Mémoire de Casanova partie 2

Chapitre VI

M. Haller. Losane. Ma bonne me quitte. Genève.

La nièce du pasteur.

J’ai vu un gros homme de six pieds1, doué d’une belle physionomie, qui après avoir lua la lettre de M. de Muralt, me fit tous les honneurs de l’hospitalité, et m’ouvrit les trésors de ses sciences répondant à mes questions avec précision, et surtout avec une modestie qui devait me paraître outrée, car dans le même temps qu’il m’instruisait il voulait bien avoir l’air d’un écolier : par la même raison, quand il me faisait des interrogations scientifiques, j’y trouvais l’instruction qui m’était nécessaire pour ne pas me tromper dans la réponse. Cet homme était grand physiologiste, médecin, anatomiste qui comme Morgagni, qu’il appelait son maître, avait fait des nouvelles découvertes dans le microcosme2. Il me montra, pendant mon séjour chez lui, une grande quantité de ses lettres, et de Pontedera aussi professeur en Botanique dans la même université, car Haller fut aussi botaniste très savant. M’entendant parler de ces grands hommes, dont j’avais sucé le lait3, il se plaignit avec douceur de Pontedera, dont les lettres étaient presqu’indéchiffrables, et outre cela la latinité4 très obscure. Un académicien de Berlin lui écrivait que le roi de Prusse, après avoir lu sa lettre, ne pensait plus à la suppression générale de la langue latine. Un souverain, lui disait Haller dans sa lettre, qui réussirait à proscrire de la république littéraire la langue de Cicéron, et d’Horace élèverait un monument immortel à sa propre ignorance. Si les gens de lettres doivent avoir une langue commune pour s’entre-communiquer leurs lumières, la plus propre, entre les mortes, est certainement la latine, car les règnes de la grecque, et de l’arabe parvinrent à leur fin.

Haller était grand poète pindarique5, et bon politique, qui mérita beaucoup de sa patrie. Ses mœurs furent toujours très pures ; il me dit que le seul moyen de donner des préceptes était celui de [92v] prouver leur bonne valeur par l’exemple. Étant bon citoyen, il devait par conséquent être excellent père de famille ; et je l’ai reconnu pour tel. Il avait une femme, qu’il avait épousée quelque temps après avoir perdu sa première, qui portait sur sa belle physionomie la sagesse6 ; et une jolie fille âgée de dix-huit ans, qui ne parla à table que quelquefois à voix basse à un jeune homme qui était assis à son côté. Après dîner, j’ai demandé à mon hôte, me trouvant tête-à-tête avec lui qui était le jeune homme que j’ai vu assis près de sa fille.

— C’est son précepteur7.

— Un tel précepteur, et une telle écolière pourraient facilement devenir amoureux l’un de l’autre8.

— Plût à Dieu.

Cette réponse socratique me fit connaître la sotte impertinence de ma réflexion. J’ouvre un tome in octavo de ses ouvrages, et je lis : Utrum memoria post mortem dubito [Je doute que la mémoire subsiste après la mort]9. Vous ne croyez donc pas, lui dis-je, que la mémoire soit une partie essentielle de l’âme ? Le sage dut alors biaiser ; car il avait des raisons pour ne pas rendre douteuse son orthodoxie. Je lui ai demandé à table, si M. de Voltaire venait souvent lui faire des visites. Il me dit en souriant ces vers du grand poète de la raison : Vetabo qui Cereris sacrum vulgarit arcanae sub iisdem sit trabibus [Je défendrai que l’homme qui aura divulgué les rites de la mystérieuse Cérès habite sous les mêmes poutres que moi]10. Après cette réponse, je ne lui ai jamais parlé religion dans tous les trois jours que j’ai passés avec lui. Quand je lui ai dit que je me faisais une fête d’aller connaître le célèbre Voltaire, il me répondit sans la moindre aigreur que c’était un homme que j’avais raison de vouloir connaître ; mais que plusieurs ont trouvé, malgré la loi de physique, plus grand de loin que de près11.

J’ai trouvé la table de M. Haller très abondante, mais lui très sobre. Il ne but que de l’eau, et un petit verre de liqueur au dessert noyé dans un grand verre d’eau. Il me parla beaucoup de Boherawe, dont il avait été l’écolier favori12. Il me dit qu’après Hippocrate, Boherawe avait été le plus grand de tous les médecins ; et plus grand chimiste du premier13, et de tous ceux qui avaient existéb après lui.

— Comment n’a-t-il donc pu parvenir à la maturité ?

[93r] —cParce que contra vim mortis nullum est medicamen in hortis [Contre la virulence de la mort, point d’antidote dans le jardin]14 ; mais si Boherawe n’était pas né médecin il serait mort avant l’âge de quatorze ans d’un ulcère venimeux qu’aucun médecin ne put guérir. Il s’est guéri se frottant avec sa propre urine dans laquelle il détrempait du sel commun.

