La Rue de Jérusalem – Les Habits Noirs – Tome III

Chapitre 13Petit lever de la reine

 

Ce que nous venons de raconter se passait aucommencement de l’après-midi.

Nous laissons un instant de côté le drame noirpour une scène d’audacieuse comédie, et nous rétrogradons jusqu’aumatin de ce même jour.

Nous sommes chez Mathurine Goret, la mendiantemillionnaire.

C’était une salle de ferme assez grande etdont les murailles rugueuses avaient la blancheur blafarde de lachaux fraîchement étendue.

On y marchait sur la terre battue, mais devantle lit en forme d’armoire qui s’appuyait d’un côté à la hautecheminée, de l’autre au bahut de bois vermoulu où étaient lesassiettes de grosse faïence à fleurs, un beau tapis couvrait lesol.

Un secrétaire en acajou se dressait au-delà dubahut et jurait singulièrement avec le reste du mobilier. Une huchede chêne brut servait de montoir au lit. La table, noired’humidité, n’aurait point déparé le cabaret le plus sordide ;mais, par un contraste inattendu, elle s’entourait d’unedemi-douzaine de fauteuils capitonnés et habillés de damas jauneclair.

Le lit avait aussi des rideaux de damas,tandis qu’une serpillière en lambeaux pendait au-devant de l’uniquefenêtre et laissait passer par sa plus large déchirure un rayon desoleil matinier.

Un seul, car la ferme était dans un fond etentièrement entourée de verdure.

Tel était le séjour où respirait MathurineGoret, fiancée du fils de saint Louis et future reine deFrance.

Elle respirait fortement, ou plutôt elleronflait avec un tel tapage que le bruit de son nez dominait laconversation très animée des gens qui l’entouraient.

Le rayon de soleil, oblique et glissant entreles rideaux, permettait de contempler son auguste personne.

Elle dormait, vêtue d’une camisole d’indiennerouge et coiffée d’un bonnet de coton que maintenait un ruban delaine bleue ; son profil hommasse se découpait dans le noir del’alcôve avec une vigueur étrange.

Catherine-le-Grand ne pouvait être plus virileque cela.

Son nez aquilin et busqué retombait enéteignoir sur une bouche brutale où croissait une moustachehérissée ; elle avait barbe au menton dans toute la force duterme, et quoi qu’on y pût faire, sa joue, labourée de rides, étaittannée comme le cuir d’un vieux soldat.

Le reste de son visage consistait en un frontétroit et bas, demi-caché par les mèches de cheveux gris quis’échappaient du bonnet de coton et en une paire de petits yeuxrougeâtres, cachés maintenant par des paupières boursouflées.

Le nez ressortait en violet vif sur toutcela.

C’était une repoussante créature, mais quidevait avoir sa force. L’épaisse brutalité de cette physionomie aurepos n’excluait point l’intelligence.

Les lits des paysans ressemblent un peu auxlits des rois. Ils ont une ruelle.

Dans la ruelle de la Goret, il y avait unbénitier, une bouteille d’eau-de-vie, du lard et du pain ;elle s’en donnait, depuis que, suivant son expression, « elleétait pour être reine ».

Le contraste offert par les objets matérielsdans le taudis de la Maintenon normande se reproduisait ens’exagérant si l’on passait des choses aux personnes.

Tout près du lit, deux femmes admirablementbelles et dont les toilettes simples, mais marquées au cachet d’ungoût irréprochable, accusaient une position mondaine d’un rangsupérieur, se tenaient debout et semblaient attendre le réveil dela monstrueuse créature : leur souveraine.

C’était d’abord la comtesse Corona,petite-fille du colonel Bozzo, qui fut pendant quelques années unedes plus brillantes femmes de Paris, et c’était ensuite la comtessedu Bréhut de Clare.

Celle-ci, bien qu’elle eût passé déjà leslimites de la jeunesse, allait devenir la coqueluche du faubourgSaint-Germain.

Toutes deux se trouvaient ici en dehors dudrame de leur vie et jouaient, par ordre du Père-à-tous, des rôlesde comparses.

