Triboulet

Chapitre 20MANFRED ET LANTHENAY

Il est temps que nous donnions satisfaction à la légitimecuriosité de nos lecteurs en essayant de démêler un peu le passé deces deux jeunes hommes que nous connaissons sous les noms deManfred et Lanthenay.

Un jour, il y avait de cela bien des années, était entrée dansParis une troupe de bohémiens composée du père, de la mère, d’ungrand gaillard d’une vingtaine d’années, et enfin d’un petitgarçon.

Ces gens venaient d’Italie. Arrivés à Paris, ces bohémiensaboutirent naturellement à la Cour des Miracles.

Là, ils s’installèrent en un logement sordide. Pourtant, ilsétaient assez riches, d’après ce que racontèrent quelques voisins.On entendit plus d’une fois la bohémienne compter de l’or. On lavit changer assez souvent des ducats à l’effigie du pape AlexandreBorgia. Tout aussitôt, et sans perdre de temps, la famille s’étaitd’ailleurs mise à travailler. Le père s’en allait par les rues deParis, vendant de petits paniers d’osier qu’il fabriquait lui-mêmeavec une habileté consommée, un art délicat. La mère disait labonne aventure. Le fils travaillait la nuit, exerçant lafructueuse et noble profession de tire-laine. Quant au petitgarçon, il demeurait à la maison avec la bohémienne à qui on donnace nom : la Gypsie. Cet enfant s’appelait Manfred.

De toute évidence, il n’était ni de la famille, ni de la race deces nomades. Il avait les traits fins, la peau blanche bien quelégèrement halée par la course au grand air. Il y avait dans saphysionomie éveillée, dans ses grands yeux doux et ardents, dans saparole impérative on ne savait quoi de gracieux, de câlin, detendre et de vif qui le firent adorer de toute la Cour desMiracles.

Interrogée sur cet enfant, la Gypsie gardait un silence prudent.Parfois, cependant, elle répondait qu’elle avait eu l’enfant d’unefamille italienne qui, trop malheureuse pour l’élever, s’en étaitdébarrassé en le vendant à la première troupe de bohémiens quipassait.

Cette explication avait paru plus que suffisante aux insoucieuxhabitants de la Cour des Miracles, et le passé de Manfred demeuraobscur.

Nous devons toutefois noter qu’un jour il vint à la cour deFrance une grande dame qui s’appelait la duchesse de Ferrare et quin’était autre, disait-on, que la fille du pape Alexandre Borgia.Cette dame demeura huit jours à Paris, puis s’en retourna enItalie. Or, il a été établi que la Gypsie alla voir la duchesse deFerrare, dont elle avait appris l’arrivée on ne sait trop comment.Elle eut une assez longue conférence avec elle. Cet incident passad’ailleurs inaperçu au moment où il se produisit.

Le petit Manfred, élevé dans la Cour des Miracles, admiré parles truands, grandissait en force, en grâce et beauté.

Tout à coup, un événement soudain vint jeter un trouble dansl’existence relativement paisible de ces bohémiens : le filsde la Gypsie fut arrêté. La bohémienne avait pour ce fils unepassion exclusive. L’amour maternel était chez elle un sens pousséà l’extrême acuité.

Elle fût morte volontiers pour éviter un chagrin à son enfant.Elle n’avait pour l’homme dont elle partageait la vie qu’uneaffection modérée ; quant au jeune Manfred, il lui étaitindifférent. Mais elle adorait son fils ; toute sa vie tenaitdans cette adoration.

Les motifs de l’arrestation du bohémien nous sontinconnus ; il est probable qu’il avait été pris détroussantquelque bourgeois attarde au détour d’une ruelle. Toujours est-ilqu’il fut condamné à être pendu par le col jusqu’à ce que morts’ensuivît.

Dépeindre la douleur furieuse de la Gypsie nous entraîneraithors de notre sujet. Disons seulement que cette douleur affecta uneforme terrible. Elle rôda nuit et jour auprès de la prison,implorant les gardiens, promettant des trésors si on lui rendaitson fils. Elle put un jour approcher du grand prévôt et se crutsauvée : celui-là avait le droit de faire grâce !

Le grand prévôt écouta avec une attention soutenue lasupplication de cette mère qui sanglotait à ses pieds. Tout cequ’un être humain peut trouver de touchant pour en attendrir unautre, la Gypsie le trouva et le lui dit.

