Amours Délices et Orgues

LA MALENCONTREUSE PRONONCIATION

William Bott, que nous appelons fortspirituellement Henry Bott chaque fois qu’il abuse du cock-tail,est un Bostonien fort aimable, et des plus distingués, ainsi quesont, pour la plupart, les gens de Boston.

C’est à son propos que j’écrivis ces vers derime assez plaisante, n’est-ce pas :

Bott, en dansant la valse et le boston,usa

Le parquet de Mary Webb, à Boston (U. S.A.)

Débarqué en France au printemps dernier, cetAméricain, sur la recommandation de notre vieux camarade W. D.Forrest, le publisher de Paragraphs, devint tout de suitemon ami.

Le français qu’il parlait était un françaisirréprochable déjà ; seuls, quelques mots auraient gagné àêtre plus correctement prononcés.

Ainsi, il disait flott,pott, comme si ces mots, à l’instar de son nom, eussentcomporté deux t.

Sur une simple observation, il rectifia cespetites imperfections, et parla bientôt aussi purement queM. Lebargy.

Je me suis beaucoup attaché à mon ami Bott,esprit original, et tout de primesaut.

Un matin que je l’avais rencontré sur laplage, il me proposa un match à la carabine.

J’acceptai d’autant plus volontiers que jeconnais les personnes qui tiennent le tir, jeunes et déluréesMontmartroises dont la jolie sœur aînée porte un nom fort connudans l’armorial de la galanterie parisienne.

Bott, excellent tireur pourtant, duts’incliner devant mon écrasante supériorité : après un grandnombre de cartons, il renonça à la lutte et paya la note ès mainsd’une des jeunes filles, cependant que je complimentais l’autre surla jolie tournure que prenait sa taille.

– Au revoir, mesdemoiselles.

– Au revoir, messieurs… On vous reverracet après-midi ?

– Peut-être.

Bott avait l’air tout chose.

– Qu’avez-vous, ami Bott ?fis-je.

– J’ai que cette petite Charlotte vientde me tenir des propos auxquels je n’ai rien compris.

– Quels propos ?

– Voici textuellement ce qu’elle m’adit :

« Ça ne serait pas à faire que j’enaurais un ! On a déjà bien assez de mal à gagner sa pauvregalette sans la refiler encore à des mectons qui se f… devous ! »

– Que lui aviez-vous dit qui amenât cetteénigmatique réponse ?

– Pour lui payer les 17 fr. 50, frais denotre match, je lui donnai un louis et, comme elle se disposait àme rendre la monnaie, je lui offris gracieusement (car elle meplaît beaucoup, cette petite) : « Gardez le tout,mademoiselle, ce sera pour votre dot. »

– Et vous avez prononcé dot,sans faire sonner le t ?

– Dame, oui, comme vous m’avez indiquépour flot, pot, etc.

– Alors, je m’explique tout ! Lapetite aura compris que vous lui donniez de l’argent pour sondos.

– C’est moi qui ne comprends plus.

– Dos est le terme argotique etbien parisien par lequel on désigne les gentlemen qui se font dedétestables revenus avec l’inconduite de leurs compagnes.

– Horrible ! Horrible !Qu’est-ce que cette fillette va penser de moi ?

Et Bott tint à revenir tout de suite au tir,porter ses excuses à la petite Charlotte et lui offrir une joliebague, pour laquelle la petite citoyenne du dix-huitièmearrondissement lui sauta au cou et l’embrassa de grand cœur.

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