SCÈNE PREMIÈRE
Rheinwald, Zernest. –Officiers d’état-major. Quelques hussards dehors, leurs chevauxen main et prêts à partir. Groupes de paysans et de paysannes dansl’attente, sur les côtés.
Rheinwald, après avoirparcouru un ordre, appelant. – Chaussier ?
Un hussard, entrant.–Voilà, mon général.
Rheinwald, signant etcachetant. – Vous allez porter ça, d’un temps de galop, àBremgarten. Vous direz au bourgmestre que si la réquisition n’estpas prête au petit jour, il recevra notre visite… Vousm’entendez ?
Le hussard. – Oui, mongénéral.
(Il sort.)
Rheinwald, prenant un secondordre et le parcourant. – Ces braves Suisses se figurent queles armées de la République peuvent vivre de l’air du temps.(Appelant.) Maréchal des logis Trubert ! (Unmaréchal des logis de hussards entre.) Combien avez-vousd’hommes ?
Le maréchal des logis. – Cinqhommes de l’escadron, mon général.
Rheinwald, signant.–Cela suffit. Vous allez prendre à Mellingen un convoi de poudre.Voici l’ordre que vous remettrez au chef du parc d’artillerieVaubois ; vous escorterez les six fourgons jusqu’auxavant-postes de Dietikon, sans retard.
Le maréchal des logis, s’enallant. – C’est bon, mon général.
Rheinwald, criant.– Ayezl’œil à ce que vos hommes ne fument pas leur pipe.
Le maréchal des logis,sortant. – On connaît la consigne.
Rheinwald, appelant.–Michau ?
Un chasseur, entrant.–Mon général.
Rheinwald. – Tu saislire ?
Le chasseur. – Oui, mongénéral.
Rheinwald, lui présentantdeux ordres. – Lis ça.
Le chasseur, lisant.– Auchef d’escadron Foy. Au commandant Barré.
Rheinwald, riant.– Tulis comme un ancien. Eh bien, tu vas porter ces deux ordres au chefd’escadron Foy à Dietikon, et au commandant Barré à Brugg. Danstrois heures, il faut que chacun ait son affaire. Tâche de ne paste tromper.
Le chasseur, s’enallant. – Pas de danger… c’est trop bien écrit.
Rheinwald, se levant, àZernest. – Eh bien, tous nos ordres sont expédiés,commandant ?
Zernest. – Oui, général.
Rheinwald, apercevant lespaysans qui regardent aux fenêtres, dehors. – Hé !maréchal des logis Forbin, écartez donc ces gens-là. Tout à l’heureils vont nous envahir.
(On écarte les paysans.)
Zernest. – La faim lesenhardit.
Rheinwald. – Ils ne trouverontrien ici… Nous sommes aussi pauvres qu’eux ! (Sepromenant.) C’est égal, on a beau dire, la République ne nousdore pas sur tranches ; le vertueux Barras compte un peu tropsur la bêtise du soldat.
Zernest. – Quel tas de gueux, ceDirectoire ! Quand nous sommes ici depuis six mois, – ladernière armée de la République, – nous laisser périr de faim… nouspayer avec du papier dont personne ne veut plus !
Rheinwald. – Eh ! ce n’estpas le Directoire qu’il faut accuser, c’est le ministre de laguerre, Bernadotte. Cet homme-là nous a fait plus de mal que toutel’armée autrichienne.
Zernest. – Il espérait découragerMasséna, et lui succéder dans le commandement.
Rheinwald. – Oui !… ceGascon ne doute plus de rien, depuis qu’il s’est allié à la familleBonaparte.
(On entend au loin le cri de : –« Qui vive ! » – Rheinwalds’arrête.)
Un officier, qui vient desortir, rentrant. – Un courrier sur la route de Bâle.
Rheinwald, reprenant sapromenade. – Les courriers ne manquent pas ; c’est plusfacile à nous expédier que des espèces.
Zernest, à la fenêtre. –Il arrive au quartier général.
Rheinwald, riant.– Ilnous apporte l’ordre de livrer bataille ; ce sera le troisièmedepuis un mois.
(Le courrier s’arrête devant les fenêtres.Il descend de cheval.)