15. Comment M. le recteur interprète lescommandements de Dieu
Le soir de ce malheureux jour, M. le doyen et M. le recteurvinrent causer pendant une heure ou deux dans le cabinetd’Héraclius. Le docteur leur raconta aussitôt l’embarras danslequel il se trouvait et leur démontra comment les cailles etautres animaux comestibles étaient devenus tout aussi prohibés pourlui que le jambon pour un Juif.
M. le doyen qui, sans doute, avait mal dîné perdit alors toutemesure et blasphéma de si terrible façon que le pauvre docteur quile respectait beaucoup, tout en déplorant son aveuglement, nesavait plus où se cacher. Quant à M. le recteur, il approuva tout àfait les scrupules d’Héraclius, lui représentant même qu’undisciple de Pythagore se nourrissant de la chair des animauxpouvait s’exposer à manger la côte de son père aux champignons oules pieds truffés de son aïeul, ce qui est absolument contraire àl’esprit de toute religion, et il lui cita à l’appui de son dire lequatrième commandement du Dieu des chrétiens :
« Tes père et mère honoreras
Afin de vivre longuement.
« Il est vrai, ajouta-t-il, que pour moi qui ne suis pas uncroyant, plutôt que de me laisser mourir de faim, j’aimerais mieuxchanger légèrement le précepte divin, ou même le remplacer parcelui-ci :
Père et mère dévoreras
Afin de vivre longuement. »