Auprès de Mme de Clare unéblouissant jeune homme, noir de cheveux, blanc de peau, tout jaiset tout ivoire, parlait bas.

On le nommait le vicomte Annibal Gioja, desmarquis Pallante.

Il venait de Naples, et savait les métiersd’Italie. Mme de Clare l’avait prêté pour être lechevalier d’honneur de la princesse Goret.

À la droite du vicomte, il y avait unprêtre.

Venaient ensuite les « demoiselles deParis », lesquelles avaient bien l’air qu’il fallait ets’entretenaient avec deux gentilshommes improvisés, les nommésCocotte et Piquepuce, honorablement connus au parquet de lacapitale.

Les « demoiselles de Paris »,titrées aussi filles d’honneur, appartenaient naturellement à lapremière noblesse du royaume. On les appelait Clorinde de Biron etJoséphine de Noirmoutiers, mais, de leur vrai nom, c’étaientMlle Pruneau, piqueuse de bretelles, et Mlle Mèche,ancienne figurante au théâtre Bobino, actuellement sansprofession.

Mèche était une drôle de petite bête,chiffonnée, éveillée, effrontée, qui méritait bien les hommages denotre ami Pistolet.

Mèche et sa compagne avaient des toilettes decour et des bijoux, chacune pour plusieurs milliers de louis.

On en aurait eu cent sous au Temple.

L’affaire était réellement montée sur uncertain pied.

Pour vous convaincre que l’affaire en valaitla peine, il vous eût suffi de passer le seuil et de vous asseoir,à droite de la porte, en dehors, sur un banc de bois qui était làboitant.

Deux personnes s’y reposaient déjà etfeuilletaient un monumental dossier, lequel contenait les extraitsdes titres de propriété composant la fortune immobilière deMathurine Goret, femme Hébrard.

Nous l’avons bien nommée : la fermière deCarabas ; en terres, métairies, forêts, moulins, prés,chènevières, landes, lopins de labours, etc., elle possédait unedemi-province.

Les contrats étaient au nombre de plus demille et passés aux noms de divers mandataires.

Ils portaient au dos la contre-lettre attachéeavec une épingle.

M. Lecoq tenait le dossier à deux mains,et ce bon petit vieillard, le colonel, toujours souriant etguilleret, le parcourait sans lunettes.

Il répétait de temps en temps :

– Prodigieux ! parole d’honneur !Deux paysans et une paysanne ! Des gens illettrés ! Quiont passé par les griffes de tant de prête-noms ! Qui ontemployé toute une armée d’hommes d’affaires ! Mon fils, notreassociation n’est jamais arrivée à un pareil résultat. J’ai hontepour les Habits Noirs.

Lecoq réfléchissait.

– Les petits moyens, murmura-t-il, le travaildes taupes… Et pas d’administration, pas dereprésentation !

– Explique cela comme tu voudras, mon fils,c’est miraculeux. On est saisi de respect au moment d’écraser unepareille sangsue !

– Il reste encore les prêts hypothécaires etles valeurs, dit Lecoq.

– Colossal ! Je jure bien que ce sera madernière affaire !

Lecoq secoua la tête et grommela entre sesdents :

– Papa, votre dernière affaire n’est pasencore dans le sac. Le prince est un imbécile. C’est un mauvaischoix. Je n’ai pas confiance.

– Un garçon si rangé ! Vous êtes un peucontre lui, mes enfants ; moi, je l’aime comme je vous aimetous : fidèlement. Mais tu sais, pour le bien commun, je lelâcherais tout de même au besoin.

Lecoq se mit à rire.

– Il faudra peut-être faire mieux que lelâcher, papa, dit-il. Nous recauserons de cela. Vous êtes unange !

Le vieux posa sa main sèche sur le robustebras de Lecoq.

– Il n’y a que toi, l’Amitié, dit-il, que jen’abandonnerai jamais !

Lecoq rit plus fort et répondit :

– Papa, je pleure d’attendrissement chaquefois que je pense à l’affection qui nous lie.

– Embrasse-moi ! s’écria lecolonel ; je te nomme mon successeur !

Il reprit en essuyant une larme :

– Saurais-tu dire combien, jusqu’à ce jour, ona déjà soutiré à la fermière ?

