La Guerre

SCÈNE PREMIÈRE

 

Le Conseil, le président, le rapporteur,
le public des galeries

 

Cris dans les tribunes, àdroite. – La dépêche !… La dépêche !…

Une voix dans les tribunes, àgauche. – Il n’y a pas de dépêche.

Autre voix, à droite. –On ne dit rien… l’armée est en déroute !

Cris nombreux, à gauche.– À la porte les muscadins !… à la porte lesalarmistes !

Le président. – Silence auxtribunes ! (Au rapporteur.) Continuez, citoyenrapporteur.

Le rapporteur. – Il estimpossible de se faire entendre.

Le président, agitant sasonnette. – Citoyens représentants, écoutez la lecture durapport ; la matière est sérieuse, elle mérite toute votreattention.

Une voix dans les galeries, àdroite. – Une dépêche du général Masséna est arrivée ce matinau Luxembourg.

Autre voix, à gauche. –Non, il n’y a pas de dépêche… Écoutez !…

Le président. – Je vais faireévacuer les tribunes.

Un représentant, de saplace. – On assure qu’une dépêche est arrivée ce matin auDirectoire exécutif ; pourquoi ne nous est-elle pascommuniquée ?

Une voix dans les tribunes, àdroite. – La bataille est perdue… Souworow est en marchesur Paris !

(Grande rumeur ; le président agitesa sonnette.)

Cris dans les tribunes, àdroite. – La dépêche !… La dépêche !…

Un représentant. – Depuis deuxjours, l’avis d’une bataille décisive court de bouche enbouche ; des bruits sinistres se répandent… les factionsroyalistes s’agitent… le silence du Directoire nousaccable !

Un autre. – On nous cache lasituation.

Un autre, avec force. –Si la patrie est en danger, qu’on le déclare !

Le président. – Citoyensreprésentants, quelles que soient les circonstances, vous devezl’exemple du calme au pays. Je n’ai reçu aucune communication duDirectoire exécutif.

Cris dans les tribunes, àdroite. – La dépêche !…

Le président, auxhuissiers. – Faites évacuer les tribunes !

(Les huissiers descendent à droite. Aumême instant, un envoyé du Directoire se présente à la porte degauche, une dépêche à la main. Grandes acclamations au dehors.Silence dans la salle. L’envoyé remet sa dépêche à un secrétaire,qui la porte au président. Dehors, les acclamationsredoublent.)

Voix nombreuses. –Écoutez !… écoutez !…

Le président, ouvrant ladépêche. – Communication du Directoire exécutif au Conseil desAnciens. Dépêche du général Masséna.

(Il se lève. – Grande rumeur,suivie d’un profond silence.)

Le président, lisant.–« Le général en chef de l’armée d’Helvétie au Directoireexécutif.

» Quartier général de Zurich.

» Citoyens directeurs,

» Le sort de la campagne est décidé. Lespuissances coalisées avaient réuni trois armées, pour envahirl’Helvétie et pénétrer en France. En deux jours, nous avonsconfondu leurs projets. Nous avons franchi la Limmat, anéantil’armée de Korsakow, pris tous ses canons, ses bagages, son trésor,et enlevé de vive force Zurich, où il a laissé six milleprisonniers et trois généraux blessés. »

(Bruyantes acclamations.)

Voix nombreuses dans lestribunes, à droite. – Silence !…silence !…

(Nouvelles acclamations plusvives.)

Un représentant, selevant. – La République est sauvée !

Un autre. – Vive Masséna !(Le silence se rétablit.)

Le président, continuant salecture. – « Nous avons franchi la Linth et battu l’arméeautrichienne. Nous lui avons fait trois mille cinq centsprisonniers, et pris vingt pièces de canon. Son général en chef estresté sur le champ de bataille. – L’armée de Souworow… »

Voix nombreuses dans lestribunes, à droite. – Ah ! ha !…

Cris violents dans toute lasalle. – Silence !… silence… À la porte lesroyalistes !

(Profond silence. – Acclamationsau dehors.)

Le président,reprenantd’une voix plus forte. – « L’arméede Souworow, après avoir forcé le Saint-Gothard, s’était avancéejusqu’à Altorf. Nous l’avons battue dans la vallée de Mutten ;nous lui avons enlevé un drapeau et deux canons. Forcée à uneretraite précipitée, elle a abandonné à notre générosité sesblessés, parmi lesquels un général et nombre d’officiers. Rejetéesur Glaris, nous l’avons encore battue ; nous lui avons faitquinze cents prisonniers, pris un drapeau et tué un général.N’espérant de salut que dans la fuite, Souworow s’est jeté dans lesGrisons, en nous abandonnant encore quinze cents prisonniers. Il aperdu en outre son artillerie et ses bagages. »

Tous les représentants, selevant comme un seul homme. – Vive la République !

(Immense acclamation au dehors et dans lestribunes de gauche.)

Le président,continuant.– « Sur le Rhin, les débris des corpsbattus, renforcés par le corps bavarois du général Nauendorf et parcelui de Condé, ont tenté vainement une nouvelle attaque. Nousétions déjà là pour la recevoir. Du côté de Schaffhouse, nous leuravons fait quinze cents prisonniers, pris des drapeaux, des canons,et tué un général. À Constance, nous avons fait des prisonniers,enlevé le drapeau des grenadiers de Bourbon, plusieurs pièces decanon, et tué deux généraux du corps de Condé. Tel est, citoyensDirecteurs, le résultat général de la bataille de Zurich. À demainde plus amples détails, et les citations à l’ordre du jour. – Salutet respect. Masséna. » (Levant la dépêche.) Vivel’armée d’Helvétie !…

Tous les députés, selevant. – Vive l’armée d’Helvétie !… Vive Masséna !…Vive la République !…

(Un coup de canon retentit. Lesacclamations redoublent. La foule du dehors envahit les tribunes,en chantant la Marseillaise.)

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