— Madame III m’a dit qu’il avait la pierre philosophorum.

— On le dit ; mais je ne le crois pas.

— Croyez-vous qu’elle soit faisable ?

— Je travaille depuis trente ans pour la trouver impossible, et je ne peux pas parvenir à cette certitude. On ne peut pas être bon chimiste sans reconnaître pour physique la possibilité du grand œuvre.

Quand j’ai pris congé il m’a prié de lui écrire mon jugement sur le grand Voltaire, et ce fut le commencement de notre correspondance épistolaire en français. J’ai vingt-deux lettres de cet homme15, dont la dernière est datée six mois avant sa mort prématurée aussi16. Plus je vieillis plus je regrette mes papiers17. C’est le vrai trésor qui m’attache à la vie, et qui me fait haïr la mort.

Je venais de lire à Berne l’Héloyse de J.-J. Rousseau, et j’ai voulu entendre ce que M. Haller m’en dirait18. Il me dit que le peu qu’il avait lu de ce roman pour contenter un ami lui avait suffi pour juger de tout l’ouvrage. C’est, me dit-il, le plus mauvais de tous les romans, parce que c’est le plus éloquent. Vous verrez le pays de Vaux. C’est un beau pays, mais ne vous attendez pas à voir les originaux des brillants portraits que Rousseau vous représente19. Rousseau a cru que dans un roman il est permis de mentir. Votre Pétrarque n’a pas menti. J’ai ses ouvrages écrits en latin, que personne ne lit plus à cause que sa latinité n’est pas belle, et on a tort. Pétrarque fut un savant, et point du tout imposteur dans son amour de l’honnête Laure qu’il aimait tout comme un autre homme aime une femme dont il devient amoureux. Si Laure n’avait rendu Pétrarque heureux, il ne l’aurait pas célébrée20.

C’est ainsi que M. Haller me parla de Pétrarque sautant le propos de Rousseau, dont il n’aimait pas même l’éloquence à cause qu’il ne la rendait brillante que moyennant l’antithèse, et le paradoxe. Ce gros Suisse était un savant du premier ordre, mais il ne l’était ni par ostentation, ni lorsqu’il était en famille, ni quand il se trouvait en société des personnes qui pour s’amuser n’ont pas besoin de discours scientifiques. Il se mettait à portée de tout son monde, il était aimable, et il ne déplaisait à personne. Mais qu’avait-il pour plaire ainsi à tout le monde ? Je n’en sais rien. Il est plus aisé de dire ce qu’il n’avait pas que ce qu’il avait. Il n’avait aucun des défauts des gens qu’on appelle d’esprit, et des doctes.

Ses vertus étaient austères ; mais il se gardait bien d’en faire connaître l’austérité. Il méprisait certainement les ignorants qui au lieu de se tenir dans les bornes que leur misère leur prescrit veulent parler de tout à tort et à travers, et tâchent même de mettre en dérision ceux qui savent quelque chose ; mais son mépris ne paraissait pas. Il savait trop bien que l’ignorant méprisé hait, et il ne voulait pas être haï. M. Haller était un savant qui ne voulait pas qu’on devinât son esprit, car il le laissait voir, et qui ne voulait pas tirer parti de la réputation qu’il avait : il parlait biend ; et il disait des bonnes choses sans empêcher personne de la compagnie d’en dire. Il ne parlait jamais de ses ouvrages, et quand on lui en parlait, il détournait le propos ; et quand il était d’une opinion différente il ne contredisait qu’à regret.

À peine arrivé à Losane21, me croyant maître de garder l’incognito au moins pour un jour, j’ai, comme de raison, donné la préférence à mon cœur. Je suis allé voir la Dubois, sans avoir eu besoin d’aller demander à personne où elle demeurait, tant elle m’avait bien dessinée les rues par lesquelles je devais passer pour arriver chez elle. Je l’ai trouvée avec sa [94r] mère ; mais ma surprise fut extrême quand j’ai vu Lebel. Elle ne me donna pas le temps de la laisser paraître. Après avoir fait un cri, elle me sauta au cou ; et sa mère me fit les compliments de saison. J’ai demandé à Le-bel comment se portait l’ambassadeur, et depuis quand il était à Lausane.

Ce brave homme, prenant un ton d’amitié, me dit que l’ambassadeur se portait très bien, qu’il était arrivé à Losanna le matin pour affaires, et qu’il était allé voir la mère de la Dubois après avoir dîné, où il avait été fort surpris de trouver sa fille. Vous savez, me dit-il, quelles sont mes intentions ; je dois partir demain ; et quand vous vous serez déterminé, si vous me l’écrirez, je viendrai la prendre, et je la conduirai à Soleure, où je l’épouserai.