– De seize à dix-huit cent mille francs,répliqua Lecoq, en comptant le Château-Neuf.

– C’est joli. Et combien notre caisse a-t-ellereçu ?

– Rien. La mise en train a coûté cher, etNicolas tire la couverture.

– Notre administration nous ruine !soupira le vieux. Il n’y a pas de bonne maison qui puisse tenir àce train-là ! Un coulage effrayant ! Ça abrège monexistence.

– Bah ! fit Lecoq, ce sont des bouts dechandelle. Si la chose réussit, nous encaisserons une somme folletout d’un coup.

Le vieillard demanda :

– S’est-on occupé du fils, pour leparricide ?

Il prononça ce mot effrayant comme oncaresse.

– Le fils doit venir ce matin, répondit Lecoq.Je m’en suis mêlé, heureusement.

– Qu’est-ce que c’est que cegarçon-là ?

– Une brute. Je connais les paysans :laissez-moi mener la chose.

La réponse du vieillard fut coupée par unbruit qui s’éleva à l’intérieur de la ferme.

– Retirons-nous, dit vivement Lecoq, nous nesommes pas de ce tableau-là.

Pendant qu’ils s’éloignaient, montant lesentier qui menait au Château-Neuf, ils purent entendre la voix derogomme de la fermière disant :

– Bonjour à tous et la compagnie. Ça me faitplaisir de vous voir comme ça à mon réveil. Comment va mon promis,là-haut, à ce matin ?

– Le fils de saint Louis, répondit la comtessede Clare, envoie ses compliments affectueux à celle qu’il a daignéchoisir pour compagne.

– Pas de bon Dieu ! fit la reine, pouravoir la langue bien pendue, toi, ma comtesse, ça y est tout demême ! Je te donnerai de l’avancement. L’abbé, un petit boutde patenôtre, pas vrai, et puis on va manger la soupe.

Le chapelain, qui était un pauvre diable,donnait en plein dans « la conspiration », et prenait ausérieux ces momeries, au moins autant que Mathurine elle-même. Ils’approcha du lit et s’agenouilla devant le crucifix. Tous lesfidèles sujets de Mathurine l’imitèrent. Celle-ci prit son chapeletet ajouta :

– Faisons vite, Fanfan. Courte et bonne, lapatenôtre ! Aussitôt que la prière fut achevée, Mathurinetendit sa grosse main vers la bouteille d’eau-de-vie qui était dansla ruelle. Le reluisant vicomte Annibal Gioja s’élança pour laprévenir.

– Salut ! bel homme, lui dit MathurineGoret, es-tu assez propre, toi ! Ça embaume, tes pattesblanches. À votre santé, les comtesses, les filles d’honneur et lereste. J’ai besoin du poil de la bête, le matin, pour me remettreen goût. Et je peux boire à ma soif, dites-donc ! j’ai de quoipayer le marchand pour sûr et pour vrai !

Elle eut un gros sourire ; tout le mondes’inclina respectueusement. Le chapelain, dont le rôle se trouvaitd’autant mieux joué que le pauvre homme était dupe des pieds à latête, saisit ce moment pour porter à ses lèvres la rude main de lapataude.

– J’ai, dit-il, une bonne nouvelle à annoncerà Votre Altesse royale.

– Mon Altesse royale ! se récria laGoret. Je ne suis encore que duchesse, Fanfan. Pas debêtises ! L’étiquette avant tout !

– J’ai bien dit : Votre Altesse royale,répéta le chapelain. Les casuistes ne sont pas d’accord sur lavertu de ces mariages morganatiques. …

– Qu’est-ce qu’il dit ? s’écriaimpétueusement Mathurine. Comment qu’il appelle mon mariage !Fais attention à toi, Fanfan. Il y a de la prison pour ceux qui neme plaisent pas. Je mettrais le pape au violon, moi,vois-tu !