Quand elle eut fini de parler, le grand prévôt lui tourna le dossans une réponse.

Le lendemain, le jeune bohémien fut pendu.

La Gypsie assista à l’exécution jusqu’à la fin.

Elle ne s’évanouit pas. Elle ne pleura pas.

Seulement, elle demanda que le corps de son fils lui fûtremis ; cela lui fut refusé : il y avait une sépulturespéciale pour les suppliciés, et nous avons vu en quel cimetière onjetait les pendus de Montfaucon.

Alors la Gypsie demanda qu’on lui laissât embrasser le cadavrede son fils. Elle fut repoussée sur l’ordre du grand prévôt, quecette femme finissait par ennuyer.

Alors, la Gypsie s’en alla.

Elle reprit ses occupations ordinaires, et bientôt il futévident qu’elle avait oublié le terrible épisode.

Le contraire eût étonné ce monde spécial où une pendaisonn’était, somme toute, qu’un médiocre incident.

Une année environ s’écoula…

Un matin on vit que Manfred avait un compagnon. Un petit garçonde son âge, c’est-à-dire d’environ quatre ans, pleurait dans lelogis de la Gypsie.

D’où sortait cet enfant ?

La bohémienne, interrogée sur ce point par les massiers de laCour des Miracles, personnages qui exerçaient une surveillance,répondit que l’enfant lui avait été donné.

– Par qui ?

– Par des gens… une famille…

– Quelles gens ? Comment s’appellent-ils ?

– Lanthenay ! répondit la bohémienne au hasard, ce nomd’un village qu’elle avait jadis traversé lui étant tout à couprevenu en mémoire.

Le nom de Lanthenay, que la bohémienne avait ainsi jeté, demeuraà l’enfant. Quant à sa présence au logis de la Gypsie, personne n’ysongea plus.

Il était là, comme poussé subitement sur le sol fangeux de laCour : on l’acceptait sans plus d’explications.

Celui qui portait ce nom de village que la bohémienne lui avaitdonné au hasard était un très bel enfant avec des yeux doux et degrands cheveux blonds bouclés.

Pendant les premiers jours, il pleura beaucoup en appelant samère. Il faut dire que la Gypsie fit tout ce qu’elle put pourapaiser le désespoir du pauvre petit.

Ceux qui la voyaient prendre cet enfant dans ses bras, le serrercontre son sein, le regarder avec des yeux où brillait une joielointaine, profonde, se figurèrent que la bohémienne étaitprobablement la mère du petit Lanthenay.

Dès lors s’expliqua l’indifférence de la Gypsie lorsque son filsfut pendu : elle raccrochait son existence à cet enfantqu’elle avait eu sans aucun doute de quelque seigneur français. Carl’enfant ne portait aucune marque de la race de bohème, et laGypsie était à cette époque assez belle pour avoir pu mériter uncaprice.

Voilà donc quelle était exactement la situation :

Il y avait le bohémien qu’on ne voyait jamais ; labohémienne, consolée de la pendaison de son fils, et ces deuxenfants, – Manfred, Lanthenay, – tous deux d’origine inconnue.

Le petit Lanthenay avait rapidement oublié sa douleur.

Peu à peu, il cessa d’appeler sa mère absente.

Il se hasarda à jouer avec Manfred, qui lui faisait des avancesd’amitié. Il en vint à courir dans les ruelles de la Cour desMiracles, où son petit compagnon le guida.

Puis le passé s’effaça de son esprit. Vers l’âge de dix ans, oneût bien surpris Lanthenay en lui apprenant qu’il n’avait pastoujours vécu parmi les bohémiens.

Un jour, tout naturellement, il s’était mis à appeler labohémienne « mère »…

Ce jour-là, la joie de la Gypsie fut immense.

Elle n’en laissa pourtant rien paraître.

Signalons encore ce menu fait : la Gypsie paraissait aimerLanthenay ; elle faisait tout ce qu’il fallait pour donner àl’enfant l’illusion complète qu’il était vraiment aimé ; maisjamais ses lèvres pâles ne se posèrent sur le front ou sur lesjoues de l’enfant. Jamais le maternel baiser n’apprit à Lanthenayqu’il avait une mère.

Tout ceci posé, on comprendra l’étroite amitié qui finit parunir Manfred et Lanthenay. Ils grandirent ensemble, dans uneprofonde ignorance de tout, excepté de la science des armes et desexercices du corps.

