Amours Délices et Orgues

DYNASTIC

Précisément, mon ami Leca, l’excellent docteurde la Normandie, connaissait ces deux gentlemen américainspour avoir traversé l’Atlantique avec eux.

Nous fûmes présentés.

L’un, citoyen de Boston, homme de tenuediscrète et de bonnes manières.

Le second, un de ces rudes hommes de l’West,grand diable déluré et gueulant haut. Populist enragé,d’ailleurs, et free silverist irréductible, il rentrait enAmérique exprès pour soutenir la candidature de son camaradeBryan.

Le premier revenait de visiter l’Exposition deBudapest et paraissait ravi de son voyage.

Tous ces costumes, toute cette musique, toutesces femmes ! Ah ! toutes ces femmes !

– Rapid flirt, hé ?rigolait l’homme de l’West.

– Excessively rapid !confirmait le Bostonien pensif.

Mais ce qui le charmait le plus, dans tous cessouvenirs, c’est l’honneur qu’il avait eu d’être présenté àl’ex-roi Milan.

Car il appartenait à ce lot importantd’Américains qui se laissent épater par la friperie héraldique oudynastique de notre vieille bête d’Europe.

Un comte ! et son chapeau se soulevait delui-même.

Un roi ! et voilà notre citoyen bascourbé.

S’il avait eu des filles, ce brave homme seserait certainement dépouillé jusqu’au dernier dollar pour que sesgirls devinssent duchesses ou marquises.

Innocente faiblesse, qui ne fait de tort àpersonne et qui jette dans la circulation parisienne quelquesmillions de plus par an !

(Signalons, à ce propos, l’imminente arrivéedans nos murs, pour y mener grand train, d’un noble seigneur, lordMac Astroll, descendant authentique des anciens rois d’Écosse,lequel vient d’épouser une jeune et charmante milliardaireaméricaine. M. Mac Astroll saura, nous en sommes certains,rester digne du grand nom qu’il porte, surtout de la premièresyllabe.)

L’homme de Boston ne tarissait pas d’élogessur le roi Milan, sur son grand air, son auguste physionomie, sonauguste allure, son facile et gracieux abord.

– Dans la soirée, ajouta-t-il, jerencontrai Sa Majesté au club et Elle daigna m’admettre à la tablede poker où Elle jouait.

L’autre Américain paraissait fort amusé de cesexpressions respectueuses et spéciales avec lesquelles soncompatriote désignait un être humain pas autrement bâti que vous etmoi.

La joie le poussait à se frapper les cuissesbruyamment et à pousser des éclats de rire auprès desquels lagaieté des dieux d’Homère aurait semblé une légère satisfaction, àpeine.

C’est de la sorte qu’on marque son plaisirdans l’West des États-Unis.

– Ainsi donc, vous avez joué au pokeravec un roi ?

– J’ai eu cet honneur.

– Avez-vous gagné ?

– Non, j’ai perdu.

– Eh bien ! moi qui vous parle, j’aijoué avec quatre rois !

– Quatre rois !

– Quatre rois, et j’ai gagné !

– Quatre rois !

– Quatre rois… et un as !

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