SCÈNE II
Les précédents, les habitants du village à demihabillés
Un habitant. – Ce n’est paspossible, les Russes ! Qu’est-ce qui a jamais entendu parlerdes Russes dans la vallée d’Urseren ?
Un autre. – Les Russes sont àquarante lieues d’ici, du côté de Zurich, avec leur généralKorsakow.
Kasper. – Je vous dis qu’ils ontpassé le Gothard… Ils arrivent d’Italie… C’est Souworow qui lescommande… Les républicains se sont battus là-haut contre eux hiertoute la journée ; mais les autres étaient dix contre un, etles républicains ont fini par se retirer sur le mont Furça, dansles glaciers, avec le général Gudin. Maintenant les Russesdescendent ; leurs baïonnettes couvrent la route à plus d’unelieue. Ce sont des sauvages qui pillent tout… Voilà ce que je vousdis ; si vous ne voulez pas me croire, tant pis pourvous ; dans une heure, ou peut-être avant, vous verrez sij’avais raison.
(Tous les habitants, après avoir écouté encercle, lèvent les mains d’un air désolé.)
Katel. – Seigneur, ayez pitié denous !
Une femme. – Ce n’est pas assezd’avoir eu les Autrichiens et les Français ! Il fallait encorevoir arriver les Russes !
Jacob. – Oui, c’est uneabomination ; si cela dure, nous irons tous mendier !
Un habitant. – Ah ! lesgueux… la canaille… si nous pouvions nous défendre !
Un autre. – Tais-toi,Yokel ; qu’est-ce qu’une poignée de malheureux Suisses peuventfaire contre tous les brigands du monde !…
(En ce moment, d’autres fuyards traversentle pont en criant : – Les Russesarrivent !)
Kasper, montrant cesgens. – Vous entendez… Qu’est-ce que je vous ai dit ?