– Je parle, reprit l’abbé avec douceur, de cesunions de la main gauche, dont l’histoire offre malheureusementplus d’un exemple, mais qui ne laissent pas que d’effrayer maconscience…

– Bel homme, hurla Mathurine, en s’adressantau vicomte Annibal, je veux que tu aies une épée au côté ! çat’ira bien. Et un uniforme comme les bedeaux ! On paiera cequ’il faudra, sacredienne ! J’en dépense assez de cet argent,mais mon saint-frusquin ne doit rien à personne. En attendant, metscelui-là à la porte (elle montrait le chapelain de son doigttremblant). Il a été malhonnête avec Ma Majesté !

Elle s’arrêta au milieu du juron qui ponctuaitcette phrase. La colère la suffoquait déjà. Le chapelain ditprécipitamment :

– Votre Altesse royale ne m’a pas compris. Endeux mots, j’ai fait partager mes scrupules à monseigneur, et ilconsent à vous épouser selon la loi ordinaire de l’Église.

– Et à la mairie aussi ? balbutia laGoret émue jusqu’au transport.

– Et à la mairie aussi, répéta lechapelain.

Ceci était une modification au premier plandes Habits Noirs qui s’étaient aperçus bien vite des difficultésprésentées par la vente simultanée d’une si grande masse depropriétés. Renonçant à l’idée impossible de se faire livrer, de lamain à la main, les biens de la Goret, ils avaient résolu d’obtenirle même résultat à l’aide d’un contrat de mariage contenantdonation mutuelle et entière au dernier vivant des deux époux.

Pour cela, il fallait un mariage civil, et, endéfinitive, l’héritier de tant de rois s’appelant de son vrai nomLouis-Joseph-Nicolas, rien n’empêchait de faire de la Goret uneMme Nicolas devant la municipalité.

Elle était, Dieu merci, toute portée àregarder ce nom comme un leurre jeté à la police de soncompétiteur, Louis-Philippe, soi-disant roi des Français.

On ne pouvait pas, évidemment, sans risquerl’exil et peut-être la mort, inscrire sur un registre de mairiecette redoutable mention : « Louis-Joseph de Bourbon,fils du Dauphin de France. » Il y a des choses qui sautent auxyeux.

Quant à la formule de donation au derniervivant des deux époux, nous allons voir tout à l’heure comment lesHabits Noirs l’entendaient. C’était le côté fort de lacombinaison.

Comme ces admirables mécaniques qui nonseulement marchent toutes seules, mais encore se règlent, sechauffent, se dirigent et se corrigent d’elles-mêmes, lacombinaison inventée par le colonel (c’était sa dernière affaire)tuait la Goret, ouvrait sa succession et payait la loi dumême temps.

Les Américains n’ont rien fait de mieux depuislors.

Pour le coup, Mathurine fut contente.

– Fanfan, dit-elle à l’abbé, je te permets debaiser la main de Mon Altesse royale. Les deux mains si tu veux, tues une bonne bête, sais-tu ? Pas de bon Dieu ! Je nedisais rien pour ne pas vexer monseigneur qu’a bien déjà assez decailloux dans ses chaussettes, mais ça me chiffonnait, ce mariagemor… morga… morga quoi, Fanfan ? Enfin, n’importe !J’aime mieux être princesse que duchesse, pas vrai ? Le gradeest plus calé. Verse un peu à boire, bel homme. Je suis bien aise,sacredienne ! À la santé de la compagnie !

Elle siffla son verre, et sauta hors du litsans crier gare : les reines peuvent se montrer comme descorps saints, et pendant que les demoiselles de Paris lui mettaientses gros bas de laine, elle écorcha un couplet gaillard à fairedresser les cheveux.

– Appelez-moi tous ensemble : Mon Altesseroyale ! s’écria-t-elle en lançant son bonnet de coton auplafond. Hein ! les comtesses ! ça vous met bienbas ! Bel homme, viens çà et réponds droit. Y a desmanigances, je sais ça. Est-ce qu’un roi qu’a monté sur son trônepourrait renvoyer sa reine, mariée devant le maire et qu’auraitavec ça un bon contrat de mariage en règle ?

– Non, certes, répondit le vicomteAnnibal.

– Je veux deux notaires, quatre notaires, unedouzaine de notaires à mon contrat, pour que ça tienne plusdur ! On paiera ce qu’il faut.

