La Guerre

SCÈNE III

 

Les précédents, le général russe, le vieillard

 

Le vieillard. – Ainsi, général,c’est une chose positive : je puis en informer le Comitéroyaliste ?

Le général. – Oui, monsieur lecomte. Nous sommes aujourd’hui le 10 septembre. Le 16 et le 17l’armée se concentrera à Bellinzona. Le 19 nous attaquerons leSaint-Gothard ; le 20 et le 21 nous pousserons l’ennemi dansla vallée de la Reuss ; le 22 nous serons maîtres d’Altdorf,où Linken et Jellachich doivent nous attendre ; le 24 nousbattrons Masséna, et six semaines après nous entrerons à Paris.

Le comte. – Dieu vous entende,général.

Le général. – Il n’y a pas lemoindre doute à concevoir. Tout a été prévu par lefeld-maréchal ; les ordres les plus précis ont été expédiés augénéral Korsakow d’attaquer Masséna de front le 24, pendant quenous le prendrons à revers…

Le comte. – Je vous crois,général… J’ai la confiance la plus absolue dans le génie del’illustre feld-maréchal Souworow… mais cette marche de toute unearmée, – qui traîne des canons et des bagages, – à travers les plushautes montagnes de l’Europe, où l’ennemi s’est fortifié depuisdeux mois, me paraît tellement extraordinaire…

Le général, souriant et luiposant la main sur le bras. – Nous connaissons exactement laforce et les positions de l’ennemi. L’officier qui a porté àKorsakow les ordres du feld-maréchal a traversé, en revenant, lavallée de la Reuss et le massif du Saint-Gothard. Il a toutvu !… Quant aux bagages, à la grosse artillerie, ils fileront,sur les Grisons, par Chiavenna. Nous ne prendrons avec nous que lespièces de montagne, transportables à dos de mulet. – Je vous lerépète, monsieur le comte, vous pouvez écrire au Comité royalistede se tenir prêt à nous appuyer vigoureusement… Qu’il envoie desagents en Alsace et en Lorraine… Qu’il prépare un mouvement àParis.

Le comte. – Général, lesroyalistes sont prêts ; ils n’attendent que l’entrée dufeld-maréchal Souworow en France, pour courir aux armes etproclamer Sa Majesté Louis XVIII. Nos agents remplissent lesadministrations ; nous avons des intelligences dans lesministères et dans le Directoire : si l’armée de Massénamanque de vêtements et de vivres, si elle meurt littéralement defaim au milieu des neiges de la Suisse, c’est au Comité royalistequ’en revient l’honneur. Du reste, la France est lasse de ceridicule système de liberté et d’égalité.

Le général. – En ce cas, tout iraplus vite encore que nous ne l’espérions. (Tendant la main aucomte.) Au revoir donc, monsieur le comte ; àbientôt.

Le comte, lui serrant lamain. – Au revoir, général.

(Le général s’éloigne.)

Le général, se retournant aumoment de sortir, et criant. – À Paris… dans six semaines…

Le comte. – À Paris !…

(Le général fait de la main un gested’adieu et sort par la gauche ; le comte se perd dans lafoule. Jonas et Zampieri ont entendu les dernières paroles duvieillard et du général.)

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