Anna Karénine – Tome II

Chapitre 1

 

Daria Alexandrovna accepta la proposition quelui firent les Levine de passer l’été chez eux, car sa maison deYergoushovo tombait en ruines ; Stépane Arcadiévitch, retenu àMoscou par ses occupations, approuva fort cet arrangement, ettémoigna un vif regret de ne pouvoir venir que de loin en loin.Outre les Oblonsky et leur troupeau d’enfants, les Levine eurent lavisite de la vieille princesse, qui se croyait indispensable auprèsde sa fille à cause de la situation de celle-ci ; ilseurent encore Warinka, l’amie de Kitty à Soden, et Serge Ivanitch,qui, seul parmi les hôtes de Pakrofsky, représenta la familleLevine, bien qu’il ne fût Levine qu’à moitié : Constantin,quoique fort attaché à tous ceux qui logeaient sous son toit, sesurprit à regretter un peu ses habitudes d’autrefois, en constatantque « l’élément Cherbatzky », comme il l’appelait, étaitbien envahissant. La vieille maison, déserte si longtemps, n’avaitpresque plus de chambre inoccupée ; chaque jour, en se mettantà table, la princesse comptait les convives, afin de ne pas risquerd’être treize, et Kitty, en bonne ménagère, mit tous ses soins às’approvisionner de poulets et de canards, pour satisfaire auxappétits de ses hôtes, que l’air de la campagne rendait exigeants.La famille était à table, et les enfants projetaient d’allerchercher des champignons avec la gouvernante et Warinka, lorsque,au grand étonnement de tous, Serge Ivanitch témoigna le désir defaire partie de l’expédition.

« Permettez-moi d’aller avec vous, dit-ilen s’adressant à Warinka.

– Avec plaisir », répondit celle-ci enrougissant. Kitty échangea un regard avec Dolly. Cette propositionconfirmait une idée qui les préoccupait depuis quelque temps.

Après le dîner les deux frères causèrent, touten prenant la café, mais Kosnichef surveillait la porte parlaquelle les promeneurs devaient sortir, et, dès qu’il aperçutWarinka, en robe de toile, un mouchoir blanc sur la tête, ilinterrompit la conversation, avala le fond de sa tasse, ets’écria : « Me voilà, me voilà, BarbeAndrevna. »

« Que dites-vous de ma Warinka ?N’est-ce pas qu’elle est charmante ? dit Kitty, s’adressant àson mari et à sa sœur, de façon à être entendue de SergeIvanitch.

– Tu oublies toujours ton état, Kitty ;il est imprudent de crier ainsi », interrompit la princesse,sortant précipitamment du salon. Warinka revint sur ses pas enentendant réprimander son amie ; elle était animée, émue ettroublée ; Kitty l’embrassa et lui donna mentalement sabénédiction.

« Je serais très heureuse si certainechose arrivait, lui murmura-t-elle.

– Venez-vous avec nous ? demanda la jeunefille à Levine pour dissimuler son embarras.

– Oui, jusqu’aux granges ; j’ai denouvelles charrettes à examiner. Et toi, où seras-tu ?demanda-t-il à sa femme.

– Sur la terrasse. »

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