Ici, elle repoussa avec énergie le bassin àlaver que la comtesse Corona lui présentait.

– Toi, gimblette, lui dit-elle fièrement, tusauras que les reines, c’est jamais malpropre. Lave-toi si tu veux,ma fille, tu n’es qu’une simple noble.

Elle rayonnait d’allégresse et d’orgueil. Salaideur avait une auréole. Elle atteignait à un excès de comiquequi faisait peur.

– Allons ! allons ! s’écria-t-elletout à coup, je vas mettre une jupe neuve et ma camisole dudimanche ! tout à cuire et à bouillir, quoi ! Simonseigneur est pressé, j’irai avec lui au château avant l’égliseet avant la mairie. Coupe ta langue, Fanfan, et ne dis pas quec’est péché. Tu n’entends goutte aux affaires. Les princesses, çan’a pas de loi… quoiqu’elles ne peuvent pas boire une bouteille deplus que leur soif, et c’est bête. En avant, ceux qu’ont des sous àdemander. J’en ai vendu déjà des lopins de bonne terre, mais quandn’y en a plus y en a encore. Et, jarnigodichon, nom d’une pipe à labroche ! mes domestiques que vous êtes, j’ai assez quêtaillépar les routes avant d’être la chacune d’un monarque ! Je neveux plus rien devoir à personne. Arrivez ! À qui letour ?

La comtesse de Clare, Annibal et Piquepuces’approchèrent d’elle à la fois. Chacun d’eux avait un papier à lamain. Mathurine prit ces papiers l’un après l’autre et y cherchadeux choses : la somme totale et le cachet de son royalfiancé. Bien qu’elle ne sût point lire l’écriture, elle ne setrompait jamais aux chiffres.

La note de la comtesse était pour laconspiration, celle du cavalier Gioja pour les affairespersonnelles du fils de saint Louis, celle de Piquepuce pour lechâteau et les dépenses des « gens de Paris ».

– C’est cher, dit la Goret gaiement, nousallons bien ! mais après moi la fin du monde ! nousn’avons que nous à penser !

Elle prit sous son traversin une grosse clefrouillée et ouvrit la huche qui servait de montoir à son lit.

C’était un coffre épais et doublé de fer àl’intérieur.

Il contenait de hautes piles de pièces de cinqfrancs en argent, et même des écus de six livres. L’or était dansun coin ; il y avait aussi plusieurs fortes liasses de billetsde banque.

Ce fut aux billets de banque que la Gorets’adressa, après avoir caressé du regard les piles de pièces decent sous.

– Voilà huit jours, dit-elle, tout ça était dela bonne terre, avec du bon bois dessus, oui !

Elle soupira. – Mais elle donna un grand coupde poing dans les piles d’or et se prit à remuer le tout à largespoignées comme on brasse la pâte pour faire le pain.

– À la boulange ! à la boulange !fit-elle le sang au front et l’ivresse par tout le corps, c’estdoux aux mains, ça chante. Si je voulais, je remplirais de piècesblanches et jaunes un coffre haut comme la maison ! Et nom denom de nom ! je le ferai quand je serai reine, ou pas de bonDieu !

La comtesse Corona lui toucha le bras.

– Voici un jeune homme, dit-elle, qui demandeà parler à Son Altesse royale.

La Goret se retourna.

Sur le seuil, il y avait un misérable garçonvêtu de haillons, qui regardait le coffre d’un air stupide.D’écarlate qu’elle était, la Goret devint toute blême.

– Que viens-tu faire ici, gredin ?demanda-t-elle en un cri qui s’étrangla dans son gosierapoplectique.

– Ma m’man, répondit le pauvre diable enbaissant ses yeux mouillés, j’ai grand-faim et j’ai grand-soif. Ilsm’ont mis dehors chez les Mathieu pour trente-cinq sous que je leurdois de vaisselle cassée.

– Mes domestiques ! cria Mathurine,secouée de la tête aux pieds par sa colère folle ;battez-le ! chassez-le ! c’est un coquin qui meruine ! Ah ! vilain ! ah ! vagabond !Trente-cinq sous ! Va-t’en ! je te maudis ! je terenie ! je te condamne à mort !

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