L’Épouse du soleil

Chapitre 17UN SERMENT QUI NE COMPTE PLUS

Enfin, il poussa une porte, et deux crisjoyeux retentirent. J’étais en face de papa et de Christobal qui meprirent des bras de Huascar et me couvrirent de baisers. L’Indiendit : « Je vous avais promis de vous rendre votre filleet votre fils, senior ! les voici ! Vous necourez plus maintenant aucun danger ! Un Inca ne manque jamaisà sa parole ! »

Sur quoi, il salua, et nous ne l’avons plusrevu !… J’ai voulu te dire tout cela, Raymond, pour que, sipar hasard tu rencontrais jamais cet homme, tu saches ce quenous lui devons !…

À ces derniers mots, le jeune hommetressaillit et serra nerveusement la main de Marie-Thérèse.

– Oh ! Marie-Thérèse, fit-il, la voixtremblante, je sais ce que je lui dois. Il t’a sauvée, ilm’a sauvé… et moi je lui ai juré que, s’il te sauvait, tu ne seraisjamais ma femme.

– Mon Raymond !… Mon Raymond ! jesais cela !… Il a dit cela à papa… n’est-ce pas, papa, qu’ilt’a dit cela ?… Oh ! papa te le dirai pourquoitrembles-tu ?… c’est un enfantillage…

– Tu n’as peut-être été sauvée qu’à cause dece serment-là, fit Raymond, lugubre…

– Malgré ce serment-là, voulez-vous dire,interrompit le marquis. Huascar l’a considéré comme une insulte.Lorsque dans l’Île où j’avais été amené prisonnier à la suite ducortège qui emportait Marie-Thérèse, je me trouvai seul, un soir,face à face avec l’homme que j’accusais de nous avoir trahis etd’être la cause de tous nos malheurs, je voulus lui cracher toutema haine et mon mépris, mais il ne m’en laissa pas le temps. Ilarrêta mes premières invectives pour me faire conduire et garderdans une grotte près du rivage, où il me rejoignit bientôt et où jem’attendais à être sa victime. Là, il m’apprit froidement qu’iln’avait jamais cessé de travailler à nous sauver de nous-mêmes etde nos imprudences, et que tout était préparé pour notre fuite, quebientôt il m’amènerait mes enfants et que je n’aurais la nuitsuivante qu’à me jeter avec eux dans sa pirogue et qu’à m’enremettre de notre salut aux deux Indiens qu’il m’avait donnés pourgardes et qui lui étaient dévoués jusqu’à la mort.

Son ton était si solennel que je ne mis pointsa parole en doute. Rien ne le forçait plus à me mentir, puisquenous étions ses prisonniers. Je lui tendis la main, mais il ne laprit pas. C’est alors qu’il me parla du singulier serment que vouslui aviez fait, un soir, à Arequipa : « Je ne connaispoint ce jeune homme, me dit-il, j’ignore pourquoi il m’a proposéun pareil marché. La señorita sera libre comme son cœur etje ne suis point le marchand de son cœur. Il ne m’appartient ni dele prendre, ni de le donner, ni de le retenir. Il faut que ce jeunehomme sache cela, à qui je n’ai jamais fait de mal et qui m’ainsulté. Je lui pardonne. » Il s’apprêtait à partir, je voulusencore le remercier, dans la certitude où sa parole m’avait misequ’il tenterait tout pour notre salut : « Remerciez cellequi est au ciel et qui fut la señora de la Torre,señor, et ne remerciez point Huascar qui ne vous demandequ’une chose, en échange du service qu’il a pu vous rendre, c’estde n’en parler jamais. Il ne faut point que la mémoire dugrand-prêtre de l’Inca soit déshonorée. » Ainsi a parléHuascar. Vous pourrez épouser Marie-Thérèse,Raymond !… »

Sur ces entrefaites survinrent l’oncle Ozouxet Natividad ! Ils avaient appris en route que le marquisétait de retour à Lima, qu’on l’avait vu ce jour-là à Callao, etqu’il y avait ramené, ils ne savaient par quel miracle,Marie-Thérèse et le petit Christobal, et ils accouraient comme desfous !

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