Anna Karénine – Tome II

Chapitre 4

 

Lvof, le mari de Nathalie, chez lequel Levinese rendit en quittant l’Université, venait de se fixer à Moscoupour y surveiller l’éducation de ses jeunes fils ; lui-mêmeavait fait ses études à l’étranger, et avait passé sa vie dans lesprincipales capitales de l’Europe, où l’appelaient des fonctionsdiplomatiques. Malgré une différence d’âge assez considérable etdes opinions très dissemblables, ces deux hommes s’étaient prisd’amitié l’un pour l’autre.

Levine trouva son beau-frère en tenued’intérieur, lisant avec un pince-nez, debout devant unpupitre ; le visage de Lvof, d’une expression encore pleine dejeunesse, et auquel une chevelure frisée et argentée donnait un airaristocratique, s’éclaira d’un sourire en voyant entrer Levine, quine s’était pas fait annoncer.

« J’allais envoyer prendre des nouvellesde Kitty, dit-il ; comment va-t-elle ? et il avança unfauteuil américain à bascule. Mettez-vous là, vous y serez mieux.Avez-vous lu la circulaire du Journal deSaint-Pétersbourg ? Elle est fort bien »,demanda-t-il avec un léger accent français.

Levine raconta ce qui lui avait été dit desbruits en circulation à Pétersbourg, et, après avoir épuisé laquestion politique, il conta son entretien avec Métrof, et laséance de l’Université.

« Combien je vous envie vos relationsavec cette société de professeurs et de savants ! dit Lvof quil’avait écouté avec le plus vif intérêt. Je ne pourrais, il estvrai, en profiter comme vous, faute de temps et d’une instructionsuffisante.

– Je me permets de douter de ce dernier point,répondit en souriant Levine, que cette humilité toucha par sasimplicité.

– Vous ne sauriez croire à quel point je leconstate, maintenant que je m’occupe de l’éducation de mesfils ; non seulement il s’agit de me rafraîchir la mémoire,mais il me faut refaire mes études. Vous en riez ?

– Bien au contraire, vous me servez d’exemplepour l’avenir, et j’apprends en vous voyant avec vos enfantscomment il me faudra remplir mes devoirs envers les miens.

– Oh ! l’exemple n’a rien deremarquable.

– Si fait, car jamais je n’ai vu d’enfantsmieux élevés que les vôtres. »

Lvof ne dissimula pas un sourire desatisfaction. En ce moment la belle Mme Lvof, entoilette de promenade, les interrompit.

« Je ne vous savais pas ici, dit-elle àLevine ; comment va Kitty ? Vous savez que je dîne avecelle aujourd’hui ? »

Les plans de la journée furent discutés entreles époux, et Levine s’offrit pour accompagner sa belle-sœur auconcert. Au moment de partir il se rappela la commission de Kittyau sujet de Stiva.

« Oui, je sais, dit Lvof, maman veut quenous lui fassions de la morale, mais que puis-je luidire ?

– Eh bien, je m’en charge », s’écriaLevine en souriant, et il courut rejoindre sa belle-sœur, quil’attendait au bas de l’escalier, enveloppée de ses fourruresblanches.

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