SCÈNE II
Les précédents, Ivanowitche, dragons
Ivanowitche. – Halte !(Sautant à bas de son cheval, et courant à Ivanowna.)Ivanowna !. (Il l’embrasse. – ApercevantHattouine.) La matouchka… Ah ! je suis contentde vous voir !
Ivanowna. – Tu n’es pasblessé ?
Ivanowitche. – Non, je n’airien…
Ivanowna. – Oh ! j’avaispeur.
Hattouine. – Où vas-tu donc avecces dragons ?
Ivanowitche. – Le feld-maréchalm’a dit de courir en avant, de fouiller les villages, pour trouverdes guides.
Hattouine. – Alors c’est fini…nous partons ?
Ivanowitche. – Oui,matouchka, toutes nos attaques pour forcer le passage ontété repoussées. Les républicains arrivent par la gauche, par ladroite ; les villages brûlés coupent leurs ponts derrièrenous ; il ne nous reste qu’un chemin libre, celui de la valléed’Engi ; demain il serait trop tard.
Hattouine. – Est-ce que le Rymnika perdu beaucoup de monde ?
Ivanowitche. – Environ quatrecents hommes. Le commandant Novozilzow, les capitaines Brizenski,Lagonon et Buxhowden sont tués.
Hattouine. – Quatre centshommes ! – Et les autres ?
Ivanowitche. – Les autres ontaussi perdu beaucoup de monde… Ismaïl est presque détruit. Lesrépublicains ont tenu comme des murs. C’est terrible ! Vousferiez bien de partir tout de suite, matouchka, puisque lekibitk est prêt ; on ne sait pas ce qui peut arriver.
Hattouine. – Je veux partir avecmon régiment.
Ivanowitche. – Mais le Rymnik vasoutenir la retraite. Vous serez toujours au milieu du feu.
Hattouine, secouant latête. – La vieille matouchka ne quitte pas sesenfants !
Un sous-officier de dragons. –Lieutenant, la tête de colonne arrive au bout de la rue ; nousallons être en retard.
Ivanowna, se jetant au coud’Ivanowitche. – Reste avec nous, Ivanowitche !
Hattouine, attirantIvanowna. – Non… c’est son devoir… il faut qu’il parte… (ÀIvanowitche.)Va ! nous nous retrouverons en route.
Ivanowitche. – Oui… demain… jevous attendrai… (Sautant à cheval.) Je te la confie,matouchka…
Hattouine. – C’est bon… c’estbon.
Ivanowitche, étendant lebras. – Ivanowna… à demain !… (Il disparaît, lesdragons le suivent. On l’entend crier dehors d’une voixenrouée.) Attention… la rue est pleine de blessés… Maintenezvos chevaux !
(Sa voix se perd.)
Ivanowna. – Je ne le verraiplus !…
(Elle s’assied sur un tas de décombres, lafigure dans ses mains, et pleure.)