Amours Délices et Orgues

TERRIBLE ÉVEIL

On s’était tant diverti au cours de ce soir-làque deux heures du matin sonnèrent au vieux beffroi de la salle àmanger, alors que chacun se croyait dans les environs, à peine, deminuit.

On soupa tout de même, et gaiement.

Dehors, l’averse battait les persiennes, sansrelâche.

Et, comme de juste, nul cocher ne fut trouvé àla station voisine ni rencontré par le domestique envoyé dans cebut.

Ah ! c’était gai, pour moi qui demeure à18 verstes de cette maison !

Les autres convives, gens du quartier, enavaient pris leur parti et, à l’heure où nous écrivons ces lignes,ils dormaient déjà.

Soudain, l’hôtesse eut une idéecharmante :

– Mais au fait, pourquoi neresteriez-vous pas à coucher chez nous ?

– Pourquoi pas ? acquiesça lemari.

Je me débattis légèrement pour faire croire àma discrétion, mais, au fond, la position me souriaitvolontiers.

Et j’acceptai.

Chambre confortable, lit comme je les aime (nitrop dur, ni trop mou), légère fatigue ; au bout d’un quartd’heure, je dormais d’un excellent sommeil que Luigi Loir lui-mêmen’aurait pas hésité à signer.

Au tout petit jour, dès patron-minette (selonune expression que je n’ai jamais encore totalement élucidée), jefus réveillé par un fracas, mélange d’objet tombé, de pas quis’empressent sur le balcon, de cris angoissés d’abord, finalementrieurs.

Puis, tout se tut, comme dit le poète.

Je tentai un rendormissement, mais bientôtj’étais réveillé par la jolie petite femme de chambre de mes hôtes,fraiche comme une rosée, rose comme une rose et niaise comme…(Ah ! si j’étais méchant !)

– Madame, dit cette petite fleur deschamps, madame m’envoie voir ce que monsieur prend le matin.

Ce que je prends le matin ?

Je sais bien, moi, ce que j’aurais pris cematin-là, et peut-être bien qu’elle eût consenti à me laisserprendre, la petite fleur des champs ; mais je tins à memontrer digne d’une hospitalité si gentiment offerte, et je prie dulait, de l’albe et simple lait, du lait.

– À propos, Marie, qu’est-ce que c’estque ce tapage que j’ai entendu ce matin ?

– Oh ! c’est rien, monsieur, c’estune cage aux lions qu’a tombé sur le balcon.

– Une cage aux lions ! tressautai-jesur ma couche.

– Oui, monsieur, une cage aux lions.

– Avec des animaux dedans ?

– Oui, monsieur, quatre… Mais ils n’ontpas eu de mal, les pauvres bêtes. La cage était solide.

L’air ingénu de cette fille écartait toutsoupçon de mystification.

Mais alors ?… Une cage auxlions !

Est-ce que je ne rêvais pas ?

Non, je ne rêvais pas.

Un simple malentendu : une cage, eneffet, appartenant à la famille Lyon, avait causé le tumulte, unecage contenant quatre serins, une cage que la bonne des Lyon avaitmalhabilement laissé choir sur le balcon d’en bas.

Et les Lyon ignorent encore l’émoi que lachute de leurs petits volatiles détermina dans l’âme d’un galanthomme attardé chez leurs voisins du deuxième.

(Historique.)

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