SCÈNE XIII
Les précédents, Souworow, Mandrikine, sesofficiers
Souworow, arrivant au galopet s’adressant au hettmann. – Vous avez pris cethomme à Brunnen ?
Le hettmann. – Oui,feld-maréchal, sur la droite du lac, dans une auberge… Il répandaitdes nouvelles mauvaises.
Souworow, mettant pied àterre et regardant le paysan, qui s’est levé. – Tu viensd’où ?
Le paysan. – De Lucerne.
Souworow. – Tu es quoi ?
Le paysan. – Je suis marchand debétail, à votre service.
Souworow. – Tu répandais desnouvelles, à Brunnen ; quelles nouvelles ?
Le paysan. – Je racontais cequ’on m’avait dit.
Souworow. – Qu’est-ce qu’ont’avait dit ?
Le paysan. – Avant-hier, aumarché de Horbe, tous ceux qui venaient de la vallée d’Albisracontaient que les républicains, dans la nuit, étaient descendussur les deux lacs et les deux rivières, et qu’une terrible bataillese livrait depuis Mellingen jusqu’à Wesen.
Souworow. – Et puis ?
Le paysan. – Et le lendemain, quiest donc hier, le bruit courut vers le soir, que les républicainsavaient repris Zurich…
Souworow, avec fureur. –Tu mens… c’est faux !…
Le paysan, épouvanté.–Général, tout le monde le disait…
Souworow, le saisissant à lagorge. – Tu mens !… Tu mens !… Qu’on lefusille !
Le paysan, à demirenversé. – Général ! général ! C’est la vérité…
Souworow, avec rage. –Qu’on le fusille !… Qu’on fusille ce chien-là contre cetteroche.
(Les soldats se précipitent sur le paysanet l’entraînent à gauche.)
Ogiski, à part, détournant latête. – Barbare !…
Le paysan, d’un accentdésespéré. – Général, je suis un père de famille… On l’a dit,général… c’est la vérité !…
(En ce moment retentit un coup de canon auloin sur la gauche. Tout le monde se retourne, les soldatss’arrêtent ; Souworow regarde, pâle de colère, il écoute…Silence. – Second coup de canon.)
Souworow, au hettmann. –Va voir ce que c’est !
(Pendant la scène précédente, on remarquetoujours Ogiski au premier rang. Il se retire au premier coup decanon, durant quelques minutes. Une joie profonde éclate dans sonregard ; puis il s’avance de nouveau en composant sestraits.)
Hattouine, à Ivanowna.–Ça, ce n’est pas bon signe… Ces coups de canon des républicainssont un mauvais signe.
Ivanowna. – Oh ! mèreHattouine, taisez-vous… le feld-maréchal est en colère…
(Troisième coup de canon. Au même instantarrive un officier d’état-major, au trot, par la droite. Ilsoutient à cheval un autre officier, en uniforme autrichien, etdont le côté droit est taché de sang.)