SCÈNE II
Les précédents, Souworow, officiers d’état-major
Le sous-officier. – Portezarmes ! Présentez armes !
Souworow, à Mandrikine.–Eh bien, Mandrikine ?
Mandrikine. – Voici le relevé,feld-maréchal.
(Il lui présente le carnet.)
Souworow, jetant un coupd’œil. – Onze cent vingt-cinq hommes… C’est bien… Tout a bienmarché ! (Reconnaissant le régiment de Rymnik.)Ah ! ah ! les grenadiers de Rymnik !… Vous voilà… Jesuis content de vous, garçons… Vous avez bravement réparé un momentde panique… C’était difficile… les athées s’étaient bienretranchés… ils se sont bien défendus… mais nous sommes entrés toutde même ! (Il rit.) Nous sommes toujours les enfantsde la sainte Russie… C’est très bien. (Il met pied à terre, etse promène devant le front de la compagnie.) Oui, le plusdifficile est fait… Nous voilà sur le Saint-Gothard, nous n’auronsplus qu’à descendre. (D’une voix plus grave, ens’arrêtant.) Je veux vous montrer ma satisfaction, grenadiersde Rymnik, c’est votre régiment qui fournira la garde d’honneur àSouworow, jusqu’à nouvel ordre. Vous pourrez dire plus tard,j’étais du régiment de Rymnik, à la grande attaque duSaint-Gothard, et le même soir nous montions la garde près d’AlexisBasilowitche Souworow, au haut de la montagne, vous pourrez ledire ! (Se remettant à marcher.) Toute l’armée a faitson devoir. Quand les mules arriveront, je veux que chaque hommereçoive double ration d’eau-de-vie. (Au capitaine de lacompagnie.) Maintenant faites rompre les rangs… Tâchons denous reposer… Il va falloir poursuivre les athées au petitjour.
Le capitaine, à sessoldats. – Portez armes ! Reposez armes ! Rompez lesrangs !
(Les soldats rompent les rangs et mettentleurs fusils en faisceaux. Puis ils ôtent leurs sacs et se groupentpar escouades.)
Souworow, au milieu de sesofficiers. – Messieurs, je n’ai rien de particulier à vousdire. Il s’agit de réparer le temps que les Autrichiens nous ontfait perdre à Bellinzona. Nous sommes le 25 septembre ; le 26nous serons à Wasen, le 27 à Altorf, et le 28 nous attaqueronsMasséna par derrière, pendant que Korsakow le poussera de front. Cesera l’action décisive de la campagne. Nous avons écrasé Joubert,Moreau, Macdonald en Italie ; nous écraserons Masséna enSuisse. Après cela, en route pour Paris ! Là, nous pourronsnous reposer, après avoir rétabli les Bourbons sur leur trône. Leplan est simple… Ainsi pas de retard… (Regardant samontre.) Il est minuit, à quatre heures la diane ! Qu’onse procure du bois, qu’on allume les feux du bivac, si c’estpossible… Les sacs et les gourdes ne doivent pas encore être tout àfait vides. (À un général.) Bagration, je vous retiens àsouper. (Saluant les autres.) Messieurs !
Les officiers saluent et se retirent.Bagration, Souworow et Mandrikine se dirigent vers la grange etpassent devant le hangar, où Hattouine vient d’allumer son feu,pendant les scènes précédentes.)