La Baronne trépassée

Chapitre 4

 

Le roi gagna les marais au milieu desquels la Vistule s’enfonceavant de s’unir à la mer. Il demeura caché tout un long jour dansune chaumière de paysans, et ne se remit en route que la nuitsuivante.

Enfin, après dix nuits semblables, dix nuits de périlscontinuels, passant à travers les retranchements des Russes et desImpériaux, dormant mal, mangeant à peine et toujours escorté parSteinflich et le baron, il parvint à toucher le bord du Nogat.

Là, Steinflich quitta le roi, mais le baron voulut l’accompagnerencore.

Le roi passa le Nogat avec lui ; puis, arrivé sur l’autrerive, il gagna un village nommé Bialagora, où il acheta un chariotet un cheval.

Deux jours après, dans cet équipage, le roi Stanislas de Polognefit son entrée dans Marienwerder. Il était hors de danger et loinde la hache des Russes. Alors le baron prit congé de lui.

– Adieu, Sire, lui dit-il.

– Vous me quittez ?

– Je retourne à mon poste, Sire.

– Hélas ! fit le roi avec un triste sourire, je n’aiplus de royaume et je suis le plus pauvre des Polonais. Je n’aidonc à vous offrir ni dignités, ni fortune pour vous retenir auprèsde moi, et je vous laisse.

– Sire, dit fièrement le baron, si j’étais polonais, Dieum’est témoin que je voudrais vous suivre au bout du monde,dussions-nous l’un et l’autre manquer d’abri et de pain. Mais jesuis au roi de France, et je n’ai fait que le servir en vousescortant.

Le roi tendit la main. Nossac fléchit un genou et la baisa. Puisil s’inclina et alla préparer son départ.

Dans l’hôtellerie où il était descendu, venait d’arriver unznapan couvert de poussière et paraissant avoir fait unelongue route. Il demanda à parler au baron.

Le baron était toujours revêtu de ses habits de paysan, mais leznapan alla vers lui et lui dit :

– Mon général, je viens à vous de la part du généralSteinflich.

– Pourquoi cela ? demanda le baron entressaillant.

– Pour vous avertir qu’une embuscade est dressée surl’autre rive du Nogat.

– Et cette embuscade ?

– Pour vous, mon général. Les Russes se sont promis de vousfaire payer cher l’enlèvement du roi Stanislas.

– En sorte que je dois rester ici ?

– Oui, mon général, à moins que…

– À moins ? interrogea Nossac.

– À moins que vous n’ayez confiance en moi pour vousaventurer en ma compagnie, dans l’intérieur des terres ou desforêts. Je connais des chemins où les Russes ni les Impériaux nepasseront jamais, et vous promets qu’avant quinze jours vous serezaux frontières de Prusse et pourrez vous embarquer.

– Morbleu ! s’exclama le baron, j’aime tout autantcela.

Et il quitta son déguisement, se procura des vêtementsconvenables et un cheval, puis dit au znapan :

– Nous partirons dès demain avant le jour, si tuveux.

Le znapan s’inclina et réprima un diabolique sourire,qui venait sur ses lèvres, tandis qu’il murmurait à partlui :

– Le château des veneurs noirs est loin encore… Mais nous yarriverons !

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