La Guerre

SCÈNE PREMIÈRE

 

Le sergent Gauché, le soldat Rabot, d’autressoldats

 

Les soldats, fredonnant, ense ficelant la queue.

Dansons la carmagnole,
Vive le son… vive le son…
Dansons la carmagnole,
Vive le son du canon !

Le sergent, fouillant dans unsac autrichien. – Des bouffettes !… Excusez… Il avait desbouffettes roses, le kaiserlick ! (Se retournant, ets’adressant à l’un des soldats.) Philidor, tu vas mettre cetornement à ma queue… j’aurai l’air d’un garçon de noce.

(Tous rient.)

Un soldat. – Vous feriez mieux deles donner à la citoyenne Marie-Anne, sergent.

Le sergent. – C’est une idée…nous verrons ça. (Continuant à fouiller.) Et dusavon !… Du savon… un peigne… des rasoirs !… Ah !gueux d’Autrichiens, ils s’en passent des agréments encampagne !

(Plusieurs se lèvent et viennentregarder ; d’autres les remplacent sur le banc.)

Le soldat Rabot, ouvrantaussi son sac. – À mon tour… Je vais voir s’il y a moyen de serenipper.

Un autre. – Encore une ou deuxrencontres avec Linken et Jellachich, et toute la brigade Molitoraurait été remontée de fond en comble.

Le sergent. – Et sanscompromettre le trésor de la République ! (Ramenant unebrosse.) Une brosse à dents !… non, une brosse à cirage.Il se cirait les bottes, le muscadin ! (Grands éclats derire. Le sergent se lève et regarde autour de lui, d’un air comiqueet solennel.) Ça, camarades (il montre la brosse), çaprouve que le kaiserlick avait des bottes au fond de son sac. C’estdémonstratif… Ouf ! (Il se baisse, bouscule tout, et tiredu fond du sac une paire de bottes par les oreilles. Il les montreà la ronde.) Ah ! fichtre ! je les tiens…(Regardant les soldats penchés autour de lui ; –d’un air grave.) Nous allons les essayer… Qu’enpensez-vous ? Attention aux projectiles ! (D’un coupde pied, il lance ses vieux souliers éculés à droite et à gauche,puis il s’assied au bout du banc, en tirant ses bottes avec forcegrimaces.) Ah ! gueux de kaiserlick, ça devait être unfils de famille… Tous les fils de famille ont de petits pieds, àcause des mois de nourrice… Canaille !…

(Pendant ce temps, le soldat Rabot a tiréde son sac avec colère une foule de vieilles guenilles ;l’indignation est peinte sur sa figure.)

Un soldat, criant.–Hé ! vous autres, regardez donc le sac de Rabot.

(Tous se retournent.)

Rabot, rejetant du sac un tasde guenilles. – Ce n’est pas le sac d’un Autrichien ça… C’estle sac d’un sans-culotte… d’un volontaire de la République… Lekaiserlick m’a mis dedans !…

(Tous rient.)

Le sergent, se promenantaprès avoir mis les bottes. – J’y suis ! (Setournant vers les soldats d’un air goguenard.) Vous lestrouverez toujours sur le chemin de l’honneur !… Parolesmémorables d’un ci-devant plumet-blanc. Je les adjuge à mes bottes…Elles en sont dignes !

Rabot, vidant son sac avecfureur. – Je n’ai jamais eu de chance !

Un autre. – Encore, si ce n’étaitpas la fin de la danse, tu pourrais te rattraper… Mais allez couriraprès les sacs de Linken, ha ! ha ! ha !

Rabot, jetant le sac. –Canaille de kaiserlick !…

Le sergent, après avoir faitdeux ou trois tours. – Décidément, elles ont été faites pourmoi. (Se tournant vers les soldats.) Ah ! ça,camarades, voyons le reste… (Il retourne son sac.) Deuxchemises de rechange… rien que ça… ha ! ha ! ha ! Ilconnaissait mon amour du beau linge !… Et des bas… des basblancs, tricotés comme par ma grand-mère… (Se relevant ets’essuyant le coin de l’œil.) Ce souvenir m’attendrit. Ilavait peur des rhumes de cerveau, le bon kaiserlick !…ha ! ha ! ha !

(Les soldats éclatent de rire. Lacantinière paraît sous le hangar à droite, et regarde.)

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