Amours Délices et Orgues

THE SMELL-BUOY

L’effroyable catastrophe duDrummond-Castle met encore sur le tapis de l’actualité laquestion si importante des phares.

Quoi qu’en aient dit certains journauxanglais, les côtes de France sont aussi bien éclairées que cellesd’Angleterre, munies relativement (d’autant de phares, lesquelsportent des feux aussi intenses que de l’autre côté de laManche.

Par malheur, il est des cas où les phares, sinombreux soient-ils et si éblouissants, ne suffisent pas à avertirdu danger le pauvre navigateur.

Le brouillard est parfois si intense en mer,que le matelot n’aperçoit pas la lueur de sa pipe (the light ofhis pipe).

C’est alors qu’on songea, puisque le sens dela vue n’était point, en ce cas, utilisable, à faire appel au sensde l’ouïe et qu’on inventa la sirène aux lugubres et avertisseursmeuglements.

Cet appareil ne donna point les résultatsqu’on attendait de lui, car si puissante que soit la sirène, saportée a des limites assez humbles.

Autre inconvénient de la sirène : mêmeles plus exercés marins se trompent facilement sur la direction duson. À une certaine distance, ils font des erreurs d’estime quivont jusqu’à 90°.

Alors quoi ?

Je demande la parole pour un faitpersonnel.

Il y a quelques années, j’eus l’occasion, dansje ne sais plus quelle gazette, de traiter cette si intéressantequestion des phares.

La vue et l’ouïe, disais-je, sont, dans biendes cas, au-dessous de leur mission.

D’autre part, les sens du toucher et du goûtne sauraient, dans une question de récifs, être de la moindreutilité.

Reste le sens de l’odorat.

Personne, jusqu’à présent, n’a songé àemployer le nez pour flairer le roc prochain.

Et je proposai à l’administration compétentede créer des bouées à odeur pour parages dangereux.

Pourquoi donc pas ?

Voyez-vous d’ici le tableau : une nuitnoire épaissie d’un brouillard compact. Pas un feu sur terre, pasune étoile au ciel !

Comme musique, le sifflement du vent dans lescordages, le fracas des vagues, les cris des femmes et desenfants.

Où sont-ils, les pauvres matelots ! Dieuseul le sait et peut-être n’en est-il pas bien sûr !

Tout à coup, le capitaine a reniflé parN.-N.-O. un puissant relent de vieux roquefort et par S.-E. unefine odeur de verveine.

Il consulte sa carte (une carte qu’on dresseraad hoc), et reconnaît sa position.

Sauvés ! merci, mon Dieu !

Il manœuvre en conséquence, et une heureaprès, le navire est au port ; tout le monde, matelots etpassagers, entonnent, les uns des hymnes de grâce, les autres, desgrogs bien chauds.

Malheureusement, tout cela n’est qu’unrêve.

La routine, la hideuse routine est là, quiveille, barrière à toute idée neuve, à tout progrès, à toutsalut !

Vous me croirez si vous voulez,l’administration des Phares ne m’accusa même pas réception de monprojet de smell-buoy.

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