L’Épouse du soleil

Chapitre 12TOUTES LES TOMBES SE RESSEMBLENT !

Et maintenant, est-ce la tombe dedroite ?… Est-ce celle de gauche ?… Ah ! toutes cesaffreuses pierres se ressemblent ! Toutes ces tombes qui fontle tour du temple sont pareilles !…

Cependant il ne peut y avoir une erreurnouvelle. Puisque ce n’est pas cette tombe qu’il vient d’ouvrir quirenferme Marie-Thérèse, c’est certainement celle qui se trouve àdroite. Ceci est bien déterminé par l’angle de l’autel sur lequelson regard glissait du haut de la niche pour arriver au trou danslequel on avait enfoui Marie-Thérèse. C’est sûr !… c’estsûr !… Et il s’attaqua fermement à la tombe de droite. Ilrecommença le même effort brutal. Il frappe ! Ilfrappe !… et Orellana derrière lui ! Orellana qui estplus fou que jamais depuis qu’il n’a pas reconnu sa fille, lui crieà chaque coup : Han !… Han !… Han !… comme s’ildonnait le coup lui-même… Enfin, la pierre tourne… Elle vient… elleglisse dans leurs bras !… Voici le trou… Marie-Thérèse !…C’est moi, Raymond !… Réponds-moi… Et il se penche sur cettetête immobile de morte ! Ce n’est pasMarie-Thérèse ! Ce n’est pasMarie-Thérèse !…

Ah ! Dieu du ciel !… Raymond tombeépuisé et désespéré sur les dalles. Et il pousse un sanglotterrible où il a mis toute sa rage, et toute son impuissance, ettoute sa révolte contre le destin… Mais déjà, de nouveau, il estdebout, il est à l’ouvrage, c’est Orellana qui lui a donnél’exemple. Car déjà Orellana frappe, frappe !… Puisque cen’est point la tombe de droite, c’est celle de gauche !… EtRaymond arrache encore la pioche des mains débiles du vieillard etil frappe furieusement le granit !… Ah ! que de tempspassé déjà, que de minutes perdues… pendant qu’elle étouffe, elle,victime de leur erreur !… Frappe, Raymond !…frappe !… frappe encore !… la pierre cède sous tescoups !… Et tu vas enfin la voir, ta tragique fiancée… Tu vasla sauver… tu vas enfin la reconnaître !…

Han ! Han ! Tire la pierre à toi…encore un effort !… là !… elle est à toi, lapierre !… jette-la sur le parvis !… Regarde !…Hélas ! malheureux !… Tu ne la reconnais pas !…Ce n’est pas Marie-Thérèse !… Ce n’est paselle !… c’est encore… c’est toujours une morte !…

Mais, pendant que tu jettes pour la troisièmefois ton cri d’infernal désespoir et que tu te heurtes le frontcontre les murs et que tu appelles la mort pour te délivrer de cetatroce supplice, Orellana, lui, a poussé une clameur d’allégresseet de triomphe : « Ma fille ! Ma fille ! MaMaria-Christina !… Me voilà !… c’est moi !… C’estton père qui vient te délivrer !… » Le fou a reconnu sonenfant… C’est elle, c’est bien elle, celle qui lui a été ravie il ya dix ans et qu’il cherche depuis dix ans au fond des couloirs dela nuit et dans tous les Temples de la Mort !« Maria-Christina ! attends ! attends !… monenfant !… Encore une pierre ! encore une pierre !…Et je te sors de ta prison !… Mon enfant ! monenfant ! » Il pleure, il sanglote de joie, il étouffe dejoie. Ses bras insensés ont repris la pioche et frappé legranit.

Mais voilà que Raymond est sur lui :« Tu perds ton temps à délivrer une morte et il y a unevivante dans ces tombes ! » Une lutte terrible s’engageentre le vieillard et Raymond pour la possession de l’outil quireste fatalement dans les mains du jeune homme. Alors, tandis queRaymond recommence d’ébranler avec rage ces murs funèbres, levieillard, pour le dernier effort de sa vie, parvient à tirer à luila seconde pierre et à sortir de sa tombe le squelette enveloppé debandelettes de sa fille chérie, de sa Maria-Christina qu’il serredans ses bras, qu’il étreint, qu’il couvre de baisers, avec lequelil roule sur les dalles du temple, et sur lequel, après un heureuxsoupir, il s’endort pour toujours.

Orellana est mort, mais il a retrouvé safille.

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