb.

– Tippo-Runo le lui a volé, ditNadir.

Ce nom fit passer un nuage sur le front deKoureb.

– C’est possible, dit-il, et je vouscrois, mais si je ne vois pas l’anneau, je ne parlerai pas.

– Peut-être en verras-tu l’empreinte, mehâtai-je de dire.

Et je mis une main sous les yeux du vieuxprêtre.

En effet, l’annulaire de ma main gaucheconservait trois empreintes rouges qui étaient le résultat de lapression exercée par la bague, qui avait à l’intérieur troispetites pointes de diamant.

– Cela peut être la marque de la bagued’Osmany, me dit-il. Mais cela peut aussi être autre chose.

– Si tu ne veux pas nous croire, ditNadir, je te dirai quelque chose de plus.

– J’écoute.

– Nous avons découvert les trésorsd’Osmany confiés à la garde du vieil Hassan.

Koureb pâlit.

– Rassure-toi, reprit Nadir, nous sommesles amis du rajah mort, et c’est pour soustraire ces trésors àl’avidité de Tippo-Runo que nous sommes ici.

– Alors, dit Koureb, si vous savez oùsont ces trésors que j’étais chargé de garder, de concert avecHassan, je n’ai plus rien à vous apprendre.

– Tu te trompes, dit Nadir.

Koureb le regarda étonné.

– Il faut que tu nous aides à les enleverde l’endroit où ils sont.

Koureb sentit renaître ses défiances.

– Si je te demandais un serment, maître,dit-il à Nadir, me le ferais-tu ?

– Parle.

– Si je te priais d’étendre la main surla statue de notre dieu qui est là…

– Je suis prêt, dit Nadir.

– Et de me jurer que cet homme avait bienen sa possession l’anneau d’Osmany.

– Par le dieu Sivah, je te le jure.

Koureb parut soulagé d’un poids immense.

– Alors, dit-il, ordonne, je suis prêt àobéir.

– Je veux, reprit Nadir, enlever lestrésors. Hassan est fou. Tippo veille, et finira par lesdécouvrir.

– Il est facile de leur faire reprendrele chemin qu’ils ont déjà parcouru.

– Oui, répondit Nadir, maisquand ?

– La nuit prochaine.

– Et d’ici là la porte de fer resteraouverte ?

– Mais comment avez-vous pul’ouvrir ?

Nadir raconta à Koureb ce qui s’étaitpassé.

– Je ne sais pas le secret d’Hassan,dit-il, et si la porte se refermait, je ne pourrais l’ouvrir. Maisje sais ouvrir la mienne.

– Comment, la tienne ?

– Sans doute. Vous avez fait jouer unverrou à l’intérieur de la cachette, n’est-ce pas ?

– Oui.

– Eh bien ! je puis, de l’intérieurdu corridor souterrain, faire mouvoir ce verrou et ouvrir laseconde porte.

– Viens avec nous, alors, dit Nadir.

Et il souleva la dalle en glissant entre elleet sa voisine la lame de son poignard.

Tous trois nous descendîmes l’un après l’autredans la chambre qui se trouvait au-dessous de la pagode. Puis,suivant la corde qui était demeurée à terre, nous reprîmes lechemin que nous avions suivi, en passant, de nouveau sous le bassinde carénage et entendant mugir la mer au-dessus de nos têtes.

Nous revînmes ainsi dans le premier boyausouterrain, et nous regagnâmes cette cachette aux trésors dont nousavions laissé les deux portes ouvertes.

Koureb nous dit alors :

– Je vais rester dans le souterrain.Fermez la porte sur vous.

Nadir fit ce qu’il demandait et tira leverrou, mettant ainsi entre lui et nous l’épaisseur de cetteporte.

Nous entendîmes alors un peu de bruit.

C’était la main de Koureb se promenant sur lasurface extérieure de cette porte et cherchant sans doute unressort invisible.

Tout-à coup, le verrou courut de lui-même dansla gâche et la porte se rouvrit.

– Vous voyez, dit Koureb.

– C’est bien, répliqua Nadir. Maintenantviens avec nous.

Koureb entra dans la cachette, et la porte dusouterrain fut refermée pour la seconde fois.

Puis nous entrâmes dans la cave où nous avionslaissé Hassan.

Hassan s’était endormi, ivre d’opium.

– Nous pouvons maintenant, dit Nadir,laisser-retomber cette porte.

Et il poussa celle qu’Hassan avait ouverte etqui se referma tout seule.

Puis il replaça la pierre qui cachait laserrure.

Et enfin il nous dit, car Koureb était restéavec nous :

– Hassan est fou, il faut se défier desfous.

– Qu’allons-nous faire de lui ?demandai-je.

– Nous allons l’emmener d’ici, merépondit-il.

– Mais il dort.

– Nous l’emporterons dans unpalanquin.

Et il le prit à bras-le-corps et nous leremontâmes dans la maison.

Puis, comme Nadir ne voulait pas me quitter,il envoya Koureb chercher un palanquin, ces sortes de véhiculesétant aussi communs à Calcutta que les cabs dans les rues deLondres.

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