Poil de carotte

Chapitre 34Les prunes

Quelque temps agités, ils remuent dans la plume et le parraindit:

-Canard, dors-tu?

Poil de Carotte: Non, parrain.

Parrain: Moi non plus. J’ai envie de me lever. Si tu veux, nousallons chercher des vers.

-C’est une idée, dit Poil de Carotte.

Ils sautent du lit, s’habillent, allument une lanterne et vontdans le jardin.

Poil de Carotte porte la lanterne, et le parrain une boîte defer-blanc, à moitié pleine de terre mouillée. Il y entretient uneprovision de vers pour se pêche. Il les recouvre d’une moussehumide, de sorte qu’il n’en manque jamais. Quand il a plu toute lajournée, la récolte est abondante.

-Prends garde de marcher dessus, dit-il à Poil de Carotte, vadoucement. Si je ne craignais les rhumes, je mettrais deschaussons. Au moindre bruit, le ver rentre dans son trou. On nel’attrape que s’il s’éloigne trop de chez lui. Il faut le saisirbrusquement, et le serrer un peu, pour qu’il ne glisse pas. S’ilest à demi rentré, lâche-le: tu le casserais. Et un ver coupé nevaut rien. D’abord il pourrit les autres, et les poissons délicatsles dédaignent. Certains pêcheurs économisent leurs vers; ils onttort. On ne pêche de beaux poissons qu’avec des vers entiers,vivants et qui se recroquevillent au fond de l’eau. Le poissons’imagine qu’ils se sauvent, court après et dévore tout deconfiance.

-Je les rate presque toujours, murmure Poil de Carotte et j’ailes doigts barbouillés de leur sale bave.

Parrain: Un ver n’est pas sale. Un ver est ce qu’on trouve deplus propre au monde. Il ne se nourrit que de terre, et si on lepresse, il ne rend que de la terre. Pour ma part, j’enmangerais.

Poil de Carotte: Pour la mienne, je te la cède. Mange voir.

Parrain: Ceux-ci sont un peu gros. Il faudrait d’abord les fairegriller, puis les écarter sur du pain. Mais je mange crus lespetits, par exemple ceux des prunes.

Poil de Carotte: Oui, je sais. Aussi tu dégoûtes ma famille,maman surtout, et dès qu’elle pense à toi, elle a mal au coeur.Moi, je t’approuve sans t’imiter, car tu n’es pas difficile et nousnous entendons très bien.

Il lève sa lanterne, attire une branche de prunier et cueillequelques prunes. Il garde les bonnes et donne les véreuses àparrain qui dit, les avalant d’un coup, toutes rondes, noyaucompris;

-Ce sont les meilleures.

Poil de Carotte: Oh! je finirai par m’y mettre et j’en mangeraicomme toi. Je crains seulement de sentir mauvais et que maman ne leremarque, si elle m’embrasse.

-Ça ne sent rien, dit parrain, et il souffle au visage de sonfilleul.

Poil de Carotte: C’est vrai. Tu ne sens que le tabac. Parexemple tu le sens à plein nez. Je t’aime bien, mon vieux parrain,mais je t’aimerais davantage, plus que tous les autres, si tu nefumais pas la pipe.

Parrain: Canard! canard! ça conserve

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