Histoire d’un crime de Victor Hugo

VI. La Commission consultative
Tout danger étant passé, tout scrupule disparut. Les gens prudents et sages purent avouer le coup d’Etat. On se laissa afficher.

Voici l’affiche :

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Président de la République,

Voulant jusqu’à la réorganisation du Corps législatif et du conseil d’Etat s’en- tourer d’hommes qui jouissent à juste titre de l’estime et de la confiance du pays, A formé une commission consultative composée de MM. Abbatucci, ancien conseiller à la cour de cassation (du Loiret). Le général Achard (de la Moselle).
André (Ernest) [de la Seine]. André (de la Charente).
D’Argout gouverneur de la Banque, ancien ministre. Le général Arrighi de Padoue (de la Corse).

Le général de Bar (de la Seine).

Le général Baraguey d’Hilliers (du Doubs). Barbaroux, ancien procureur général (de la Réunion).
Baroche, ancien ministre de l’intérieur et des affaires étrangères, vice-président de la commission (de la Charente-Inférieure).

Barrot (Ferdinand), ancien ministre (de la Seine).

Barthe, ancien ministre, premier président de la cour des comptes. Bataille (de la Haute-Vienne).
Bavoux (Evariste) [de Seine-et-Marne]. De Beaumont (de la Somme).
Bérard (de Lot-et-Garonne).

Berger, préfet de la Seine (du Puy-de-Dôme). Bertrand (de l’Yonne).
Bidault (du Cher).

Bigrel (des Côtes-du-Nord). Billault, avocat.
Bineau, ancien ministre (de Maine-et-Loire).

Boinvilliers, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats (de la Seine). Bonjean, avocat général à la cour de cassation (de la Drôme).

Boulatignier.

Bourbousson (du Vaucluse). Bréhier (de la Manche).
De Cambacérès (Hubert). De Cambacérès (de l’Aisne).
Carlier, ancien préfet de police.

De Casabianca, ancien ministre (de la Corse).

Le général de Castellane, commandant supérieur à Lyon. De Caulaincourt (du Calvados).
Le vice-amiral Cécille (de la Seine-Inférieure). Chadenet (de la Meuse).
Charlemagne (de l’Indre).

Chassaigne-Goyon (du Puy-de-Dôme).

Le général de Chasseloup-Laubat (Seine-Inférieure). Prosper de Chasseloup-Laubat (Charente-Inférieure). Chaix d’Est-Ange, avocat à Paris (de la Marne).
De Chazeilles, maire de Clermont-Ferrand (du Puy-de-Dôme). Collas (de la Gironde).
De Crouseilhes, ancien conseiller à la cour de cassation, ancien ministre (des Basses-Pyrénées).

Curial (de l’Orne).

De Cuverville (des Côtes-du-Nord). Dabeaux (de la Haute-Garonne).
Dariste (des Basses-Pyrénées). Daviel, ancien ministre.
Delacoste, ancien commissaire général du Rhône. Delajus (de la Charente-Inférieure).
Delavau (de l’Indre). Deltheil (du Lot).
Denjoy (de la Gironde).

Desjobert (de la Seine-Inférieure). Desmaroux (de l’Allier).
Drouyn de Lhuys, ancien ministre (de Seine-et-Marne).

Théodore Ducos, ministre de la marine et des colonies (de la Seine). Dumas (de l’institut), ancien ministre (du Nord).
Charles Dupin, de l’Institut (de la Seine-Inférieure). Le général Durrieu (des Landes).
Maurice Duval, ancien préfet. Eschassériaux (de la Charente-Inférieure).

Le maréchal Exelmans, grand chancelier de la Légion d’honneur. Ferdinand Favre (de la Loire-Inférieure).
Le général de Flahaut, ancien ambassadeur.

Fortoul, ministre de l’instruction publique (des Basses-Alpes). Achille Fould, ministre des finances (de la Seine).
De Fourment (de la Somme). Fouquier d’Hérouël (de l’Aisne). Frémy (de l’Yonne).
Furtado (de la Seine).