Ils avaient quinze ans – ou à peu près – et déjà leurs taillesdéveloppées par de rudes exercices, leurs physionomies étincelantesd’audace leur assuraient une sorte de domination sur les jeunesgens de la Cour des Miracles.

Nous devons ici rapporter un singulier incident qui se place àcette époque.

Un jour, la Gypsie retint Lanthenay au moment où il s’apprêtaità sortir pour rejoindre Manfred.

Et, sans préparation, comme une chose arrêtée d’avance, elle luidit :

– Il est temps que tu te mettes à travailler.

Travailler !… Lanthenay entendait ce mot pour la premièrefois. Il jeta un regard surpris sur celle qu’il appelait« mère ».

– Travailler ?… À quoi ?… Que faut-ilfaire ?…

– Cherche !… Tout le monde travaille parmi nous…

– Faut-il me mettre à fabriquer des paniersd’osier ?

La Gypsie lui saisit la main.

– À quoi te servirait-il, alors, que les plus habiles denos hommes t’aient enseigné à manier la dague ? À quoi teservirait-il de porter une rapière et de savoir si bien t’escrimeravec l’acier ?

Elle jetait un regard profond sur l’adolescent.

– Que faire ? murmura-t-il, réellement désolé de nepouvoir donner tout de suite satisfaction à la Gypsie.

– Écoute ! reprit-elle d’une voix ardente. Nous sommesici dans le royaume d’argot. Il n’y a qu’un travail possible pourun véritable argotier comme toi. Car tu en es un, ajouta-t-elleavec lenteur, comme avec une intime satisfaction. Tu es un vraifils de truand… Tu seras toi-même un truand accompli. Si jeune, tues déjà redouté dans la Cour des Miracles. Sois-le aussi hors denotre royaume. Vois nos hommes… Que font-ils ?… Lorsque tombele crépuscule, ils sortent de leur logis, et, la nuit venue,entrent dans Paris… Le lendemain matin, ils reviennent… et ils ontde l’argent… Veux-tu que je prie quelqu’un de ces braves det’enseigner l’art de guerroyer, la nuit, en pays ennemi ?…

Lanthenay comprit. Un trouble étrange bouleversa son esprit. Ilétait de bohème… Il était d’argot…

– Eh bien, réponds ! reprit la bohémienne.

– Mère Gypsie…

Il s’arrêta, hésitant.

– Pourquoi, aujourd’hui, m’appelles-tu « mèreGypsie » ?… Tu m’as toujours jusqu’ici appelé« mère ».

Oui ! Pourquoi cette adjonction au nom demère ? Y avait-il une brisure dans l’affection dujeune homme ? Pour tout dire, il ne savait pas. Le mot luiétait venu sans qu’il y songeât.

Elle le regardait avec une véritable angoisse.

– Je ne suis donc plus ta mère ?dit-elle.

Il jeta sur elle un regard troublé. Il eût voulu la rassurer, laconsoler, l’embrasser… Il ne pouvait pas !… Machinalement, ilmurmura :

– Mère Gypsie !…

Elle eut un sourire livide et lâcha la main de Lanthenay qu’ellepressait fortement dans les siennes.

– Écoute-moi, dit-elle alors de cette voix lente etgutturale qu’elle avait aux heures de ses violentes émotions, tu esmon fils… Tu n’es pas né, il est vrai, de mon sang ; je net’ai pas porté dans mon sein… Mais tu es mon fils… Ton père t’aabandonné… c’était un pauvre homme… ta mère est morte trois joursaprès ta naissance… Je t’ai recueilli, je t’ai élevé, je me suisattachée à toi profondément… plus encore qu’à Manfred. Quedis-je ? Manfred n’est pour moi qu’un étranger que j’ai élevépar pitié… Mais toi, Lanthenay, tu es mon fils… oui… mon fils…

Elle répétait le mot, y insistait, comme pour le faire entrerdans l’esprit du jeune homme.

– Je sais, dit-il, tout ce que vous avez fait pour moi. Etje me sens pour vous une gratitude qui ne finira qu’avec mavie.

– De la gratitude ! murmura-t-elle amèrement.

Il y eut entre eux deux un silence embarrassé.

– Quant à ce que vous me proposez, reprit-il, jeréfléchirai, mère…

Il prononça le mot avec une sorte de répulsion qui l’étonna, lebouleversa.

