La Guerre

SCÈNE VIII

 

Les précédents, moinsl’officier

Hattouine, àl’estafette.– Hé ! hé ! tu n’as pas l’aird’avoir trop chaud, cosaque !

Le cosaque. – Non,matouchka, non, je n’ai pas chaud.

Hattouine. – Attache ton cheval,et viens te chauffer… Viens prendre un verre de schnaps.

Le cosaque, attachant soncheval au pilier du hangar. – Je veux bien,matouchka… Oh ! ho !

(Il grelotte.)

Ogiski. – Tu asl’onglée ?

Le cosaque. – Oui, l’air estplein de grésil, et quand on galope cinq heures, ça vous entre dansle sang. (Il boit.) Hé ! ceci fait du bien !… Çaréchauffe.

(Il rend le gobelet à Hattouine et veut lapayer.)

Hattouine. – Garde teskopecks… C’est le schnaps de Souworow que je verse… Ilfera remplir la tonne… Garde tes kopecks !

Le cosaque. – Alors, Dieu te lerende, et à Souworow.

(Il remet les kopecks dans sa poche et sechauffe, les mains étendues sur la flamme.)

Ogiski. – Tu as couru cinqgrandes heures… C’est dur, la nuit, et sur des pentesglissantes.

Le cosaque. – Oui, pope, c’estdur ! Les chevaux glissent malgré les pointes de fer ;ils tremblent. Il faut toujours serrer la bride, et le vent vouscoupe la figure.

Ogiski. – Il se passe donc deschoses graves là-bas, pour faire courir tellement le pauvremonde ?

Le cosaque. – Non, pope, je viensdire que tout va bien ; les républicains seront bientôttournés.

Ogiski. – Tournés !…Comment… Par qui ?

Le cosaque. – Par la colonne dugénéral autrichien Auffemberg, qui est partie d’Ilanz, pendant queSouworow attaquait le Gothard. Les républicains ne se doutent derien ; ils sont de l’autre côté du pont, et ne savent pasqu’Auffemberg s’avance derrière eux.

Ogiski. – Combiensont-ils ?

Le cosaque. – Huit ou neuf cents,au pied du Saint-Gothard, avec leur général Gudin ; maisquatre à cinq mille autres viennent à leur secours par la vallée dela Reuss, avec le général Lecourbe ; et, quand ils serontréunis, on les attaquera devant et derrière. Ils seront forcés demettre bas les armes.

Hattouine, riant touthaut. – Ha ! ha ! ha ! c’est un tour deSouworow… Voyez-vous… voyez-vous la malice du vieux renard !Plus il devint vieux, plus il attrape de finesse… Ah !vont-ils être étonnés, les républicains… Ha ! ha !ha ! vont-ils être étonnés ! (Elle rit auxéclats.) Tu ne ris pas, pope ; tu ne comprends pas…

Ogiski, se mettant àrire. – Hé ! hé ! hé ! oui je comprends…Auffemberg arrive derrière… Mais par où… par où ?

Le cosaque. – Par la droite,pope. Tiens, voici la montagne (il montre du pied) :Auffemberg est ici, sur la droite de la Reuss, les républicainssont là, sur la rive gauche ; ils remontent la vallée pourvenir rejoindre ceux que vous avez repoussés du Gothard, et quandils auront tous défilé, demain matin, vers sept ou huit heures,Auffemberg passera le pont d’Amsteig avec deux mille hommes et lesattaquera par derrière, pendant que les dix-huit mille de Souworowdescendront la montagne et les attaqueront en face. Ils n’aurontpas de retraite.

Hattouine,sessuyant les yeux de la manche. – Ah !vieux Souworow ! j’étais sûre que tu ferais un bon tour auxrépublicains… ça ne pouvait pas manquer !

(L’officier ressort en ce moment de lagrange et regarde.)

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