Gasc (de la Haute-Garonne). Gaslonde (de la Manche).
De Gasparin, ancien ministre. Ernest de Girardin (de la Charente).
Augustin Giraud (de Maine-et-Loire).

Charles Giraud, de l’Institut, membre du conseil de l’instruction publique, an- cien ministre.

Godelle (de l’Aisne).

Goulhot de Saint-Germain (de la Manche). Le général de Grammont (de la Loire).

De Grammont (de la Haute-Saône). De Greslan (de la Réunion).
Le général de Grouchy (de la Gironde). Hallez Claparède (du Bas-Rhin).
Le général d’Hautpoul, ancien ministre (de l’Aude). Hébert (de l’Aisne).
De Heeckeren (du Haut-Rhin). D’Hérambault (du Pas-de-Calais). Hermann.
Heurtier (de la Loire).

Le général Husson (de l’Aube). Janvier (de Tarn-et-Garonne). Lacaze (des Hautes-Pyrénées).
Lacrosse, ancien ministre (du Finistère). Ladoucette (de la Moselle).
Frédéric de Lagrange (du Gers). De Lagrange (de la Gironde).
Le général de La Hitte, ancien ministre. Delangle, ancien procureur général.

Lanquetin, président de la commission municipale. De La Riboissière (d’Ille-et-Vilaine).
Le général de La Woestine. Lebeuf (de Seine-et-Marne).
Le général Lebreton (de l’Eure-et-Loir). Le Comte (de l’Yonne).
Le Conte (des Côtes-du-Nord).

Lefebvre-Duruflé, ministre du commerce (de l’Eure). Lélut (de la Haute-Saône).
Lemarois (de la Manche). Lemercier (de la Charente). Lequien (du Pas-de-Calais). Lestiboudois (du Nord).
Levavasseur (de la Seine-Inférieure). Le Verrier (de la Manche).
Lezay de Marnésia (de Loir-et-Cher).

Le général Magnan, commandant en chef de l’armée de Paris. Magne, ministre des travaux publics (de la Dordogne).
Edmond Maigne (de la Dordogne).

Marchant (du Nord).

Mathieu-Bodet, avocat à la cour de cassation. De Maupas, préfet de police.
De Mérode (du Nord).

Mesnard, président de chambre à la cour de cassation. Meynadier, ancien préfet (de la Lozère).
De Montalembert (du Doubs). De Morny (du Puy-de-Dôme).
De Mortemart (de la Seine-Inférieure). De Mouchy (de l’Oise).
De Moustiers (du Doubs). Lucien Murat (du Lot).
Le général d’Ornano (d’Indre-et-Loire). Pepin Lehalleur (de Seine-et-Marne).
Joseph Périer, régent de la Banque. De Persigny (du Nord).
Plichon, maire d’Arras (du Pas-de-Calais). Portalis, premier président à la cour de cassation. Pongérard, maire de Rennes (d’Ille-et-Vilaine).

Le général de Préval. De Rancé (de l’Algérie).
Le général Randon, ancien ministre, gouverneur général de l’Algérie.

Le général Regnault de Saint-Jean-d’Angély, ancien ministre (de la Charente- Inférieure).

Renouard de Bussière (du Bas-Rhin). Renouard (de la Lozère).
Le général Rogé.

Rouher, garde des sceaux, ministre de la justice (du Puy-de-Dôme).

De Royer, ancien ministre, procureur général à la cour d’appel de Paris. Le général de Saint-Arnaud, ministre de la guerre.
De Saint-Arnaud, avocat à la cour d’appel de Paris. De Salis (de la Moselle).
Sapey (de l’Isère). Schneider, ancien ministre.
De Ségur d’Aguesseau (des Hautes-Pyrénées). Seydoux (du Nord).
Amédée Thayer.

Thieullen (des Côtes-du-Nord).

De Thorigny, ancien ministre.