À cette explication, qui ne pouvait être ni plus claire, ni plus honnête, j’ai répondu que je ne m’opposerai jamais aux volontés de ma toute bonne ; et elle dit à son tour qu’elle ne se déterminerait jamais à me quitter que lorsque je lui donnerais son congé. Trouvant nos réponses trop vagues, il me dit avec franchise qu’une réponse définitive lui était nécessaire, et pour lors je lui ai dit avec intention de rejeter tout à fait son projet que dans dix à douze jours je lui écrirai tout. Il partit pour Soleure le lendemain matin.

Après son départ, la mère de ma chère amie, à qui le bon sens tenait lieu d’esprit, nous parla raison du style, dont elle avait besoin de se servir avec nos deux têtes, car amoureux, comme nous étions, nous ne pouvions pas nous déterminer à nous séparer.

En attendant j’ai établi avec ma bonne qu’elle m’attendrait tous les jours jusqu’à minuit, et que nous nous déciderions comme je [94v] l’avais promis à Le-bel. Elle avait sa chambre, et un très bon lit, et elle me donna à souper assez bien. Le matin nous nous trouvâmes très amoureux, et point du tout disposés à penser au projet de Le-bel. Nous eûmes cependant une petite question22.

Le lecteur peut se souvenir que ma bonne m’avait promis de me pardonner toutes mes infidélités sous condition que je lui en ferais exactement la confidence. Je ne pouvais me confesser d’aucune ; mais en soupant je lui ai conté la petite histoire de Raton.

— Nous devons nous trouver fort heureux tous les deux, me dit-elle, car sans le hasard qui te fit avoir besoin d’aller dans ce lieu où tu as trouvé l’avis salutaire, tu aurais perdu ta santé, et la maladie ne s’étant pas d’abord déclarée, tu me l’aurais communiquée.

— Cela se peut, et j’en serais au désespoir.

— Je le sais : et plus encore fâché de ce que je ne m’en plaindrais pas.

— Je ne vois qu’un seul remède pour éviter ce malheur. Quand je t’aurai faitf une infidélité, je me punirai m’abstenant de te donner des marques de ma tendresse.

— C’est donc moi que tu voudrais punir. Si tu m’aimais bien, tu connaîtrais un meilleur remède ce me semble.

— Quel serait-il ?

— Celui de ne pas me faire des infidélités.

— Tu as raison. Je te demande pardon ; et je l’emploierai à l’avenir.

— Je crois que cela te sera difficile.

L’auteur des dialogues de cette espèce est l’amour ; mais l’amour n’y gagne rien à les composer.

Le lendemain à mon auberge, lorsque tout habillé je me disposais à aller porter mes lettres à ceux auxquels elles étaient adressées, j’ai vu le baron de Bercei oncle de mon ami Bavois23. — Je sais, me dit-il, que mon neveu vous doit sa [95r] fortune, qu’il est estimé, qu’il sera général à la première promotion, et toute ma famille sera enchantée, comme moi, de vous connaître. Je viens vous offrir mes services, et je vous prie de venir dîner chez moi aujourd’hui, et d’y venir après quand vous n’aurez rien de mieux à faire ; mais en même temps je vous prie de ne rien dire à personne de la faute qu’il a faite se faisant catholique, car c’est une faute que24 selon la façon de penser de ce pays le déshonore, et c’est une espèce de déshonneur qui de bricole25 tombe sur tous ses parents.

Je lui ai promis de ne jamais toucher à cette circonstance de sa vie parlant de lui ; et d’aller d’abord manger sa soupe en famille. J’ai trouvég honnêtes, nobles, fort polies, et remplies de talent toutes les personnes auxquelles on m’a adressé. Madame de Geantil Langalerie me parut la plus aimable de toutes les dames26 ; mais je n’ai pas eu le temps de faire une cour particulière plus à une qu’à une autre. Des dîners, des soupers, et des bals tous les jours, où la politesse voulait que je n’y manquasse jamais, me gênaient à outrance. J’ai passéh quinze jours dans cette petite ville, où je ne me suis jamais trouvé libre précisément parce qu’on avait la rage de vouloir jouir de la liberté. Je n’ai pu aller passer la nuit avec ma bonne qu’une seule fois : il me tardait de partir avec elle pour Genève, où tout le monde voulut me donner des lettres pour M. de Voltaire ; qui cependant y était détesté à cause, m’a-t-on dit, de son humeur caustique.

— Comment ? mesdames ; M. de Voltaire n’est pas doux, aimable, gai, et affable avec vous, qui eûtes la complaisance de jouer dans ses pièces de théâtre avec lui ?

— Non monsieur. [95v] Quand il nous faisait répéter nos rôles il nous grondait : nous ne disions jamais une chose comme il voulait, nous ne prononcions pas bien un mot ; il trouvait mauvaise notre voix, notre ton, et c’était encore pire quand nous jouions la pièce. Quel vacarme pour une syllabe oubliée, ou ajoutée qui avait gâté un de ses vers ! Il nous faisait peur. Une avait mal ri, l’autre dans l’Alzire n’avait fait que semblant de pleurer27.

— Voulait-il que vous pleurassiez tout de bon ?

