Chapitre 4 Alas oraciones
Le lendemain, lundi, dès l’aube du jour, Amadadormait encore, Barraou vint à La Havane.
On le vit tout le jour dans le quartierqu’habitait Gédéon Robertson.
Quatre jours et quatre nuits il rôda dans laville sans succès ; sans doute, la blessure de Juan le tenaitalité.
Enfin, le fatal vendredi, Barraou l’aperçutsur le port, et le suivit de près ; lorsqu’il fut entré dansune ruelle déserte, derrière le grand fort :
– Arrête, bandit ! lui cria-t-il, jete cherchais !
– Vous me cherchiez ? me voici.
– C’est bien, défends-toi si tupeux !
En disant ces mots, il se jetait sur lui commeune hyène, pour le frapper de son coutelas ; Juan esquiva lecoup, et, tirant vite son couteau, il pourfendit l’avant-bras deBarraou, qui le saisit à la ceinture en lui poignardant le côté.Juan, désespéré, se laissa tomber sur lui, le mordit à la joue,déchira un lambeau de chair qui découvrait sa mâchoire ;Barraou lui cracha aux yeux du sang et de l’écume.
À cet instant huit heures et lasoraciones sonnent au couvent prochain ; les deux furieuxse séparent et tombent à genoux.
BARRAOU
L’ange du Seigneur a annoncé à Marie, et ellea conçu par l’opération du Saint-Esprit.
JUAN
Je vous salue, Marie, pleine de grâce, leSeigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes lesfemmes, et Jésus, le fruit de votre ventre, est béni.
Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous,pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Ainsisoit-il.
BARRAOU
Voilà la servante du Seigneur, qu’il me soitfait selon votre parole.
JUAN
Je vous salue, Marie, pleine de grâce, leSeigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes lesfemmes, et Jésus, le fruit de votre ventre, est béni.
Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous,pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Ainsisoit-il.
BARRAOU
Et le Verbe s’est fait chair, et il a habitéparmi nous.
JUAN
Je vous salue, Marie, pleine de grâce, leSeigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, etJésus, le fruit de votre ventre, est béni.
Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous,pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Ainsisoit-il.
– Allons ! debout, Cazador ;que fais-tu encore à genoux ?
– Je priais pour votre âme.
– Il n’est besoin ; j’ai prié pourla tienne : en garde !
Aussitôt, il lui crève la poitrine, le sangjaillit au loin ; Juan pousse un cri et tombe sur un genou,saisissant à la cuisse Barraou qui lui arrache les cheveux, et lefrappe, à coups redoublés, dans les reins ; d’un coup derevers, il lui étripe le ventre. Terrassés tous deux, ils roulentdans la poussière ; tantôt Jaquez est dessus, tantôtJuan : ils rugissent et se tordent.
L’un lève le bras et brise sa lame sur unepierre du mur, l’autre lui cloue la sienne dans la gorge.Sanglants, tailladés, ils jettent des râlements affreux, et nesemblent plus qu’une masse de sang qui flue et se caille.
Déjà des milliers de moucherons et descarabées impurs entrent et sortent de leurs narines et de leursbouches, et barbotent dans l’aposthume de leurs plaies.
Vers la nuit, un marchand heurta du pied leurscadavres et dit :
– Ce ne sont que des nègres, et passaoutre.