Toupot de Bévaux (de la Haute-Marne). Tourangin, ancien préfet.
Troplong, premier président de la cour d’appel. De Turgot, ministre des affaires étrangères.
Vaillant, maréchal de France. Vaïsse, ancien ministre (du Nord). De Vandeul (de la Haute-Marne).
Le général Vast-Vimeux (de la Charente-Inférieure). Vauchelle, maire de Versailles.
Viard (de la Meurthe). Vieillard (de la Manche). Vuillefroy.
Vuitry, sous-secrétaire d’état au ministère des finances. De Wagram.
Le président de la République , LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE
Le ministre de l’intérieur , DE MORNY.

On retrouve dans cette liste le nom de Bourbousson. Il eût été fâcheux que ce nom se perdît.
En même temps que cette affiche parut la protestation de M. Daru, ainsi conçue :

« J’adhère aux actes faits par l’Assemblée nationale à la mairie du Xe arrondis- sement le 2 décembre 1851, et auxquels j’ai été empêché, par la violence, de par- ticiper.
»DARU »

Quelques-uns de ces membres de la commission consultative sortaient de Ma- zas ou du Mont Valérien. Ils avaient été en cellule vingt-quatre heures, puis relâ- chés.

On voit que ces législateurs gardèrent peu rancune à l’homme qui leur avait fait subir cette désagréable dégustation de la loi.

Plusieurs des personnages insérés dans cette collection n’avaient d’autre re- nommée que le bruit que faisaient leurs dettes, criant autour d’eux. Tel avait fait deux fois banqueroute ; mais on ajoutait cette circonstance atténuante : pas sous son nom . Tel autre, qui était d’une compagnie lettrée ou savante, passait pour vendre sa voix. Tel autre, joli, élégant, à la mode, brossé, verni, doré, brodé, entre- tenu par une femme, vivait dans une espèce de saleté d’âme.

Ces gens-là adhéraient sans trop d’hésitation à l’acte qui sauvait la société.

Quelques autres, parmi ceux qui composent cette mosaïque, n’avaient aucune passion politique et ne consentirent à figurer sur cette liste qu’afin de garder leurs places et leurs traitements ; ils furent sous l’empire ce qu’ils étaient avant l’empire, des neutres ; et ils continuèrent, pendant les dix-neuf années du règne, à exercer leurs fonctions militaires, judiciaires ou administratives, innocemment, entourés de la juste considération due aux imbéciles inoffensifs.

D’autres étaient réellement des hommes politiques, de la docte école qui com- mence à Guizot et ne finit pas à Parieu, graves médecins de l’ordre social qui ras- surent le bourgeois effaré et qui conservent les choses mortes :

  • Perdrai-je l’œil ? lui dit messer Pancrace.
  • Non, mon ami, je le tiens dans ma main.

Il y avait, dans ce quasi-conseil d’Etat, bon nombre d’hommes de police, genre alors estimé – Carlier, Piétri, Maupas, etc.

Peu après le 2 décembre, sous le nom de commissions mixtes, la police se sub- stitua à la justice, rendit des arrêts, prononça des condamnations, viola judiciai- rement toutes les lois, sans que le magistrature régulière fît le moindre obstacle à cette magistrature incorrecte ; la justice laissa faire la police, avec le regard satisfait d’un attelage relayé.

Quelques-uns des hommes inscrits sur la liste de cette commission refusèrent : Léon Faucher, Goulard, Mortemart, Frédéric Granier, Marchant, Maillard, Paravey, Beugnot. Les journaux reçurent l’ordre de ne point publier ces refus.

M Beugnot mit sur sa carte : – Le comte Beugnot , qui n’est pas de la commission consultative .

M. Joseph Périer s’en alla de coin de rue en coin de rue, un crayon à la main, raturant son nom sur les affiches et disant : – Je reprends mon nom où je le retrouve .