– Tu réfléchiras ! s’écria-t-elle. Écoute : jesuis une fille de bohème, moi ! je suis jeune encore, malgrémes cheveux déjà gris… Mais, bien que jeune, j’ai vu de près unefoule de choses que des vieillards n’ont pas vues. J’ai appris àlire dans le cœur des hommes ; j’ai étudié ; j’aicomparé. La vie a été arrangée pour que nous autres, nous soyonséternellement misérables, et pour que, de notre misère, soit bâtile bonheur des heureux du monde… Est-ce que cela ne te révoltepas ?… Regarde-toi ! Tu as la force, tu as la beauté, tuas l’audace, tu as le courage et l’intelligence… Et pourtant,qu’es-tu ? Rien !… Que peux-tu être ? Rien !…Est-ce que cela ne t’indigne pas ?… Moi, mon fils, j’ai vu deprès les hommes, et je te le dis : celui qui ne se révoltepas, celui-là est un lâche. Or, tu n’es pas un lâche… Quecrains-tu ?… Moi, je ne crains rien… Je n’ai pas peur de lamort… Et toi, Lanthenay, tu n’as pas peur non plus. Je le sais.J’ai pesé ton cœur. Je sais ce qu’il vaut… Que se passe-t-il doncen toi ? Pourquoi n’accueilles-tu pas mes paroles avec lestransports que j’attendais ?

Ce qui se passait en lui ?…

Lanthenay eût été bien embarrassé de le dire.

Disons simplement que ce jeune homme était une nature fine etdélicate à qui répugnaient les moyens grossiers proposés par labohémienne.

Cet entretien n’eut pas de suite. Lanthenay s’échappa enpromettant de songer à la proposition.

Il y songea, en effet, en parla longuement avec Manfred, et tousdeux furent d’accord pour conclure qu’ils ne seraient pas desargotiers.

Cependant, leur influence dans le royaume d’argot allaitgrandissant. D’où venait cette influence ?

L’argot et l’Égypte n’avaient qu’un culte, celui de labravoure.

Or, nul n’était aussi brave que Manfred et Lanthenay.

Un jour, une ribaude devait être pendue pour nous ne savons tropquel méfait. Manfred et Lanthenay, assistés de quelques hardiscompagnons, tombèrent sur l’escorte qui conduisait l’infortunée àla potence.

Le fait était inouï. L’attaque fut si impétueuse, si imprévueque la masse du peuple accouru au spectacle s’enfuit de toutesparts ; les soldats de l’escorte, effarés, croyant à unesédition, se mirent à charger la foule qui s’enfuyait, et quand ilsrevinrent à la charrette où était attachée la condamnée, celle-ciavait disparu.

Une nuit, le guet ramassa et entraîna deux pauvres diables,sortes de matamores, avec leurs toques à plume gigantesque et leursmanteaux troués ; on les appelait Fanfare et Cocardère.Manfred et Lanthenay rencontrèrent la patrouille qui emmenait lesdeux argotiers. Ils la chargèrent aussitôt et s’escrimèrent si bienque, quelques minutes plus tard, Fanfare et Cocardère étaientlibres.

On citait des deux jeunes gens cent traits pareils accomplistantôt par l’un, tantôt par l’autre, tantôt par les deuxensemble.

Ces prouesses avaient fortement impressionné l’imagination destruands parmi lesquels vivaient Manfred et Lanthenay. On ne pouvaitleur faire qu’un reproche ; il est vrai qu’il étaitgrave !

Jamais ils n’avaient voulu se mêler d’une expédition nocturnecontre la bourse des passants.

Achevons en disant que les truands avaient un préféré parmi cesdeux préférés : c’était Manfred.

Lanthenay, plus calme, plus réfléchi, plus froid ; Manfred,emporté, batailleur, querelleur, grand buveur et grand coureur defilles. Lanthenay avait cette physionomie spéciale des gens surlesquels pèse un malheur insoupçonné ; on ne pouvait pas direqu’il était d’humeur triste ; mais il y avait en lui unegravité inquiète comme s’il eût senti rôder près de lui le malheur…comme s’il eût la confuse intuition de quelque effroyablecatastrophe toute proche ; Manfred paraissaitinsoucieux ; il était cependant d’une sensibilitéextrême ; les sentiments, chez lui, se haussaient par bondsjusqu’aux sommets.

