Amours Délices et Orgues

LE LION, LE LOUP ET LE CHACAL – FABLIAUBIEN MODERNE

Il était une fois un Loup qui avait un procèsde mur mitoyen avec son voisin le Chacal.

Toute tentative de conciliation ayant échoué,on résolut de porter le litige devant la cour suprême des animaux,autrement dit le tout-puissant seigneur Lion.

Le Lion, exact au rendez-vous, battaitnégligemment de la queue ses flancs redoutables, tout prêt à rendresentence sous son chêne ordinaire, un chêne d’au moins cinquantelouis.

(Comme tout augmente, hein ! Du temps deBlanche de Castille et de son fils, un simple chêne de cinq louissuffisait amplement aux justiciables.)

Arrivèrent les plaideurs : le Loupaccompagné de son avoué le Renard, le Chacal défendu par unevieille Pie, insupportable raseuse qui, tout de suite, indisposa leseigneur Lion.

– Assez ! s’écria brusquement cedernier, ma religion est suffisamment éclairée.

– Ah ! firent les deux partiesanxieuses.

– Loup, c’est toi qui as raison !Chacal, ta cause ne tient pas debout ! Loup, je te livre tonadversaire et t’engage à le dévorer dans l’enceinte même de cesylvestre prétoire.

Le Loup ne se le fit pas dire deux fois ;en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, du pauvre Chacalne restaient plus que risibles déchets.

Discrètement, le Renard et la Pie s’étaientretirés vers leurs cabinets respectifs.

Quand la curée fut terminée :

– Mon cher Loup, dit le Lion, tu me ferasplaisir en venant ce soir chez moi me remercier de ma sentence.

– Entendu, Seigneur. À ce soir.

Le Loup n’eut garde de manquer à saparole : vers sept heures, sept heures et demie, il pénétraitdans la tanière du magistrat suprême.

Le Lion, comme en façon de familiaritégentille, lui mit sa forte patte sur l’échine, et :

– Eh bien, mon vieux Loup, digéras-tu àta convenance ?

– On ne saurait imaginer mieux, monLord.

– Alors, à mon tour.

Le Loup, à ce moment, vit que le Lion nebadinait pas, et il devint blanc comme un singe.

– Quoi ! vous allez memanger ?

– Non, je vais me gêner ! Car j’aiune faim de Loup, si j’ose m’exprimer ainsi.

– Mais alors, pourquoi n’avez-vous pas,ce matin, dévoré le Chacal, puisque lui était dans sontort ?

– Dans son tort ou non, le Chacal vivantexhale une odeur qui me coupe l’appétit.

– Et moi, pourquoi avoir attendu jusqu’àce soir, puisque vous me teniez ce matin en votrepouvoir ?

– Ce matin, tu étais trop maigre, monpauvre ami.

Et, passant à l’action, le Lion mangea leLoup, dans des conditions exceptionnelles de prestesse et de bonnehumeur.

MORALITÉ

Soyez chacals ou soyez loups,

Les juges sont plus forts que vous.

Écoutez-moi (la chose est sûre),

Méfiez-vous d’la magistrature !

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