Amours Délices et Orgues

CUPIDES MÉDICASTRES

Certains journaux sont fort durs, en cemoment, pour le corps médical.

MM. les médecins de Paris, au dire desfolliculaires, auraient décidé la création d’un Livre noir, oùseraient inscrits les noms de tous les malades mauvais payeurs, etse seraient mutuellement engagés à ne plus les soigner avant lerèglement des notes préalables.

Et les gazettes de crier à l’inhumanité etd’appeler sur les médecins les foudres vengeresses du tollégénéral.

La situation très délicate que me crée, dansle gouvernement, le dernier vote du Sénat, m’interdit de prendreparti pour ou contre, en cette question.

Néanmoins, je dois reconnaître que certainspraticiens ne brillent pas par une excessive sensibilité et qu’ilssuppriment volontiers les saucisses dans le système d’attache deleurs fidèles toutous.

Il s’en rencontre même dont le mémoire neconcorde jamais avec celle du malade.

Témoin ce médecin qui réclamait le prix dedeux visites à une bonne femme, laquelle semblait bien certaine dene lui en devoir qu’une.

– Mais, docteur, je vous assure que vousn’êtes venu qu’une fois chez moi !

– Parfaitement, répondit le morticole, jesuis venu une fois chez vous ; mais quelques jours après, jevous ai donné une consultation dans la rue.

– Vous appelez ça une consultation !s’indigna la cliente. Eh bien ! vous avez du toupet !Vous m’avez demandé comment j’allais… je vous ai répondu quej’étais tout à fait bien… Vous m’avez dit de continuer.

– Eh bien ! mais, c’est uneconsultation, cela.

– Bon ! je vais vous payer vos deuxvisites, mais dorénavant, quand vous me rencontrerez dans la rue,je vous défends de m’adresser la parole, et même de me saluer. Çacoûte trop cher, votre politesse !

Un autre exemple de rapacité peu commune chezun médecin de campagne :

Ce thérapeute avait coutume de se rendre,chaque jour, à un café de la ville, en lequel il faisait sa petitepartie avec des messieurs, toujours les mêmes.

Un de ces derniers, personnage timoré et fortsoucieux de son estomac, ne manquait jamais, en commandant sonabsinthe, de se tourner vers le médecin.

– Une petite absinthe, docteur, ça ne mefera pas de mal ?

– Mais non, mais non ; une petiteabsinthe n’a jamais fait de mal à un honnête homme.

Quand la partie se prolongeait et que lapetite absinthe était ingurgitée, notre homme s’informaitencore :

– Un petit vermout-cassis, docteur, celan’est pas mauvais, n’est-ce pas ?

– Prenez-le plutôt avec du curaçao, votrevermout.

Ou bien, c’était un verre de porto qu’il luiconseillait, ou un quinquina Dubonnet, ou n’importe quoi. Et tousles jours, entre six et sept, reproduction du même dialogue.

Au bout d’un an, quelle ne fut point lastupeur de notre bonhomme de recevoir une note d’honoraires de sonpartenaire se montant à un millier de francs ! Comme iln’avait eu, avec le docteur, que des rapports de client à client dumême café, il crut bonnement à une erreur matérielle.

Et comme il cherchait à s’en expliquer, ledocteur lui répondit froidement :

– Mais non, mon cher ami, il n’y a pas lamoindre erreur. Chaque fois que vous me demandez si une absinthe nevous fera pas de mal et que je vous réponds que non, je considèrecet avis comme une consultation…

Le pauvre monsieur paya sa note ; mais, àpartir de ce moment, il alla prendre son apéritif dans les cafés oùl’on rencontre, de préférence, des charcutiers, d’ancienscapitaines au long cours ou des chefs de fanfare, mais pas demédecins !

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