Ces différences apparentes suffisent pour expliquer que Manfredfût le préféré des truands ; il n’en était pas un parmi euxqui ne fût prêt à se faire tuer pour lui ; il n’était pas uneribaude dans tout le royaume d’argot qui ne soupirât secrètementpour lui. Il était le véritable roi des truands, comme il l’avaitdéclaré lui-même avec une sorte de vantardise naïve etcharmante ; le roi de Thunes, Tricot lui-même, ne lui parlaitqu’avec respect, et il faut dire tout de suite que ce personnagesupportait avec impatience l’autorité morale du jeune homme.

Quelles étaient les ressources de nos deux héros à l’époque oùnous les rencontrons ? De quoi vivaient-ils ?

Pour Lanthenay, la réponse était facile. Lanthenay était devenul’associé de maître Etienne Dolet, le célèbre imprimeur. Un jour,alors qu’ils avaient environ une douzaine d’années, les deuxgamins, courant, errant, musant par les rues, s’étaient égarésjusqu’au delà des ponts, vers la montagne Sainte-Geneviève.

Le hasard les amena devant une boutique.

Sur le seuil, assis sur des escabeaux, deux hommes examinaientavec attention des feuilles de parchemin sur lesquelles étaienttracés des signes bizarres.

Les deux enfants, hissés sur la pointe du pied, regardaient avecune profonde admiration.

– Qu’est-ce que c’est ? demanda Manfred.

– Des écritures ! répondit Lanthenay.

Les deux hommes se retournèrent et sourirent à la mine éveillée,aux yeux intelligents et à l’admirative physionomie des gamins. Or,de ces deux hommes, l’un, et le plus jeune, était maître Dolet.

L’autre était Rabelais corrigeant l’épreuve d’une édition duLivre seigneurial qui portait ce titre : La vieinestimable du grand Gargantua, père de Pantagruel, jadis composéepar l’abstracteur de quintessence.

Rabelais interrogea ces deux enfants qui regardaient lesécritures avec tant d’admiration. Leurs réponses lefrappèrent. Dolet les fit entrer dans la boutique et leur montrades images qui les stupéfièrent…

Le lendemain, ils revinrent « pour voir les images »,puis les jours suivants. Peu à peu le maître imprimeur s’attacha àces deux gamins, et il entreprit de commencer leur éducation.Jamais élèves plus attentifs n’écoutèrent avec plus d’admirationleur maître…

Lanthenay, surtout, devint un vrai savant et trouva desperfectionnements à l’art naissant de l’imprimerie.

Hâtons-nous d’ajouter que, très vite, il s’intéressa surtout àl’imprimerie parce que maître Dolet avait une fille.

Lanthenay était donc devenu l’associé du maître imprimeur. Quantà Manfred, il rêvait d’autres destinées.

Il rêvait gloire et batailles et n’attendait que l’occasionpropice de s’aventurer en quelque guerre.

En attendant, comment vivait-il ?

Disons tout d’abord que les deux jeunes gens habitaient ensemblerue Froidmantel un logis très modeste. Ce que gagnait Lanthenaysuffisait à leurs besoins communs. Mais force nous est d’ajouterque Manfred augmentait parfois le pécule d’une somme imprévue, deprovenance plutôt bizarre.

Il arrivait que quelque truand de marque priait le jeune hommede lui enseigner quelque bon coup d’épée. Manfred ne se faisait pasprier.

Nous devons déclarer qu’avec son insouciance il n’y voyait pasmalice. Généralement il retrouvait, après la leçon, une ou deuxpièces d’or dans son pourpoint.

Était-ce à lui de juger les truands parmi lesquels il avait étéélevé, qui l’avaient tant aimé et choyé ?

En acceptant ces pièces d’or qui sentaient le fagot d’une lieue,Manfred était peut-être poussé par quelque délicat sentiment.Peut-être ne voulait-il pas faire comprendre au donateur ladistance qui le séparait de lui… Où peut-être, tout simplement, nefaisait-il là-dessus aucune réflexion, la morale, à cette époque,étant bien loin d’être aussi « perfectionnée » qu’à lanôtre, où, tous, nous sentons et comprenons par éducation intensivecombien il est mal de prendre une part de bien-être à qui en atrop. Manfred ne comprenait peut-être pas cela, lui !

Nous laissons le lecteur libre de choisir entre les deuxexplications, et nous n’irons pas plus loin dans ce plaidoyer.

Telle était la situation exacte de Manfred et de Lanthenay aumoment où nous lions connaissance avec ces deux personnages.

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