— Tout de bon : il voulait qu’on versât des larmes véritables : il soutenait que l’acteur ne pouvait faire pleurer le spectateur que pleurant réellement.

— En ceci je crois qu’il avait raison ; mais un auteur sage, et modéré n’use pas de tant de rigueur vis-à-vis des amateurs. On ne peut exiger des choses pareilles que des véritables comédiens ; mais tel est le défaut de tout auteur. Il ne trouve jamais que l’acteur ait donné à ses paroles la force nécessaire à expliquer leur propre sens.

— Je lui ai dit un jour, très ennuyée de ses incartades, que ce n’était pas ma faute si ses paroles n’avaient pas la force qu’elles devaient avoir.

— Je suis sûr qu’il n’a fait qu’en rire.

— Rire ? Dites ricaner. Il est insolent, brutal, insupportable à la fin.

— Mais vous lui avez passéi tous ses défauts ; j’en suis sûr.

— N’en soyez pas sûr ; car nous l’avons chassé.

— Chassé ?

— Oui chassé : il a quitté brusquement les maisons qu’il avait louées, il est allé demeurer où vous le trouverez, et il ne vient plus chez nous, pas même étant invité, car enfin nous estimons son grand talent, et nous ne l’avons fait enrager que pour nous venger, et pour lui apprendre à vivre28. Faites-le parler de Losane, et vous entendrez ce qu’il dira de nous, quoiqu’en riant, car c’est sa façon.

[96r] Je me suis plusieurs fois trouvé avec le lord duc de Rosburi, qui avait en vain aimé ma bonne. C’était un beau jeune homme, dont je n’ai jamais connu le plus taciturne. On m’a d’abord dit qu’il avait de l’esprit, qu’il était instruit, et qu’il n’était pas triste : dans la société, aux assemblées, aux bals, aux dîners sa politesse ne consistait qu’en révérences : quand on lui parlait il répondait très laconiquement, et en bon français, mais avec une contenance timide, qui démontrait que toute interrogation le gênait. Dînant chez lui, je lui ai demandé quelque chose qui regardait sa patrie, et qui demandait cinq à six phrases, et il me répondit très bien, mais rougissant. Le fameux Fox, qui était aussi du dîner, et qui alors avait l’âge de vingt ans29, le fit rire ; mais lui parlant anglais. J’ai vu ce même duc à Turin huit mois après amoureux de madame Martin femme d’un banquier, qui eut le talent de lui délier la langue.

J’ai vu dans ce pays-là une fille de onze à douze ans, dont la beauté m’a frappé. Elle était fille de madame de Saconai que j’avais connue à Berne. Je ne sais pas quelle fut la destinée de cette fille, qui m’a laissé en vain la plus forte impression30.

Rien de tout ce qui existe n’a jamais exercé sur moi un si fort pouvoir qu’une belle figure de femme, même enfant. Le beau, m’a-t-on dit, a cette force. D’accord ; car ce qui m’attire me semble certainement beau ; mais est-il réellement beau ? Je dois en douter, puisque ce qui me semble beau n’a pas toujours en sa faveur le consentement universel. La beauté parfaite n’existe donc pas, ou elle n’a pas en elle-même cette force. Tous ceux qui ont parlé de la beauté ont biaisé : ils devaient se tenir au nom que les Grecs, et les Latins lui ont donnéj. Forme. La beauté n’est donc autre chose que [96v] la forme par excellence. Ce qui n’est pas beau n’a pas une forme ; et ce deforme était le contraire de pulcrum, ou formosum31. Nous avons raison de chercher la définition des choses, mais quand nous l’avons dans leur nom quel besoin avons-nous d’aller la chercher ailleurs ? Si le mot forme forma est latin, allons voir l’acception latine, et non pas la française, qui cependant dit souvent deforme au lieu de laid sans s’apercevoir que son contraire doit être un mot qui indique l’existence de la forme, qui ne peut être autre chose que la beauté. Observons qu’informe en français aussi bien qu’en latin signifie sans figure. C’est un corps qui n’a l’apparence de rien.

Ce qui a donc exercé sur moi constamment un empire absolu est la beauté animée d’une femme : mais cette beauté qui existe sur sa figure. C’est où le prestige tient son siège, et c’est aussi vrai que les Sphinges32 que nous voyons à Rome, et à Versailles nous rendent presqu’amoureux de leur corps, quoique deforme dans toute la force de ce mot. Contemplant leur visage nous parvenons à trouver belle leur deformité. Mais qu’est-ce que cette beauté ? Nous n’en savons rien, et quand nous voulons la soumettre à des lois, ou déterminer ces mêmes lois nous biaisons comme Socrate33. Tout ce que je sais est que cette superficie34 qui m’enchante, qui me transporte, qui me rend amoureux est ce qu’on appelle beauté. C’est un objet de la vue, je parle pour elle. Si ma vue pouvait parler, elle en parlerait plus savamment que moi.

Aucun peintre ne surpassa Raphaël dans la beauté des figures produites par son pinceau ; mais si on avait demandé à Raphaël ce que c’était que cette beauté, dont il savait si bien les lois, il aurait répondu qu’il n’en savait rien, qu’il la savait par cœur, et qu’il croyait de l’avoir produite, quand il la voyait devant ses yeux. Cette figure me plaît, devait-il dire, elle est donc belle. Il devait remercier Dieu d’être né avec un excellent goût pour la beauté. Mais omne pulcrum difficile [Tout ce qui est beau est difficile]. Les seuls peintres estimés furent ceux qui excellèrent dans le beau : leur nombre est petit. Si nous voulonsk dispenser un peintre de l’obligation de donner à ses ouvrages le caractère de la beauté, chaqu’homme pourra alors devenir peintre, car rien n’est plus facile que faire du laid. Le peintre, qui n’est pas institué tel par Dieu même, le fait par force. Observons combien un bon peintre est rare dans la classe de ceux qui se sont adonnés au talent de faire des portraits. C’est le genre le plus matériel de leur art. Il y en a de trois espèces. Ceux qui ressemblent, et enlaidissent : ils méritent selon moi d’être payés par des coups de bâton, car ils sont impertinents, et ils ne conviennent jamais d’avoir fait la personne plus laide, ou moins belle. Lesl seconds, auxquels on ne peut pas refuser du mérite, sont ceux qui ressemblent parfaitement, et même à un point qui étonne, car la figure paraît parlante.

Mais les rares, et très rares sont ceux qui ressemblent parfaitement, et en même temps ajoutent un caractère imperceptible de beauté à la figure qu’ils ont tracée sur le tableau. Ces peintres sont dignes dem la fortune qu’ils font. Tel fut Natier Parisien, que j’ai connu âgé de quatre-vingts ans l’année cinquantième de ce siècle35. Il faisait le portrait d’une femme laide : elle ressemblait à la perfection à la figure que Natier lui avait donnée sur la toile, et malgré cela dans le portrait tout le monde la trouvait belle. On examinait le portrait, et on ne pouvait remarquer rien de changé. Tout ce qui était ajouté, ou diminué était imperceptible.

[97v] — D’où vient donc cette magie ? dis-je un jour à Natier, qui venait de peindre les laides mesdames de France belles comme des astres36.

— Cela démontre la divinité de la beauté que tout le monde adore, et que personne ne sait en quoi elle consiste ; et cela fait connaître aussi combien est imperceptible la différence qui passe entre la beauté, et la laideur d’une physionomie qui semble cependant si grande à ceux qui n’ont aucune connaissance de notre art.

Les peintres grecs se plurent à faire Vénus, déesse de la beauté, louche. Les commentateurs ont beau dire. Ils eurent tort. Deux yeux loucheux peuvent être beaux ; mais s’ils louchent j’en suis fâché, et je les trouve moins beaux.

Le neuvième jour de mon séjour à Lausane j’ai soupé, et passén la nuit avec ma bonne, et le matin prenant du café avec elle, et sa mère, je lui ai dit que le moment de prendre congé s’approchait. La mère me dit que par sentiment d’honnêteté, je devais désabuser Le-bel avant mon départ, et elle me montra une lettre de cet honnête homme qu’elle avait reçueo la veille. Il la priait de me remontrer que si je ne pouvais pas me résoudre à lui céder sa fille avant de quitter Losane, j’aurai encore plus de peine à m’y déterminer quand je m’en trouverais éloigné, et qu’elle m’aurait peut-être donné un gage vivant de sa tendresse qui augmenterait mon attachement à la mère. Il lui disait qu’il ne pensait certainement pas à retirer sa parole ; mais qu’il se croirait plus encore heureux pouvant dire d’avoir reçup des mains de la mère même la femme qu’il avait épousée.

Cette bonne mère nous laissa en pleurant, et je suis resté avec ma bonne amie raisonnant sur cette grande affaire. Ce fut elle qui eut le courage de me dire qu’il fallait dans l’instant écrire à Lebel de ne plus penser à elle, ou de venir d’abord la prendre.

— Si je lui écris de ne plus penser à toi, je dois t’épouser.

— Non.

Après avoir prononcé ce non, elle me laissa seul. Je n’ai eu besoin que d’y penser un quart d’heure pour écrire à Lebel une courte lettre dans laquelle je lui disais que la veuve Dubois maîtresse d’elle-même s’était décidée à lui donner sa main, et que je ne pouvais qu’y consentir, et la féliciter sur son bonheur. Je le priais par conséquent de partir d’abord de Soleure pour la recevoir des mains de sa mère à ma présence.

Je suis alors entré dans la chambre de sa mère donnant la lettre à sa fille, et lui disant que si elle l’approuvait elle n’avait qu’à ajouter sa signature à la mienne. Après l’avoir lue, et relue, sa mère ne faisant que pleurer, elle fixa pour une minute ses beaux yeux sur ma figure, puis elle signa. J’ai dit alors à la mère de trouver un homme sûr pour l’expédier d’abord à Soleureq. L’homme vint ; et il partit d’abord avec ma lettre. Nous nous verrons, dis-je à ma bonne l’embrassant, d’abord que Le-bel sera arrivé. Je suis retourné à mon auberge, et pour dévorer ma tristesse je me suis enfermé, ordonnant qu’on dise que j’étais indisposé.

rQuatre jours après vers le soir j’ai vu devant moi Lebel, qui après m’avoir embrassé me quitta me disant qu’il allait m’attendre chez sa future. Je l’ai prié de me dispenser l’assurant que je dînerais chez elle avec lui le lendemain. J’ai faits toutes mes dispositions pour partir après avoir dîné, et le lendemain matin j’ai pris congé de tout le monde. Vers midi Lebel est venu me prendre.

Notre dîner ne fut pas triste ; mais il ne fut pas non plus animé par la joie. Au moment de les quitter, j’ai priét ma ci-devant bonne de me rendre la bague que je lui avais donnée pour cent louis, comme nous étions restés d’accord ; elle les reçut d’un air fort triste.

— Je ne l’aurais pas vendue, me dit-elle, car je n’ai pas besoin d’argent.

— Dans ce cas, lui dis-je, je vous la rends, mais promettez-moi de ne jamais la vendre, et gardez les cent louis aussi faible récompense des services que vous m’avez rendus.

Elle me donna son anneau d’or de son premier mariage, et elle me quitta ne pouvant pas retenir ses larmes. Après avoir essuyéu les miennes : Vous allez, dis-je à Lebel, vous mettre en possession d’un trésor que je ne peux vous assez recommander. Vous ne resterez pas longtemps à en connaître tout le prix. Elle vous aimera uniquement : elle veillera à votre économie : elle n’aura jamais pour vous aucun secret ; et par son esprit elle vous amusera, et elle dissipera facilement la moindre ombre de mauvaise humeur qui pourra par hasard vous surprendre.

Étant entré avec lui dans la chambre de la mère pour prendre le dernier congé, elle me pria de différer mon départ après avoir encore une fois soupé avec elle, et je lui ai répondu que les chevaux attelés étant à ma porte, ce délai ferait tenir des propos ; mais je lui ai promis de l’attendre avec son époux, et sa mère à une auberge qui était à deux lieues37 de là sur la route de Genève, où nous pourrions rester tant que nous voudrions, et Lebel trouva cette partie de plaisir tout à fait de son goût.

À mon retour à l’auberge, tout étant prêt, je suis d’abord parti, et je me suis arrêté à l’endroit convenu ; où j’ai d’abord ordonné à souper pour quatre. Je les ai vus arriver une heure après. L’air libre, et gai de la nouvelle épouse me surprit, et surtout l’aisance avec laquelle ouvrant ses bras elle vint entre les miens. Elle me décontenança : elle avait plus d’esprit que moi. J’ai eu cependant la force de me conformer à son humeur : il ne me semblait pas possible qu’elle m’eût aimé, et qu’elle eût pu sauter ainsi tout d’un coup de l’amour à la simple amitié ; malgré cela je me détermine à l’imiter, et je ne me refuse pas aux démonstrations qu’on permet à l’amitié, et qu’on prétend exemptes des [99r] sensations qui outrepassent ses confins.

Dans le courant du souper j’ai cru de voir Le-bel plus transporté du bonheur qu’il avait eu de se mettre en possession de cette femme que du droit qu’il acquérait d’en jouir pour satisfaire à une passion forte qu’il aurait pu concevoir d’avance pour elle. Je ne pouvais pas être jaloux d’un homme qui pensait ainsi. J’ai aussi vu que l’enjouement de ma bonne ne venait que du désir qu’elle avait de me le communiquer pour rendre son futur certain qu’elle ne lui laisserait rien à désirer. Elle devait être aussi très satisfaite de se voir parvenue à un état constant, et solide à l’abri des caprices de la fortune.

Ces réflexions à la fin du souper qui dura deux heures rendirent mon humeur égale à celle de ma feue bonne. Je la regardais avec complaisance comme un trésor qui m’avait appartenu, et qui après avoir fait mon bonheur allait faire celui d’un autre de mon plein consentement. Il me semblait de donner à ma bonne la récompense qu’elle méritait, comme un généreux musulman donne la liberté à un esclave chéri en récompense de sa fidélité. Je la contemplais, je riais de ses saillies, et le souvenir alors des plaisirs que j’avais eusv avec elle me tenait lieu de la réalité sans nulle aigreur, et sans aucun regret de m’être privé du droit de les renouveler38. Il me semblait même d’être fâché quand, jetant les yeux sur Le-bel, il ne mew paraissait pas fait pour me remplacer. Elle qui devinait ma pensée me disait des yeux qu’elle ne s’en souciait pas.

Après souper, Le-bel ayant dit qu’il devait absolument retourner à Losane pour être le surlendemain à Soleure, je l’ai embrassé lui demandant la continuation de son amitié jusqu’à la mort. Tandis qu’il allait monter dans la voiture avec la mère, ma bonne, descendant l’escalier avec moi, me [99v] dit avec sa candeur ordinaire qu’elle ne serait heureuse que lorsque la plaie se serait entièrement cicatrisée. Le-Bel, me dit-elle, n’est fait que pour gagner mon estime, et mon amitié ; mais cela n’empêchera pas que je ne sois toute à lui. Sois sûr que je n’ai aimé que toi, et que tu es le seul qui m’a fait connaître la force des sens, et l’impossibilité d’y résister quand rien ne l’empêche d’agir. Quand nous nous reverrons, comme tu me le fais espérer, nous nous trouverons en état d’être parfaits amis, et bien aises d’avoir pris le parti que nous venons de prendre ; et pour ce qui te regarde, je suis sûre qu’en peu de temps un nouvel objet plus ou moins digne d’occuper ma place dissipera ton ennui. Je ne sais pas si je suis grosse, mais si je le suis, tu seras content du soin que j’aurai de ton enfant, que tu retireras de mes mains quand tu voudras. Hier nous prîmes un arrangement sur cet article qui ne nous laissera pas douter lorsque j’accoucherai. Nous sommes convenus que nous nous épouserons d’abord que nous serons à Soleure ; mais nous ne consommeronsx le mariage que dans deux mois, nous serons ainsi sûrs que mon enfant t’appartiendra si j’accouche avant le mois d’Avril ; et nous laisserons volontiers que le monde croie l’enfant fruit légitime de notre mariage. C’est lui qui est l’auteur de ce sage projet, source de paix dans la maison, et fait pour ôter de l’esprit de mon mari toute ombre de doute dans l’affaire trop incertaine de la force du sang, à laquelle il ne croit pas plus que moi ; mais mon mari aimera notre enfant comme s’il en était le père, et si tu m’écriras, je te donnerai dans ma réponse des nouvelles de ma grossesse, et de notre ménage. Si j’ai le bonheur de te donner un enfant, soit fils, soit fille, ce sera un souvenir qui me sera bien plus cher que ta bague. Mais nous pleurons, et Le-bel nous regarde et rit.

Je n’ai pu lui répondre que la serrant entre mes bras, et je l’ai ainsi remise entre ceux de son mari dans la voiture, qui me dit que notre long colloque lui avait fait le plus grand plaisir. Ils partirent : et les servantes, qui étaient lasses de se tenir là, les chandeliers à la main, en furent bien aises. Je suis allé me coucher.

Le lendemain à mon réveil, un pasteur de l’église de Genève m’ayant demandé si je voulais bien lui accorder une place dans ma voiture, j’y ai consenti. Nous n’avions que dix lieues à faire39 ; mais voulant manger quelque chose à midi, je lui ai laissé faire la disposition40.

Cet homme éloquent, et théologien de métier m’amusa beaucoup jusqu’à Genève par la facilité avec laquelle il répondit à toutes les questions, et les plus épineuses que j’ai pu lui faire en matière de religion. Il n’y avait pas de mystères pour lui, tout était raison : je n’ai jamais trouvé un prêtre plus commodément chrétien que ce brave homme, dont les mœurs, comme je l’ai su à Genève, étaient très pures ; mais je fus convaincu aussi que sa façon d’être chrétien ne lui était pas particulière, sa doctrine étant celle de toute son église. Voulant le convaincre qu’il n’était calviniste que de nom, puisqu’il ne croyait pas J. C. consubstantiel à Dieu le père, il me répondit que Calvin ne s’était jamais donné pour infaillible comme notre pape : je lui ai dit que nous ne croyons non plus le pape infaillible que lorsqu’il décidait ex cathedra, et lui citant l’évangile je lui ai fait perdre la parole. Je l’ai fait rougir quand je lui ai reproché que Calvin croyait que le pape était l’antéchrist de l’apocalypse. Il me répondit qu’il était impossible de détruire cette erreur à Genève, à moins que le gouvernement n’ordonnât de biffer une inscription sur l’église que tout le monde lisait, [100v] où le chef de l’église romaine était caractérisé ainsi41. Il me dit que le peuple était ignorant, et sot partout ; mais qu’il avait une nièce qui à l’âge de vingt ans ne pensait pas comme le peuple.

— Je veux, me dit-il, vous la faire connaître. Elle est théologienne, et jolie.

— Je la verrai, monsieur, avec plaisir ; mais Dieu me préserve de raisonner avec elle.

— Elle vous fera raisonner par force, et vous en serez bien aise, je vous en réponds.

Je lui ai demandé son adresse ; mais au lieu de me la donner, il me dit qu’il viendrait lui-même me prendre à mon auberge pour me conduire chez lui. Je suis descendu aux balances42, et je me suis trouvé très bien logé. C’était le 20 d’Août 176043.

M’approchant de la fenêtre, je regarde par hasard les vitres, et je vois écrit avec la pointe d’un diamant Tu oublieras aussi Henriette. Me rappelant dans l’instant le moment dans lequel elle m’avait écrity ces paroles, il y avait déjà treize ans44, mes cheveux se dressèrent. Nous avions logé dans cette même chambre quand elle se sépara de moi pour retourner en France. Je me suis jeté sur un fauteuil pour me laisser aller à toutes mes réflexions. Ah ! Ma chère Henriette ! Noble, et tendre Henriette que j’ai tant aimée où es-tu ? Je n’avais jamais su ni demandé de ses nouvelles à personne. Me comparant avec moi-même, je me trouvais moins digne de la posséder que dans ce temps-là. Je savais encore aimer ; mais je ne trouvais plus dans moi la délicatesse d’alors, ni les sentiments qui justifient l’égarement des sens, ni la douceur des mœurs, ni une certaine probité : et, ce qui m’épouvantait, je ne me trouvais pas la même vigueur. Il me semblait cependant que le seul souvenir d’Henriette me [101r] la rendait toute. Abandonné de ma bonne, comme je venais d’être, je me suis senti envahi d’un si fort enthousiasme, que je serais allé la voir dans l’instant, si j’avais su où aller la chercher ; malgré que ses prohibitions ne fussent pas sorties de ma mémoire.

Le lendemain je suis allé de bonne heure chez le banquier Tronchin45, qui avait tout mon argent. Après m’avoir fait voir mon compte, il me donna, comme je le désirais, une lettre de crédit sur Marseille, Gênes, Florence, et Rome. Je n’ai pris en argent comptant que douze mille francs. J’étais maître de cinquante mille écus de France46. Après avoir portéz mes lettres à leurs adresses, je suis retourné aux balances impatient de voir M. de Voltaire.

J’ai trouvé le pasteur dans ma chambre. Il me pria à dîner, me disant que j’y trouverais M. Vilars Chandieu, qui après dîner me conduirait chez M. de Voltaire où on m’attendait depuis plusieurs jours47. Après avoir donc fait une courte toilette, je me suis rendu chez le pasteur, où j’ai trouvéaa toute la compagnie intéressante ; mais principalement sa jeune nièce théologienne48, que l’oncle ne fit parler ainsi qu’au dessert.

— À quoi vous êtes-vous amusée ce matin ? ma chère nièce.

— J’ai lu S.t Augustin ; mais ne m’étant pas trouvée de son avis à la seizième leçon, je l’ai laissé ; et je crois l’avoir réfuté en peu de mots.

— De quoi s’agit-il ?

— Il dit que la vierge Marie conçut Jésus par les oreilles49. C’est absurde par trois raisons. La première parce que Dieu n’étant pas matière n’avait pas besoin d’un trou pour entrer dans le corps de la vierge. La seconde parce que les trompes de l’ouïe n’ont aucune communication avec la matrice. La troisième parce qu’elle ayant conçu par les oreilles aurait dû aussi accoucher par le même endroit ; et dans ce cas-là, dit-elle me regardant, vous auriez raison de la croire vierge dans et après ses couches aussi.

] La surprise de tous les convives fut égale à la mienne ; mais il fallait faire bonne contenance. Le divin esprit de la théologie sait se rendre supérieur à toute sensation charnelle, et tout au moins on doit lui supposer ce grand privilège. La savante nièce ne craignait pas d’en abuser, et en tout cas elle était sûre de sa grâce. C’était à moi qu’elle demandait une réponse.

Je serais de votre avis, mademoiselle, si étant théologien, je me permisse un examen raisonné des miracles ; mais ne l’étant pas permettez que je me borne, en vous admirant, à condamner S.t Augustin d’avoir voulu analyser la force de l’annonciation50. Ce que je trouve de certain est que si la vierge avait été sourde l’incarnation n’aurait pas pu avoir lieu. C’est aussi vrai en anatomie que les trois paires de nerfs qui animent l’ouïe n’envoyant aucune ramification à la matrice, on ne peut pas concevoir comment cela ait pu se faire ; mais c’est un miracle.

Elle me répondit avec beaucoup de gentillesse que c’était moi qui lui avais parlé en grand théologien, et son oncle me remercia d’avoir donnéab une bonne leçon à sa nièce. La compagnie la fit jaser sur des propos très différents ; mais elle ne brilla pas. Son fort était le nouveau testament. Il m’arrivera de devoir parler d’elle quand je serai de retour à Genève51.

Nous allâmes chez M. de Voltaire, qui sortait précisément dans ce moment-là de table. Il était environné de seigneurs, et de dames ; ainsi ma présentation devint solennelle. Il s’en fallait bien que chez Voltaire cette solennité pût m’être favorable.

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