SCÈNE XIV
Les précédents, le sous-officier, puisOgiski, au milieu d’un piquet dehussards.
Le sous-officier de hussards. –Le général ! Où est le général ?…
Lecourbe, seretournant.– Qu’est-ce ?
Le sous-officier. – Un cosaque…un déserteur… mon général ; il demande à vous parler.
Lecourbe, arrivant.– Undéserteur ? Où est-il ?…
Le sous-officier, seretournant et faisant signe. – Par ici !…Arrivez !…
(Ogiski paraît au milieu d’un piquet dehussards ; ses habits de pope sont en lambeaux, son cheval estcouvert de boue.)
Ogiski, ôtant son bonnet depeau de mouton. – C’est moi, général.
Lecourbe. – Ogiski !…(Aux hussards 🙂 Laissez-nous !… (Leshussards s’écartent. Lecourbe et Ogiski descendent de cheval.– Lecourbe, bas et vivement.) Eh bien, quellesnouvelles ?
Ogiski. – Vous êtes tourné,général !
Lecourbe. – Tourné !… Parqui ?…
Ogiski. – Par Auffemberg… Il estparti d’Ilanz, pendant que Souworow abordait le Saint-Gothard.Hier, à minuit, il campait dans le Maderaner Thâl, sur vosderrières… Il doit attaquer en ce moment le pont d’Amsteig ;sa force est de deux mille hommes.
Lecourbe. – Amsteig !… jen’ai laissé là que quatre compagnies. Comment savez-vous cela,Ogiski ?
Ogiski. – J’arrive du quartiergénéral de Souworow, à Ospizio.
Lecourbe. – Vous avez pénétréjusqu’au quartier général ?
Ogiski. – Oui, déguisé en pope. Àdeux heures, le cosaque chargé de la dépêche arriva ; –j’étais au bivac voisin, – lui-même annonça le mouvementd’Auffemberg. Et comme le feld-maréchal l’avait rappelé, sans doutepour quelque renseignement, un coup de folie me fit enfourcher soncheval… Il fallait vous prévenir à tout prix… il fallait…
Lecourbe. – Mais on a dû vouspoursuivre ?
Ogiski. – Pendant deux heures…(Ouvrant son manteau, criblé de trous de balles.) Voyez,général !
Lecourbe, stupéfait.– Etvous n’êtes pas blessé ?
Ogiski. – Non… (Avecexaltation.) Dieu venge la Pologne… Dieu veut que Souworowpérisse dans ces montagnes !
Lecourbe. – S’il n’y laisse passes os, ce ne sera pas ma faute ! (Remontant la scène, ets’adressant au sous-officier de hussards.) Maréchaldes logis, courez au pont d’Amsteig… Dites au commandant Richemontde tenir ferme… Que j’arrive à son secours. (Le sous-officiersort au galop. Lecourbe criant 🙂 Daumas ! où estDaumas ?…
(Le général Daumas paraît à droite. Ogiskiva s’asseoir sur le perron de l’auberge.)