Le général Baraguey d’Hilliers ne refusa pas. Brave soldat pourtant ; il avait perdu un bras dans la guerre de Russie. Il a été plus tard maréchal de France ; il eût mérité de ne pas l’être par Louis Bonaparte. Il ne semblait pas qu’il dût finir ainsi. Dans les derniers jours de novembre, le général Baraguey d’Hilliers, assis dans un grand fauteuil devant la haute cheminée de la salle des conférences dé l’Assemblée na- tionale, se chauffait ; quelqu’un, un de ses collègues, celui qui écrit ces lignes, vint s’asseoir près de lui, de l’autre côté de la cheminée. Ils ne se parlèrent pas, étant, l’un de la droite, l’autre de la gauche ; mais M. Piscatory entra, il était un peu de la droite et un peu de la gauche. Il interpella Baraguey d’Hilliers. – Eh bien, général, savez-vous ce qu’on dit ?

  • Quoi ?
  • Que le président va un de ces jours nous fermer la porte au nez. Le général Baraguey d’Hilliers répondit, et j’entendis la réponse :
  • Si monsieur Bonaparte nous ferme la porte de l’Assemblée , la France nous la rouvrira à deux battants .

Louis Bonaparte eut un moment l’idée d’intituler cette commission Commis- sion exécutive . – Non , lui dit Morny, c’est leur supposer du courage . Ils voudront bien être souteneurs ; ils ne voudront pas être proscripteurs .

Le général Rullière fut destitué pour avoir blâmé l’obéissance passive de l’ar- mée.

Délivrons-nous tout de suite d’un détail. Quelques jours après le 4 décembre, Emmanuel Arago rencontra, faubourg Saint-Honoré, M. Dupin qui remontait la rue.

  • Tiens, dit Arago, est-ce que vous allez à l’Elysée ?

M. Dupin répondit : – Je ne vais jamais au b …

Il y alla.

M. Dupin, on s’en souvient, fut nommé procureur général près la cour de cas- sation.

VII. L’Autre liste
En regard de la liste des adhérents, il convient de placer la liste des proscrits. De cette façon on peut voir d’un coup d’œil les deux versants du coup d’Etat.

DÉCRET

ARTICLE PREMIER. – Sont expulsés du territoire français, de celui de l’Algérie et de celui des colonies, pour cause de sûreté générale, les anciens représentants à l’Assemblée dont les noms suivent :

Edmond Valentin.

Paul Racouchot. Agricol Perdiguier. Eugène Cholat.
Louis Latrade. Michel Renaud.
Joseph Benoît (du Rhône). Joseph Burgard.
Jean Colfavru.

Joseph Faure (du Rhône). Pierre-Charles Gambon. Charles Lagrange.
Martin Nadaud.

Barthélemy Terrier.

Victor Hugo.

Cassal.

Signard.

Viguier.

Charrassin.

Bandsept.

Savoye. Joly.
Combier. Boysset. Duché.
Ennery. Guilgot. Hochstuhl. Michot-Boutet. Baune.
Berthelon. Schœlcher. De Flotte. Joigneaux. Laboulaye. Bruys.
Esquiros.

Madier de Montjau. Noël Parfait.

Emile Péan. Pelletier.
Raspail.

Théodore Bac.

Bancel.

Belin (Drôme).

Besse.

Bourzat. Brives.
Chavoix.

Clément Dulac.

Dupont de Bussac. Gaston Dussoubs. Guiter.
Lafon. Lamarque. Pierre Lefranc. Jules Leroux.
Francisque Maigne.

Malardier.

Mathieu (de la Drôme). Millotte.
Roselli-Mollet. Charras.
Saint-Ferréol.

Sommier.

Testelin (Nord).

ART. 2. – Dans le cas où, contrairement au présent décret, l’un des individus désignés en l’article 1er rentrerait sur les territoires qui lui sont interdits, il pourra être déporté, par mesure de sûreté générale. Fait au palais des Tuileries, le conseil des ministres entendu, le 9 janvier 1852.

Louis BONAPARTE

Auteurs::

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