Au Tragédien E. Rossi
APRÈS UNE RÉCITATION DE DANTE
Ô Rossi, je t’ai vu, traînant le manteaunoir,
Briser le faible cœur de la tristeOphélie,
Et, tigre exaspéré d’amour et de folie,
Étrangler tes sanglots dans le fatalmouchoir.
J’ai vu Lear et Macbeth, et pleuré de tevoir
Baiser, suprême amant de l’antique Italie,
Au tombeau nuptial Juliette pâlie.
Pourtant tu fus plus grand et plus terrible,un soir.
Car j’ai goûté l’horreur et le plaisirsublimes,
Pour la première fois, d’entendre les troisrimes
Sonner par ta voix d’or leur fanfare defer ;
Et, rouge du reflet de l’infernale flamme,
J’ai vu – j’en ai frémi jusques au fond del’âme ! –
Alighieri vivant dire un chant de l’Enfer.