Champavert- Contes immoraux

Chapitre 2Voices in the desert

 

Il était nuit avancée, tout était replongédans le néant du sommeil, air, ciel et terre faisaientsilence ; et l’on n’entendait épatement dans l’île, sur lesmontagnes, que les mélodieuses euphonies des petits oiseaux qui nechantent que lorsque la terre est assourdie et que le ciel écoute,et, sous les trois palmiers de la fontaine, une voix mâledisant :

– Abigail, trêve un instant :Amour ! amour ! C’est bien !… mais je suisambitieux. Je t’ai conviée cette nuit, vois-tu, pour te faire desadieux pour quelque temps, et t’avouer un projet que j’accomplis.Je suis ambitieux, t’ai-je dit, car sous un dehors frivole je cacheun cœur qui se ronge. Dans mes veines ruisselle un sang qui meravale, et ce front qui pense, et ces reins puissants se courbentsous le fouet d’êtres stupides et féroces à peau blanche, quisavourent mes sueurs, qui s’égaient au râle que m’arrache lafatigue. J’ai assez souffert ! cette lâche vie me tue, il m’enfaut une autre ! L’esclave veut se redresser et briser sesgarrots. Je suis fier, vois-tu, je suis ambitieux, quelque chose enmoi me pousse, moi esclave, à la domination ; enfant, jerêvais royauté, je rêvais habits d’or, long sabre, cheval…

Pauvre Quasher ! ta royauté, c’est lemalheur !

Or donc, une occasion, un hasard se présente,je puis devenir riche, grand ; je puis être gorgé d’or !Ceux qui me repoussent aujourd’hui bientôt me tendront la main, àmon tour je leur cracherai à la face !

– Ô mon Quasher, restons pauvres, larichesse rend méchant.

– La tête de l’obiman, Three FingeredJack, est mise à prix, la somme est énorme !… Jel’aurai !…

– Vous êtes fou, Quasher ! vousattaquer à Three Fingered Jack, un obi, vous êtesfou !…

– Je sais que Jack et son obisont forts, mais Quasher et son cœur sont forts aussi ;d’ailleurs, suis-je pas résigné à la mort, plus de vie ou vielibre !

– Non, non, Quasher, je t’en prie, gardebien ta vie ; si tu m’aimes restons pauvres, les pauvres seulssont heureux, plus heureux que leurs maîtres ; restons où lafatalité nous a jetés !…

– Eh ! pourquoi resterpauvres ?…

– Ah ! pourquoi !pourquoi ! Quasher, tu le comprends trop bien !

– Que peux-tu redouter, Abigail ? jete rachèterai, je me rachèterai, nous serons libres ; nousaurons notre habitation à nous, nous aurons nos esclaves à nous,nous pourrons nous aimer tout le jour, être seuls à tous deux, àtoute heure, partout où il nous plaira ; conçois-tu ?…être libre !…

– Mon Quasher, vous êtes ambitieux, vousme le disiez, vous vous en vantiez tantôt : quand vous serezriche, vous repousserez du pied cette pauvre négresse qui vous aimetant, vous voudrez une blanche d’Europe, je sens bien que je vousperds.

– Écoute, Abigail, une femme qui amollitun homme fort, c’est une basse femme ! Crois-tu que tescharmes soient assez puissants pour me clouer à toi ? crois-tuque je varierai à des larmes ? Non ! tes embrassementssont vains ! Je veux, Quasher a dit : Je veux ! soisconfiante en lui, il t’a donné son amour, il t’est resté fidèle,sur Dieu et sa parole, il est à toi pour la vie. Ne sois nisoupçonneuse, ni jalouse, et c’est à tes pieds qu’il viendradéposer cet or… Pleure, pleure, n’espère pas m’amollir.Adieu !…

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer