La Guerre

SCÈNE V

 

Masséna, Rheinwald

 

Masséna, d’un air pensif, separlant à lui-même. – Oui, les Autrichiens manœuvrent ;Korsakow les remplace sur la Limmat. (Silence.) Qu’est-cequ’ils veulent faire ? (Regardant une carte.)Qu’est-ce qu’ils veulent faire ? (Nouveau silence. –À Rheinwald.) Général, les rapports de Soult, de Mortier,de Turreau et de Lecourbe.

Rheinwald. – Voici, général.

Masséna, parcourant lesrapports. – « Sur la Linth, rien de nouveau… Sur laReuss, rien… Au Gothard et dans le Valais, rien ! » Ilsmanœuvrent à notre gauche, voilà… Qu’est-ce que signifie cemouvement à gauche ? (Reprenant la carte.) Je ne voisrien. L’archiduc m’étonne. (Il se lève et se promène quelquesinstants. – À Rheinwald.) Et toujours pas denouvelles d’Ogiski ?

Rheinwald. – Aucune, général.

Masséna. – C’est bien étonnant…Sa dernière dépêche était datée d’Alexandrie ?

Rheinwald. – Oui, général.Masséna. – Relisez-la.

Rheinwald, il cherche ladépêche, puis il la lit. – « Alexandrie, le1er septembre 1799. Au général Masséna. De grandsévénements se préparent. Souworow se concentre à Alexandrie. Sesforces sont de 18 000 hommes d’infanterie, 4 000 cavaliers et28 pièces de montagne. Le bruit court qu’il part pour la Suisse,mais rien encore n’est assuré. J’aurai soin de vous tenir aucourant de ses mouvements ultérieurs. – Ogiski. »

Massêna. – Et depuis pas unmot !… Il se sera fait prendre et fusiller.

Rheinwald. – C’est peut-êtreautre chose…

Masséna, s’arrêtant.–Quoi ?

Rheinwald. – Un espion… cela segagne… le fameux million aurait pu le retenir avec nous.

Masséna, secouant latête. – Je suis sûr d’Ogiski !… ce n’est pas un espioncomme Pfersdorf, et tous les autres… C’est un homme qui se venge…Il est Polonais !… Je l’ai connu en Italie, dans lalégion polonaise… parmi les plus braves !…

Rheinwald. – Un soldat se faireespion !

Masséna. – Hé ! quevoulez-vous ? quand le ciel et la terre vousabandonnent ! Souworow a mis la Pologne à feu et à sang… Il afusillé, pendu, déporté les patriotes… Ogiski hait ce vieuxbarbare… C’est tout naturel… Il s’est fait espion pour sevenger…

(On voit des prisonniers, entourés desoldats, s’arrêter devant les fenêtres.)

Rheinwald. – Voici lesprisonniers, général. Masséna, s’asseyant. – Ah !bon… qu’ils entrent !

(Rheinwald sort sur la porte, et faitsigne d’introduire un prisonnier.)

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