Amours Délices et Orgues

UNE INNOVATION – À LAQUELLE TOUT LE MONDEAPPLAUDIRA

Je tiens à remercier publiquement, tant au nomde l’humanité tout entière qu’au mien propre, l’administrationsupérieure des Chemins de fer de l’Ouest de l’honneur qu’elle m’afait en m’invitant, moi seul de la presse, au très intéressantessai de vendredi dernier.

Ajoutons que cette expérience a été pleinementcouronnée de succès et qu’elle n’attend plus que l’homologation del’État (est-ce bien le terme ?) pour entrer dans lapratique.

… On ne m’avait pas dit de quoi ils’agissait.

– Trouvez-vous, me prévenait simplementun très aimable ingénieur de la Compagnie, trouvez-vous, à 10 h.25, à la gare des Batignolles, et vous assisterez à quelque chosede fort curieux.

Vous pensez si j’eus garde de manquer pareilleoccasion !

À l’heure dite, j’étais au rendez-vous.

Un train chauffait, tout prêt à partir.

Pas mal de personnages bien mis se trouvaientdéjà là, dont beaucoup portaient, à la boutonnière, la rosetterouge de la Légion d’honneur.

– En voiture, s’il vous plaît,messieurs ! cria l’ingénieur aimable dont j’ai parlé plushaut.

J’ai oublié de le dire, mais je pense qu’ilest temps encore de réparer cette négligence, il faisaitexcessivement chaud.

Nous montâmes dans nos wagons.

Un coup de sifflet déchira l’air, le trains’ébranla.

Ce train était un de ces trains quiressemblent à tous les trains.

Il se composait de plusieurs wagons, lesquelsse subdivisaient eux-mêmes en un certain nombre decompartiments.

Jusqu’ici, donc, rien d’anormal, rien denouveau.

J’en étais là de mes réflexions, quand, à magrande stupeur, j’aperçus tous mes compagnons de route en train dese déchausser.

De l’air le plus naturel du monde, cesmessieurs enlevaient leurs bottines et leurs chaussettes.

Ils relevaient leur pantalon et leur caleçonjusqu’au genou.

Après quoi l’un d’eux souleva une plaque detôle posée sur le parquet et mit à découvert un large bassin remplid’eau, bassin occupant toute la largeur du compartiment.

Et tous ces gens de se livrer aux douceurs dubain de pied.

Ma foi, je fis comme eux.

On ne saurait se figurer, si on ne l’a pasgoûtée soi-même, l’exquise sensation que procure un bain pied enrail-road : c’est délicieux.

Je compris alors à quelle expériencej’assistais.

D’ailleurs, un monsieur décoré me mettait aucourant, avec une de ces bonnes grâces comme on n’en rencontre plusque dans les hautes sphères administratives.

L’installation de bains de pieds dans toutesles voitures de la Compagnie aura plusieurs résultatsexcellents :

Pour les voyageurs, aise, hygiène,propreté.

Pour les Compagnies, énorme économie decombustible.

Au moment où on la refoule dans lesditsbassins, l’eau est à une température d’environ 15°.

Le contact, avec les pieds des voyageurs,l’amène assez rapidement (surtout en été) à la température du piedhumain, 37°.

À ce moment, l’eau tiède est refoulée dans lachaudière et remplacée par de la plus fraîche.

C’est donc vingt-deux degrés dechaleur qui ne coûtent rien à l’administration !

J’ai égaré le papier sur lequel j’avais prismes notes, mais je crois me rappeler que la chaleur humaine, ainsicaptée et utilisée, représente une économie de 100 grammes decharbon par voyageur et par kilomètre.

Voilà, je crois, un fait unique dans lesfastes des grandes Compagnies : une réforme réunissant dansune commune satisfaction les actionnaires et le public.

Le voilà, le bon collectivisme, le voilàbien !

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