Chapitre 3Le cauchemar
Poil de Carotte n’aime pas les amis de la maison. Ils ledérangent, lui prennent son lit et l’obligent à coucher avec samère. Or, si le jour il possède tous les défauts, la nuit il aprincipalement celui de ronfler. Il ronfle exprès, sans aucundoute.
La grande chambre, glaciale même en août, contient deux lits.L’un est celui de M. Lepic, et dans l’autre Poil de Carotte vareposer, à côté de sa mère, au fond.
Avant de s’endormir, il toussote sous le drap, pour déblayer sagorge. Mais peut-être ronfle-t-il du nez? Il fait souffler endouceur ses narines afin de s’assurer qu’elles ne sont pasbouchées. Il s’exerce à ne point respirer trop fort.
Mais dès qu’il dort, il ronfle. C’est comme une passion.
Aussitôt madame Lepic lui entre deux ongles, jusqu’au sang, dansle plus gras d’une fesse. Elle a fait choix de ce moyen.
Le cri de Poil de Carotte réveille brusquement M. Lepic, quidemande:
-Qu’est-ce que tu as?
-Il a le cauchemar, dit madame Lepic.
Et elle chantonne, à la manière des nourrices, un air berceurqui semble indien.
Du front, des genoux poussant le mur, comme s’il voulaitl’abattre, les mains plaquées sur les fesses pour parer le pinçonqui va venir au premier appel des vibrations sonores, Poil deCarotte se rendort dans le grand lit où il repose, à côté de samère, au fond.