Amours Délices et Orgues

RÉVOLUTION – DANS LA NAVIGATION ÀVOILE

Quantité de lecteurs m’écrivent journellementpour se plaindre du silence en lequel je laisse croupir les faitset gestes du Captain Cap.

Le Captain Cap n’est plus mon ami, et,désormais, le nom de ce navigateur ne sortira plus de ma plume.

J’aurais voulu ne point revenir publiquementsur cette triste affaire, mais comme, à l’heure qu’il est, Cap estsans doute sous les verrous, il n’y a plus d’indiscrétion à révélerune des plus honteuses turpitudes de ce siècle et de laquelle toutela presse s’occupera demain.

Le Captain Cap a tout simplement vendu àl’Allemagne le plan de mobilisation, en temps de guerre, desbateaux-lavoirs de la Seine.

Les conséquences de cette trahisonn’échapperont à personne : c’est la Seine livrée à l’ennemi,depuis Rouen jusqu’en Bourgogne, c’est Paris à la merci d’un coupde main.

Comment Cap a-t-il pu se procurer le plan demobilisation ? Rien de plus simple.

Sans faire officiellement partie de lacommission d’armement des bateaux-lavoirs, le Captain y étaitsouvent appelé à titre de conseil, car c’est un des hommes quiconnaissent le mieux au monde cette importante question.

Il lui fut, dès lors, très facile de prendrecopie de certaines pièces tenues secrètes pour tout le monde.

On se perd en conjectures sur les causes quiont pu déterminer notre ancien ami à commettre une action aussivile.

Ce n’est pas le besoin d’argent, le Captainétant fort riche et gagnant encore des sommes énormes dans letrafic de l’ivoire et des queues de mulot.

Alors quoi ?

Serait-ce pas plutôt son parti pris farouched’anti-européanisme qui l’aurait poussé à faire plus cruellement sedéchirer deux grandes nations de cette Europe abhorrée ?

Quoi qu’il en soit, après une enquête des plussérieuses, on est arrivé à se convaincre de la culpabilité dutraître et Cap a dû être arrêté ce matin au petit jour.

J’étais depuis plus d’un an au courant decette louche affaire, mais dénoncer un si vieux camarade merépugnait et je préférai laisser les choses suivre leur cours.

Vous direz tout ce que voudrez, mais jeconsidère comme un événement bien triste l’effondrement d’unegéniale personnalité.

Sa dernière invention est une de celles quibouleversent le monde et marquent une ère nouvelle dans l’histoiredu monde en général et dans celle de la navigation à la voile enparticulier.

Alors que toutes les branches de l’industrieont accompli tant de progrès depuis un millier d’années, seule, lanavigation à voile est restée stationnaire.

On a certainement amélioré le gabarit desbateaux, perfectionné la disposition de la voilure, etc., etc.,mais pas une idée réellement nouvelle n’est venue révolutionner lamarine.

Il était réservé à Cap, l’honneur de ce pasdécisif.

Et combien simple, pourtant, sonidée !

Le Captain remplace les voiles des bateaux parune série de moulins à vent dont la force captée et totalisée faitmouvoir une puissante hélice.

Le vent ainsi utilisé comme moteur, au lieu del’être comme propulseur, jouit d’une puissance trois fois et demieplus considérable (le calcul en a été fait devait moi).

Par une bonne brise, le nouveau bâtiment duCaptain Cap peut arriver à ses vingt-sept nœuds, ce qui, vousl’avouerez, constitue une jolie vitesse pour un simple voilier.

Ajoutons que le bateau avec tous ses moulinsoffre un spectacle infiniment plus pittoresque que les simplesnavires à voiles et même à vapeur.

L’avenir est là.

Quel malheur qu’un aussi merveilleux inventeurse double d’un sinistre félon !

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